Bonjour, Mme Sitty Echat, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous présenter vos responsabilités associatives ? Titulaire d...
Bonjour, Mme Sitty Echat, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous présenter vos responsabilités associatives ?
Titulaire d’un Baccalauréat et d’un Brevet de Technicien Supérieur en Tourisme obtenu à Maurice, je suis actuellement employée à l’Office de Tourisme d’Anjouan, et dirige ma propre entreprise dans le secteur de l’évènementiel. Au niveau associatif, je milite activement pour promouvoir le rôle de la femme dans la société comorienne. Je suis ainsi la Vice-Présidente nationale de l’Association « Entreprendre au Féminin Océan Indien », qui regroupe les femmes entrepreneurs. Cette association vise à promouvoir l’implication des femmes dans les activités génératrices de revenus. Je suis également la Présidente du Comité Féminin de Défense des Droits et Intérêts de Mutsamudu, qui a d’ailleurs bénéficié de l’aide de la coopération française, au travers du Fonds Social de Développement, pour son projet de « Vitrine de la Femme Anjouanaise », inauguré en mars 2011, en présence de l’Ambassadeur de France.
En quoi consistait ce projet ?
Le Comité souhaitait engager des travaux de rénovation pour notre local situé au cœur de Mutsamudu, afin d’en faire un lieu voué au commerce et créateur d’emplois au profit des femmes. Compte tenu de l’apport de ce projet pour la promotion de l’entreprenariat et de l’emploi des femmes, mais aussi plus largement de son intérêt pour le développement économique et social du pays, la France a accepté de nous appuyer financièrement à hauteur de 37 900 000 francs comoriens (77.000€), pour la rénovation des locaux : un local buvette, sept locaux commerciaux ainsi qu’un local informatique ont pu être construits et sont aujourd’hui tenus en majorité par des femmes. La coopération française a par ailleurs participé pour plus de 8 350 000 francs comoriens (17.000€), aux activités de formation qui se déroulent aujourd’hui dans notre salle informatique, au profit des jeunes filles déscolarisées et des femmes sans emploi, qui sont malheureusement nombreuses dans nos îles. L’appui de la coopération française et des associations communautaires à ce projet a ainsi permis aux anjouanaises de pouvoir s’impliquer plus efficacement dans le développement de notre pays, en mettant en valeur leurs savoir-faire ainsi que la production artisanale locale.
De façon générale, quel rôle, selon vous, les femmes doivent-elles aujourd’hui jouer pour le développement de leur pays ?
Il faut sans aucun doute que les femmes soient plus impliquées dans la vie économique et sociale. A mon avis, elles peuvent notamment apporter une contribution essentielle dans deux domaines bien particuliers :
Pour favoriser la croissance économique, les femmes doivent développer les activités génératrices de revenus et s’engager dans l’entreprenariat, pour lequel elles disposent des atouts et compétences nécessaires.
Les femmes doivent également s’impliquer pour améliorer l’état de santé des familles comoriennes. Nous sommes toutes préoccupées par les dégâts causés dans nos familles par de nombreuses maladies, comme le SIDA. Face à ces défis, les femmes peuvent jouer leurs rôles et s’engager pour sensibiliser les pouvoirs publics, ou la jeunesse par exemple. A titre personnel, outre mes autres engagements associatifs, je milite ainsi dans l’association STOP SIDA, qui organise régulièrement des tournées dans l’île pour sensibiliser les jeunes comoriens à la prévention contre ce fléau.
Les femmes constituent par ailleurs de réelles forces actives pour la vie communautaire. Dynamiques et entreprenantes, nous sommes nombreuses à être engagées dans les associations au profit du développement local. Nous somme capables de nous investir à fond dans un projet et militons toujours sans relâche pour notre cause.
Il est donc nécessaire que toutes les femmes soient actives et restent engagées, pour que nos considérations soient enfin entendues et prises en comptes.
Au-delà de nos rôles de mère et d’épouse auxquels il ne faut pas nous réduire, nous devons toutes être capables de nous prendre en charge et d’être autonomes, pour ne pas dépendre exclusivement de nos maris.
Justement, comment faites-vous pour concilier toutes vos activités associatives avec votre vie de famille ?
Il est vrai que mes responsabilités me conduisent régulièrement à m’absenter de la maison, pour assister à des colloques, des réunions, et militer sur le terrain pour la cause des femmes. Mais j’essaie dans la mesure du possible d’être présente auprès de mon mari et de mes trois filles, qui me soutiennent d’ailleurs dans toutes les actions que j’entreprends.
Lorsque mes filles me demandent ce que je fais lorsque je suis absente, je prends le temps de leur expliquer toute l’importance de mon combat pour le progrès de la cause féminine et la garantie d’un meilleur avenir pour les femmes comoriennes qu’elles deviendront un jour. Car si nous ne restons pas impliquées aujourd’hui, personne ne prendra jamais au sérieux les revendications et les attentes des femmes de ce pays.
Quelles difficultés et quels problèmes existent à l’heure actuelle dans la société comorienne en matière d’égalité femme-homme ?
Bien que les femmes aient toujours été fortement impliquées dans le développement communautaire, à travers notamment leurs responsabilités associatives, nous souffrons d’un manque de reconnaissance de la société comorienne toute entière et restons largement exclues des cercles de décision et des postes à responsabilité. Nous sommes ainsi peu représentées parmi les décideurs politiques de ce pays et déplorons cet état de fait.
La question de l’égalité femme-homme est en fait confrontée au poids des coutumes et des traditions, qui compliquent parfois l’évolution des mentalités sur ces problèmes. Des hommes et même des femmes me font parfois part de leurs réticences et de leur scepticisme sur les actions que je mène, que certains voient encore aujourd’hui d’un mauvais œil.
