Papier légèrement jauni, encre encore noire et belle écriture, les cahiers d'Etienne Blanc contiennent quelques dessins alertes de navi...
Papier légèrement jauni, encre encore noire et belle écriture, les cahiers d'Etienne Blanc contiennent quelques dessins alertes de navires ou de paysages côtiers. photos Laurent Saccomano
Cachées au coeur du galet rouge, les archives départementales contiennent des trésors encore inexplorés. Il en est ainsi des récits de voyages du capitaine Etienne Blanc, marin ciotaden.
Pour conclure une série consacrée aux objets de collection, voilà que l'on déniche un trésor qui n'est ni un objet ni inscrit dans une collection. En revanche, c'est bien un trésor rangé dans son carton, au rez-de-chaussée du galet rouge qui protège les archives du département des Bouches-du-Rhône. On peut le consulter sous la cote 1J1120 et sous le titre générique « Journaux de voyage d'Etienne Blanc, capitaine marseillais. Récits illustrés manuscrits et imprimés (1859-1887) ».
Le carton contient deux cahiers et un carnet contenant quelques dessins originaux, des croquis et brouillons ainsi que des cartes et plans de ports imprimés. « Il s'agit de récits de voyages écrits manuscrits régulièrement illustrés de dessins au crayon, explique Olivier Gorse, responsable du secteur des archives privées et des documents figurés. Dans ce lot, il y avait également un troisième carnet contenant des coupures de presse qui reprennent ces récits. Ce capitaine de bateau à voile avait dû faire paraître ses récits dans un journal, peut-être sous forme de feuilleton. Mais comme il ne s'agit que de coupures nous ne pouvons savoir de quel journal il s'agissait. »
Les îles de la lune
Les carnets manuscrits sont conçus comme les fac-similés d'un livre. Le capitaine a pris soin de réaliser une page de garde et un autoportrait au crayon. Il montre un capitaine à la barbe fleuri. « On ne sait pas si le portrait réalisé est fidèle ou flatteur », s'amuse Olivier Gorse. L'écriture est soignée, incroyablement lisible. Découpé en chapitres précis, son récit débute en 1859 à Marseille et s'achève à La Ciotat. Entre temps, le capitaine et son navire baptisé Le Chasseur ont sillonné l'océan Indien. Visiblement, Etienne Blanc avait pour mission de réaliser du commerce dans l'océan indien et plus particulièrement dans le canal du Mozambique, entre la côte africaine alors sous domination portugaise et les îles de la lune, rassemblées aujourd'hui dans l'archipel des Comores.
Outre le dessin d'une factorerie française à Mozambique, on trouve une série de dessins de l'île d'Anjouan, aux Comores. Visiblement, le capitaine y avait ses habitudes puisqu'il est reçu par le roi d'Anjouan dont il a fidèlement dessiné le boutre. Le capitaine consacre un chapitre aux habitudes de la cour, son roi, ses ministres et son palais. Les archivistes ne sont pas aller plus loin dans la lecture (lire ci-contre). « Ce n'est pas notre mission d'effectuer de telles recherches. Celles-ci concernent les historiens. Notre mission et d'archiver et conserver ces documents pour que des chercheurs puissent s'y pencher dans le futur. »
Etienne Blanc fait également mention du port de Pomony qui se trouve sur l'île d'Anjouan et qui n'est guère plus aujourd'hui qu'un village de pêcheurs. De quelle nature étaient les échanges ? Noix de coco ? Épices, poivre ou Ylang Ylang ? Dans ces dessins, Etienne Blanc s'attardent surtout sur des vues marines, bateaux croisés ou horizons côtiers. Les vues sur lesquelles il avait le temps de s'attarder au fil de son voyage. Visiblement, il prenait le temps de reprendre son récit au propre puisqu'il compte très peu de ratures.
Les voyages du « Zèbre »
Dans la deuxième partie de son récit, le capitaine embarque sur le Zèbre depuis le Havre. « Peut-être a-t-il pris le train de La Ciotat au Havre puisque la ligne Marseille Paris venait d'être achevée », commente Olivier Gorse. Mais Etienne Blanc ne s'attarde pas sur cette locomotion de terrien et préfère croquer les Maures, les Banians d'origine hindoue ou les noirs mozambiques.
Le deuxième voyage du Zèbre, vers 1861 lui donne loisir de décrire Table Bay à Cape Town en Afrique du Sud dont il donne avec précision le règlement du port, les types de signaux et les pavillons. Là, son récit quitte le pittoresque pour le registre pratique du marin.
En 1862, Etienne Blanc quitte le pont du Zèbre pour celui du Bahia. Il est fait mention de l'armateur nommé Bonnnefoy. Il quitte également les mers du sud pour l'Atlantique et les Caraïbes. De Marseille, il part pour Cayenne où il retrouve un Ciotaden, Etienne Carnavant qui s'est installé en Guyane pour y faire commerce. « Je connaissais ce nom car un de ses descendants installés à Cassis est venu aux archives pour faire des recherches sur ses ancêtres. » On trouve mention de cet oncle d'Amérique dans le récit d'Etienne Blanc. Dans les colonies, il a loisir d'avoir une vie sociale puisqu'il croque « Adélaïde négresse », « la mulâtresse Thérèse » ou Elisa Guébaud, « fille de conteur ».
Remontant les Caraïbes de Saint Pierre à Pointe à Pitre, il part ensuite pour New York, l'un des plus beaux ports qui existent même si le plan qu'il dessine ressemble à celui d'une bourgade. Il prend le temps de dessiner un ferry « immeuble en locomotion dont les plus grands comptent deux étages et deux gouvernails car il ne peut faire le tour ». Il rentre ensuite à bon port et écrit alors: « Je pris le train et arrive à La Ciotat ou j'embrasse ma femme et mon petit. » Un destin de marin.
Benoît Gilles
Source:lamarseillaise.fr