D'après l'OIF, l'Afrique, où vivent déjà la moitié des francophones du monde, en regroupera en 2050 environ 85 %. AFP/STEPHANE...
D'après l'OIF, l'Afrique, où vivent déjà la moitié des francophones du monde, en regroupera en 2050 environ 85 %.
Curieusement, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) pas plus que ses ancêtres n'avaient encore organisé, depuis leur naissance dans les années 1970, de grand rassemblement autour de l'idiome qui les motive. Voilà qui est réparé avec le premier Forum mondial de la langue française, qui doit se dérouler à Québec, du 2 au 6 juillet. Près de 1 500 participants - surtout des jeunes, "représentant la société civile" - sont attendus. De nombreux débats, qui seront en partie diffusés sur le siteForumfrancophonie2012.org, sont proposés autour de quatre grands thèmes : économie, formation et emploi ; la diversité linguistique ; la culture ; l'univers numérique.
Ce premier forum a un budget de quelque 5 millions de dollars canadiens (3,8 millions d'euros) financé par les gouvernements du Québec, du Canada, du Nouveau-Brunswick, des contributeurs privés et l'OIF, selon son administrateur, Clément Duhaime.
Quel est le nombre de francophones dans le monde ? Au moins 220 millions de personnes parlent le français, selon le premier rapport de l'Observatoire de la langue française, créé en 2007. Il s'est fondé non plus sur des évaluations parfois sommaires mais sur des sources statistiques, sur des enquêtes et, quand elles faisaient défaut, sur des études ad hoc menées par des organes de la francophonie. Outre les francophones des 75 Etats ou gouvernements de l'OIF (56 membres et 19 observateurs), ceux de pays non membres ont aussi été dénombrés, aux Etats-Unis (2,1 millions), en Israël (plus de 300 000 personnes) et même au Val d'Aoste (Italie, 90 000 personnes). Dans les pays africains, seules les personnes sachant non seulement parler mais aussi lire et écrire le français ont été prises en compte.
C'est l'un des facteurs qui permet aux responsables de l'OIF d'assurer que ce chiffre de 220 millions de francophones reste sous-évalué. A titre de comparaison, on estime généralement à plus de 1 milliard le nombre d'anglophones dans le monde. Mais un tiers d'entre eux seulement (330 à 340 millions) ont l'anglais comme langue maternelle. Le français est, selon l'OIF, la deuxième langue étrangère enseignée dans le monde, avec 116 millions de personnes qui l'apprennent.
Le français régresse-t-il au profit de l'anglais ? D'après le rapport, le français se développe en Afrique, principalement pour des raisons démographiques, stagne en Amérique ou en Asie, et décline en Europe, où le Royaume-Uni, par exemple, a décidé, en 2004, que la langue de Molière n'était plus indispensable à l'examen final du cycle secondaire.
Dans ses projections, l'OIF anticipe que l'Afrique, où vivent déjà environ la moitié des francophones du monde, en regroupera en 2050 environ 85 %, sur 715 millions de locuteurs, à la faveur de ses taux de natalité. A condition toutefois que la scolarisation continue de progresser sur ce continent et que le français y demeure une langue enseignée (le Rwanda a, lui, abandonné le français pour l'anglais, tout en restant membre de l'OIF).
D'où la décision prise lors du dernier sommet de la francophonie, en octobre 2011 à Montreux (Suisse), de mettre l'accent sur la formation des enseignants, notamment à travers l'Initiative francophone de formation à distance des maîtres (Ifadem), lancée au Bénin, au Burundi, en Haïti et à Madagascar. L'opération dite ELAN (Ecole et langues nationales en Afrique) vise, elle, à accompagner huit pays francophones d'Afrique subsaharienne pour la promotion d'un enseignement bilingue dans le primaire, respectueux des langues nationales. Plus anciens, 295 centres de lecture et d'animation culturelle (CLAC) ont été mis en place dans les zones rurales et périurbaines d'une vingtaine de pays francophones d'Afrique, de l'océan Indien, des Antilles et du Proche-Orient.
