Les rapports entre le gouvernement et les médias, publics ou privés, sont de plus en plus tendus. Ce jeudi 3 mai, journée mondiale de la ...
Les rapports entre le gouvernement et les médias, publics ou privés, sont de plus en plus tendus.
"La Tunisie est un pays où, traditionnellement, les gouvernements sont légitimés par le peuple. Ces dérapages verbaux peuvent être dangereux", met en garde Olivia Gré, responsable du bureau de Reporters sans frontières à Tunis, soulignant une "certaine animosité à l'encontre de la télévision nationale depuis la prise de fonction du nouveau gouvernement".
"Épuration"
Perché sur les hauteurs de Tunis, le siège de la télévision nationale cristallise les tensions. Depuis le 2 mars, des manifestants ont planté leurs tentes demandant l'"épuration" de la rédaction, accusée d'entraver le travail du gouvernement. Dans la plupart des médias publics, les journalistes qui officiaient déjà sous Ben Ali sont toujours présents. Nombre d'entre eux ont cependant suivi des sessions de formation, souvent organisées par des médias étrangers. Mais, le 24 avril, des heurts ont eu lieu entre le personnel de la chaîne et les protestataires. Quelques jours plus tard, trois présentatrices du JT de 20 heures de la télévision nationale ont démissionné, afin de "relâcher la pression qui pèse sur la chaîne", alors qu'un élu d'Ennahda, Ameur Laârayedh, n'écartait pas la possibilité de la "privatisation" du service public tunisien.
"Le gouvernement n'est pas homogène. Il y a une aile qui joue la surenchère et une autre qui va dans le même sens que nous. Nous avons grandement besoin d'un service public pour garantir la neutralité des informations. Il faut que les médias gouvernementaux deviennent réellement des médias publics. C'est, j'ai envie de dire, révolutionnaire", souligne Larbi Chouikha, membre de l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (INRIC), qui a remis le 30 avril au Premier ministre un rapport virulent à l'encontre des médias et sur les compétences des journalistes.
Monopole des nominations
Peu après sa prise de fonction,Hamadi Jebali avait mis le feu aux poudres. Le 7 janvier, il annonçait la nomination de plusieurs personnes à la tête des médias publics, déclenchant la colère des journalistes. Ni le SNJT, ni l'INRIC n'avaient été consultés. Le gouvernement a réitéré fin avril. Habib Belaïd, directeur de la radio nationale nommé au lendemain de la révolution, a appris son éviction par son chauffeur. Son remplacement décidé le 17 avril a été publié au Journal officiel trois jours plus tard, sans qu'il en soit averti.
"Il n'y a ni cadre juridique, ni cadre institutionnel à l'heure actuelle", rappelle Larbi Chouikha, membre de l'INRIC, qui appelle de ses "voeux" l'application des décrets-lois 115 et 116. Élaborés en septembre 2011 afin de renforcer la liberté de la presse, ils prévoient notamment la création de la HAICA, une sorte de CSA qui devra notamment être en charge des nominations. Depuis, ils n'ont pas été activés.
Impunité malsaine
"Le gouvernement veut garder le monopole sur les nominations des responsables des médias publics", estime Mongi Khadraoui, secrétaire général du SNJT, qui souligne qu'il "doit y avoir encore des traces de corruption dans les médias, surtout les publics". Alors que le syndicat des journalistes avait décidé en juin 2011 d'établir une "liste noire" des journalistes corrompus sous Ben Ali, le ministère de l'Intérieur n'a pas ouvert ses archives jusqu'ici. "Il y a une impunité malsaine au sein des rédactions", note le sociologue Riadh Ferjani, qui prône l'intégration des médias dans la justice transitionnelle.
De notre correspondante à Tunis, Julie Schneider
Source : lepoint.fr
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