Excellence Monsieur le Président de la République, Votre brillante élection à la magistrature suprême de votre pays a été chaleureuseme...
Excellence Monsieur le Président de la République, Votre brillante élection à la magistrature suprême de votre pays a été chaleureusement saluée par les Comoriens et les Comoriennes de l'Archipel, mais aussi par la diaspora vivant en France.
Cette élection nous offre, par la même occasion, l'honneur et le privilège de vous adresser nos vives félicitations auxquelles, nous joignons nos voeux de succès pour vous-même, et pour la France dont vous avez désormais la lourde charge mais oh combien exaltante! Nous fondons l'espoir que l'objectif commun, poursuivi par l'ensemble des dirigeants européens, de relancer l'économie pour générer une croissance durable, trouvera dans vos convictions et votre engagement personnel, les ressources indispensables pour faire avancer l'intégration européenne.
Tout au long de votre campagne, Monsieur le Président, vous avez insisté sur la nécessité de relancer l'activité économique au moment où, le thème de la crise financière et de la dette souveraine est au coeur des préoccupations. En affirmant que "l'austérité n'est pas la solution, et qu'un traité qui ne serait que budgétaire, sans prendre en compte l'impératif du soutien de l'activité et de l'emploi, ne servirait à rien", vous avez exprimé, très clairement, votre vision économique. Monsieur le Président, comme vous le savez, les relations entre votre pays, la France, et les Comores sont entachées par la non résolution de cette question en suspens, ce contentieux désagréable, à savoir le problème de Mayotte.
Ces relations devraient pourtant être apaisées dans l'intérêt bien compris de nos deux peuples. Depuis l'accession des Comores à l'Indépendance en 1975 et son admission dans le concert des Nations dans ses frontières héritées de la colonisations, la France a fait le choix d'administrer l'île comorienne de Mayotte, en violation du droit international, essuyant depuis, plus d'une vingtaine de résolutions condamnant les consultations organisées à Mayotte et l'exhortant à ouvrir des négociations avec les Comores pour fixer les conditions d'un retour de l'île comorienne dans son giron naturel.
Monsieur le Président, point n'est besoin de revisiter notre histoire commune. La récente visite du Président Sambi en France et son entretien avec le Président Sarkozy, le 28 septembre 2007, avaient suscité beaucoup d'espoir. Pour la première fois, la France reconnaissait officiellement le contentieux territorial et promettait d'ouvrir des discussions à ce sujet. Le Groupe de travail de haut niveau, mis en place pour préparer les conditions de signature d'un traité ad hoc en 2009, a réorienté ses travaux pour parler uniquement de circulation de biens et de personnes, sans jamais aborder les questions de fonds. Simultanément aux discussions annoncées prometteuses, la France, à notre grande surprise, organise la consultation du 29 mars 2009 sur l'accès de Mayotte au statut de Département français d'outre-mer, comprise ici aux Comores comme une humiliation.
Les deux présidents, Sambi et Sarkozy, avaient pourtant convenu, lors de leur entretien, que le "rattachement de Mayotte aux Comores devrait être recherché par l'intégration économique et le renforcement de l'Etat de droit aux Comores, pour les rendre plus attractives vis-à-vis des Mahorais". Aucune piste sérieuse n'avait été recherchée par la suite sur ce postulat politique. Les Comores ont avancé la proposition "un Etat, deux Administrations", qui n'a pas trouvé l'écho nécessaire.
Et pourtant, Monsieur le Président, les Comores ont fait d'énormes concessions; le point Mayotte n'avait plus été soumis à l'Assemblée générale des Nations Unies depuis 1994, à la demande des Comores; le sujet chaque année reporté à l'ordre du jour de l'année suivante. C'est cette année 1994, pour des raisons purement électoralistes, que le Premier Ministre Balladur a choisi pour mettre en place un visa d'entrée à Mayotte pour les Comoriens des trois autres îles. Plus de 16.000 Comoriens de Anjouan, de Mohéli, de Ngazidja et parfois de Mayotte, souhaitant s'y rendre par vedettes, ont trouvé la mort dans ce qu'il est convenu d'appeler, le plus grand cimetière marin du monde.
Nous croyons, Monsieur le Président, que la relation entre la France et les Comores, et son histoire immédiate, ne peuvent plus continuer à s'écrire avec des chiffres macabres. Plus de 200.000 Comoriens vivent sur le sol français et leurs transferts financiers vers leur pays d'origine représentent le double du budget national. Il y a donc là, des atouts que les deux parties doivent valoriser. Mayotte a vécu, l'année dernière, des manifestations contre la vie chère qui illustrent les nombreuses frustrations nées des déchirures accumulées. Ces manifestations, au-delà des revendications primaires sur les prix d'une douzaine de produits de première nécessité, sont l'illustration d'un sursaut de dignité et d'exigence de respect.
En injectant chaque année 800 millions d'euros à Mayotte, la France y implante une économie artificielle qui ne repose sur aucune base solide de développement et un déséquilibre socio-économique entre les quatre îles de l'Archipel. Mayotte est devenue ainsi un eldorado de refuge pour les ennemies des Comores, un lieu privilégié pour les activistes de tout bord, dont le but est de déstabiliser, d'une façon permanente, les institutions comoriennes.
Ce déséquilibre économique provoque un déplacement incessant des habitants d'autres îles vers cette île soeur, avec les conséquences dramatiques que nous connaissons. La France n'a pas vocation à approfondir le fossé qui sépare des îles ayant un destin commun. L'engagement de votre prédécesseur de soumettre, à l'ordre du jour de la prochaine session de la Commission européenne prévue du 28 au 29 juin prochains, l'examen de la dimension juridique du changement de statut de Mayotte, au titre du 101ème département français, est une erreur historique et une insulte à l'avenir, comme l'a été le référendum sur la départementalisation.
Avec votre élection, Monsieur le Président, nous fondons notre espoir que le Groupe de travail de haut niveau sera remis en selle, pour relancer les discussions sur l'avenir juridique de l'Archipel, conscient que son unité, son rayonnement, son développement ont besoin d'être accompagnés et soutenus par la France, notre premier partenaire de toujours.
Tout en vous souhaitant plein succès dans vos nouvelles responsabilités, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de notre haute considération.
Ont signé
Saïd Hassane Saïd Hachim Ancien gouverneur de l'île de Ngazidja Ancien ministre d'Etat Ancien ambassadeur des Comores en France
Ali Mroudjaé Ancien ministre des Affaires étrangères Ancien Premier ministre
Abdallah Halifa Ancien président de l'Assemblée Nationale des Comores
Colonel Abdou Razak Abdoulhamid Ancien chef de la Gendarmerie nationale Ancien président de la Cour Constitutionnelle
Dr Mouhtare Ahmed Charif Ancien ministre de l'Education nationale Ancien ministre des Affaires étrangères Ancien représentant de l'OMS
Ali Mlahaili Ancien directeur de cabinet du Chef de l'Etat, chargé de la Défense Ancien ambassadeur des Comores en France
Moroni, le 15 mai 2012
Alwatwan
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