Le Sud-Est asiatique peut-il renouer avec le français ? L'anglais y a supplanté le français depuis longtemps. Les efforts de l'OIF portent sur l'enseignement supérieur."On crée de petites poches d'enseignement en français", explique Olivier Garro, directeur du bureau Asie-Pacifique de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF, fédération de 786 établissements d'enseignement supérieur et de recherche de 98 pays). Cette agence consacre en Asie 2 millions d'euros - sur un budget total de près de 40 millions d'euros - pour soutenir les filières bilingues dans les collèges ainsi qu'au niveau des licences et masters francophones dans les universités. Une filière francophone nécessite en moyenne un budget de 5 000 euros par an. L'AUF finance chaque année plus de 250 bourses, dont une quarantaine pour permettre à des étudiants asiatiques, notamment doctorants, de terminer leurs études au Canada, en Afrique ou en Europe.
L'OIF ne dénombre que 2,5 millions de francophones au Laos, au Cambodge et au Vietnam, où le nombre d'élèves scolarisés en 2009 dans une classe primaire ou secondaire bilingue français s'élevait respectivement à 3 000, 4 874 et 13 809. A l'université, ils sont aujourd'hui 20 000 au Vietnam, 5 100 au Laos et 7 112 au Cambodge à apprendre le français pour un total d'étudiants dans l'enseignement supérieur respectivement de 1,4 million, 53 600 et 199 150. Une proportion donc très faible, hormis au Laos (9,5 %). "Nous essayons de bâtir une francophonie de qualité. Le français est considéré comme une langue des élites et il permet de se différencier par rapport aux élites anglophones", estime Olivier Garro.
Cette politique semble porter ses fruits : dans certains secteurs, le français est redevenu la langue du quotidien. En médecine, en psychologie, en architecture, en urbanisme et en archéologie notamment, des formations conjointes d'universités et d'écoles françaises avec des universités asiatiques ont vu le jour. "Au Laos, 80 % des termes médicaux sont français et tous les médecins sont francophones", assure Silaphet Somphavong, titulaire d'un master en médecine tropicale et assistante de recherche au centre d'infectiologie Christophe-Mérieux, un institut créé en 2000 à la demande du gouvernement laotien sous l'égide de l'AUF.
C'est aussi à la demande du gouvernement vietnamien que l'AUF a ouvert en 1993, à Hanoï, l'Institut de la francophonie pour l'informatique (IFI). Depuis sa création, 335 étudiants laotiens, thaïlandais, cambodgiens, mais aussi burkinabés ou malgaches ont obtenu un master, sans compter 72 doctorants. Dans cette région d'Asie, une vingtaine de masters sont proposés en partenariat avec des universités françaises, ce qui permet aux étudiants d'être diplômés à la fois de l'université d'origine et de l'université française partenaire. Selon des chiffres du projet Valofrase (valorisation du français dans le Sud-Est asiatique), 83 % des diplômés de 2008 ont aujourd'hui une activité professionnelle, et 48 % déclarent utiliser le français dans leur travail.
Où en est le français au Canada et, notamment, au Québec ? Au Canada, officiellement bilingue (anglais-français) depuis 1969, la proportion de personnes de langue maternelle française est passée de 27 % à 22 % entre 1971 et 2006. Le nombre de locuteurs francophones s'est légèrement accru, de 0,7 % par an entre 1971 et 1996, et de 0,5 % par an entre 1996 et 2006, mais l'anglais reste largement la langue commune.
Au Québec, unique province canadienne où le français est la seule langue officielle (depuis 1974), le pourcentage de personnes ayant le français pour langue maternelle a baissé de 80,7 % en 1971 à 79,6 % en 2006, en grande partie en raison d'une hausse de l'immigration. Au total, le nombre de francophones est passé de 82,5 % à 85,7 % dans le même laps de temps. A Montréal cependant, l'anglais a tendance à revenir en force dans le commerce. Le nombre de plaintes adressées à l'Office québécois de la langue française a pratiquement doublé au cours des quatre dernières années, dont une bonne partie concerne les enseignes.
Quid du français dans les organisations internationales et aux Jeux olympiques ?La régression est patente dans les organisations internationales et sur leurs sites, même lorsque le français y est langue officielle ou langue de travail. Abdou Diouf, secrétaire général de l'OIF, déplore "une certaine démission des élites françaises", qui"s'expriment en anglais quand leurs homologues hispaniques parlent en espagnol, et ceux arabes, en arabe, par exemple à l'Unesco", dont le siège est à Paris. Alexandre Wolff, responsable de l'Observatoire de l'OIF, constate que, dans les instances de l'ONU, à Genève, 90 % des textes sont d'abord rédigés en anglais. A toutes ces organisations, l'OIF distribue un vade-mecum, rappel à la diversité linguistique... diversement suivi d'effets.
Nommée en 2011 "grand témoin" de la francophonie, Michaëlle Jean, ex-gouverneure générale du Canada, assistera aux Jeux olympiques de Londres, du 27 juillet au 12 août, pour veiller au bon usage du français, langue officielle de l'olympisme avec l'anglais. L'OIF y présentera aussi une programmation culturelle francophone, sur le thème "Le français, j'adore !"
Source : lemonde.fr
Ce premier forum a un budget de quelque 5 millions de dollars canadiens (3,8 millions d'euros) financé par les gouvernements du Québec, du Canada, du Nouveau-Brunswick, des contributeurs privés et l'OIF, selon son administrateur, Clément Duhaime.
Quel est le nombre de francophones dans le monde ? Au moins 220 millions de personnes parlent le français, selon le premier rapport de l'Observatoire de la langue française, créé en 2007. Il s'est fondé non plus sur des évaluations parfois sommaires mais sur des sources statistiques, sur des enquêtes et, quand elles faisaient défaut, sur des études ad hoc menées par des organes de la francophonie. Outre les francophones des 75 Etats ou gouvernements de l'OIF (56 membres et 19 observateurs), ceux de pays non membres ont aussi été dénombrés, aux Etats-Unis (2,1 millions), en Israël (plus de 300 000 personnes) et même au Val d'Aoste (Italie, 90 000 personnes). Dans les pays africains, seules les personnes sachant non seulement parler mais aussi lire et écrire le français ont été prises en compte.
C'est l'un des facteurs qui permet aux responsables de l'OIF d'assurer que ce chiffre de 220 millions de francophones reste sous-évalué. A titre de comparaison, on estime généralement à plus de 1 milliard le nombre d'anglophones dans le monde. Mais un tiers d'entre eux seulement (330 à 340 millions) ont l'anglais comme langue maternelle. Le français est, selon l'OIF, la deuxième langue étrangère enseignée dans le monde, avec 116 millions de personnes qui l'apprennent.
Le français régresse-t-il au profit de l'anglais ? D'après le rapport, le français se développe en Afrique, principalement pour des raisons démographiques, stagne en Amérique ou en Asie, et décline en Europe, où le Royaume-Uni, par exemple, a décidé, en 2004, que la langue de Molière n'était plus indispensable à l'examen final du cycle secondaire.
Dans ses projections, l'OIF anticipe que l'Afrique, où vivent déjà environ la moitié des francophones du monde, en regroupera en 2050 environ 85 %, sur 715 millions de locuteurs, à la faveur de ses taux de natalité. A condition toutefois que la scolarisation continue de progresser sur ce continent et que le français y demeure une langue enseignée (le Rwanda a, lui, abandonné le français pour l'anglais, tout en restant membre de l'OIF).
D'où la décision prise lors du dernier sommet de la francophonie, en octobre 2011 à Montreux (Suisse), de mettre l'accent sur la formation des enseignants, notamment à travers l'Initiative francophone de formation à distance des maîtres (Ifadem), lancée au Bénin, au Burundi, en Haïti et à Madagascar. L'opération dite ELAN (Ecole et langues nationales en Afrique) vise, elle, à accompagner huit pays francophones d'Afrique subsaharienne pour la promotion d'un enseignement bilingue dans le primaire, respectueux des langues nationales. Plus anciens, 295 centres de lecture et d'animation culturelle (CLAC) ont été mis en place dans les zones rurales et périurbaines d'une vingtaine de pays francophones d'Afrique, de l'océan Indien, des Antilles et du Proche-Orient.
Le Sud-Est asiatique peut-il renouer avec le français ? L'anglais y a supplanté le français depuis longtemps. Les efforts de l'OIF portent sur l'enseignement supérieur."On crée de petites poches d'enseignement en français", explique Olivier Garro, directeur du bureau Asie-Pacifique de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF, fédération de 786 établissements d'enseignement supérieur et de recherche de 98 pays). Cette agence consacre en Asie 2 millions d'euros - sur un budget total de près de 40 millions d'euros - pour soutenir les filières bilingues dans les collèges ainsi qu'au niveau des licences et masters francophones dans les universités. Une filière francophone nécessite en moyenne un budget de 5 000 euros par an. L'AUF finance chaque année plus de 250 bourses, dont une quarantaine pour permettre à des étudiants asiatiques, notamment doctorants, de terminer leurs études au Canada, en Afrique ou en Europe.
L'OIF ne dénombre que 2,5 millions de francophones au Laos, au Cambodge et au Vietnam, où le nombre d'élèves scolarisés en 2009 dans une classe primaire ou secondaire bilingue français s'élevait respectivement à 3 000, 4 874 et 13 809. A l'université, ils sont aujourd'hui 20 000 au Vietnam, 5 100 au Laos et 7 112 au Cambodge à apprendre le français pour un total d'étudiants dans l'enseignement supérieur respectivement de 1,4 million, 53 600 et 199 150. Une proportion donc très faible, hormis au Laos (9,5 %). "Nous essayons de bâtir une francophonie de qualité. Le français est considéré comme une langue des élites et il permet de se différencier par rapport aux élites anglophones", estime Olivier Garro.
Cette politique semble porter ses fruits : dans certains secteurs, le français est redevenu la langue du quotidien. En médecine, en psychologie, en architecture, en urbanisme et en archéologie notamment, des formations conjointes d'universités et d'écoles françaises avec des universités asiatiques ont vu le jour. "Au Laos, 80 % des termes médicaux sont français et tous les médecins sont francophones", assure Silaphet Somphavong, titulaire d'un master en médecine tropicale et assistante de recherche au centre d'infectiologie Christophe-Mérieux, un institut créé en 2000 à la demande du gouvernement laotien sous l'égide de l'AUF.
C'est aussi à la demande du gouvernement vietnamien que l'AUF a ouvert en 1993, à Hanoï, l'Institut de la francophonie pour l'informatique (IFI). Depuis sa création, 335 étudiants laotiens, thaïlandais, cambodgiens, mais aussi burkinabés ou malgaches ont obtenu un master, sans compter 72 doctorants. Dans cette région d'Asie, une vingtaine de masters sont proposés en partenariat avec des universités françaises, ce qui permet aux étudiants d'être diplômés à la fois de l'université d'origine et de l'université française partenaire. Selon des chiffres du projet Valofrase (valorisation du français dans le Sud-Est asiatique), 83 % des diplômés de 2008 ont aujourd'hui une activité professionnelle, et 48 % déclarent utiliser le français dans leur travail.
Où en est le français au Canada et, notamment, au Québec ? Au Canada, officiellement bilingue (anglais-français) depuis 1969, la proportion de personnes de langue maternelle française est passée de 27 % à 22 % entre 1971 et 2006. Le nombre de locuteurs francophones s'est légèrement accru, de 0,7 % par an entre 1971 et 1996, et de 0,5 % par an entre 1996 et 2006, mais l'anglais reste largement la langue commune.
Au Québec, unique province canadienne où le français est la seule langue officielle (depuis 1974), le pourcentage de personnes ayant le français pour langue maternelle a baissé de 80,7 % en 1971 à 79,6 % en 2006, en grande partie en raison d'une hausse de l'immigration. Au total, le nombre de francophones est passé de 82,5 % à 85,7 % dans le même laps de temps. A Montréal cependant, l'anglais a tendance à revenir en force dans le commerce. Le nombre de plaintes adressées à l'Office québécois de la langue française a pratiquement doublé au cours des quatre dernières années, dont une bonne partie concerne les enseignes.
Quid du français dans les organisations internationales et aux Jeux olympiques ?La régression est patente dans les organisations internationales et sur leurs sites, même lorsque le français y est langue officielle ou langue de travail. Abdou Diouf, secrétaire général de l'OIF, déplore "une certaine démission des élites françaises", qui"s'expriment en anglais quand leurs homologues hispaniques parlent en espagnol, et ceux arabes, en arabe, par exemple à l'Unesco", dont le siège est à Paris. Alexandre Wolff, responsable de l'Observatoire de l'OIF, constate que, dans les instances de l'ONU, à Genève, 90 % des textes sont d'abord rédigés en anglais. A toutes ces organisations, l'OIF distribue un vade-mecum, rappel à la diversité linguistique... diversement suivi d'effets.
Nommée en 2011 "grand témoin" de la francophonie, Michaëlle Jean, ex-gouverneure générale du Canada, assistera aux Jeux olympiques de Londres, du 27 juillet au 12 août, pour veiller au bon usage du français, langue officielle de l'olympisme avec l'anglais. L'OIF y présentera aussi une programmation culturelle francophone, sur le thème "Le français, j'adore !"
Source : lemonde.fr
COMMENTAIRES