Quel rôle la France peut-elle alors jouer dans l’amélioration de la place et du rôle des femmes aux Comores ?
A mon sens, la France est en avance par rapport à nos autres partenaires sur ces questions. Elle apparaît donc la mieux placée pour soutenir nos initiatives et promouvoir une meilleure intégration de la question du genre dans les politiques publiques de développement.
Grâce au projet de la Vitrine de la Femme Anjouanaise, nous avons pu constater l’engagement de la France à ce sujet. Mais les défis et les projets ne manquent pas, et nous espérons que la France poursuivra ses efforts.
Une dernière question : quels conseils donneriez-vous aujourd’hui à une jeune comorienne qui s’apprête à s’engager dans la vie active et souhaite contribuer au développement de son pays ?
Je lui suggèrerais de rentrer d’abord dans les associations telles que celles auxquelles je participe. Grâce aux rencontres et aux multiples échanges, nous apprenons beaucoup de choses, notamment à savoir oser et entreprendre, à ne pas hésiter à s’engager et à donner notre point de vue. C’est aussi dans les associations que l’on apprend à mieux communiquer auprès du public et des institutions, pour au final parvenir à mobiliser plus efficacement les partenaires au développement, tels que la France. Les associations entretiennent de plus une dynamique de groupe qui stimule la motivation de chacune d’entre nous.
Je lui conseillerais enfin de s’engager à fond, d’être active et entêtée pour que ces projets aient la chance de réussir.
Publié le 09/03/12 et mise à jour le 27/04/14
Avec l'Ambassade de Franceà Moroni
Titulaire d’un Baccalauréat et d’un Brevet de Technicien Supérieur en Tourisme obtenu à Maurice, je suis actuellement employée à l’Office de Tourisme d’Anjouan, et dirige ma propre entreprise dans le secteur de l’évènementiel. Au niveau associatif, je milite activement pour promouvoir le rôle de la femme dans la société comorienne. Je suis ainsi la Vice-Présidente nationale de l’Association « Entreprendre au Féminin Océan Indien », qui regroupe les femmes entrepreneurs. Cette association vise à promouvoir l’implication des femmes dans les activités génératrices de revenus. Je suis également la Présidente du Comité Féminin de Défense des Droits et Intérêts de Mutsamudu, qui a d’ailleurs bénéficié de l’aide de la coopération française, au travers du Fonds Social de Développement, pour son projet de « Vitrine de la Femme Anjouanaise », inauguré en mars 2011, en présence de l’Ambassadeur de France.
En quoi consistait ce projet ?
Le Comité souhaitait engager des travaux de rénovation pour notre local situé au cœur de Mutsamudu, afin d’en faire un lieu voué au commerce et créateur d’emplois au profit des femmes. Compte tenu de l’apport de ce projet pour la promotion de l’entreprenariat et de l’emploi des femmes, mais aussi plus largement de son intérêt pour le développement économique et social du pays, la France a accepté de nous appuyer financièrement à hauteur de 37 900 000 francs comoriens (77.000€), pour la rénovation des locaux : un local buvette, sept locaux commerciaux ainsi qu’un local informatique ont pu être construits et sont aujourd’hui tenus en majorité par des femmes. La coopération française a par ailleurs participé pour plus de 8 350 000 francs comoriens (17.000€), aux activités de formation qui se déroulent aujourd’hui dans notre salle informatique, au profit des jeunes filles déscolarisées et des femmes sans emploi, qui sont malheureusement nombreuses dans nos îles. L’appui de la coopération française et des associations communautaires à ce projet a ainsi permis aux anjouanaises de pouvoir s’impliquer plus efficacement dans le développement de notre pays, en mettant en valeur leurs savoir-faire ainsi que la production artisanale locale.
De façon générale, quel rôle, selon vous, les femmes doivent-elles aujourd’hui jouer pour le développement de leur pays ?
Il faut sans aucun doute que les femmes soient plus impliquées dans la vie économique et sociale. A mon avis, elles peuvent notamment apporter une contribution essentielle dans deux domaines bien particuliers :
Pour favoriser la croissance économique, les femmes doivent développer les activités génératrices de revenus et s’engager dans l’entreprenariat, pour lequel elles disposent des atouts et compétences nécessaires.
Les femmes doivent également s’impliquer pour améliorer l’état de santé des familles comoriennes. Nous sommes toutes préoccupées par les dégâts causés dans nos familles par de nombreuses maladies, comme le SIDA. Face à ces défis, les femmes peuvent jouer leurs rôles et s’engager pour sensibiliser les pouvoirs publics, ou la jeunesse par exemple. A titre personnel, outre mes autres engagements associatifs, je milite ainsi dans l’association STOP SIDA, qui organise régulièrement des tournées dans l’île pour sensibiliser les jeunes comoriens à la prévention contre ce fléau.
Les femmes constituent par ailleurs de réelles forces actives pour la vie communautaire. Dynamiques et entreprenantes, nous sommes nombreuses à être engagées dans les associations au profit du développement local. Nous somme capables de nous investir à fond dans un projet et militons toujours sans relâche pour notre cause.
Il est donc nécessaire que toutes les femmes soient actives et restent engagées, pour que nos considérations soient enfin entendues et prises en comptes.
Au-delà de nos rôles de mère et d’épouse auxquels il ne faut pas nous réduire, nous devons toutes être capables de nous prendre en charge et d’être autonomes, pour ne pas dépendre exclusivement de nos maris.
Justement, comment faites-vous pour concilier toutes vos activités associatives avec votre vie de famille ?
Il est vrai que mes responsabilités me conduisent régulièrement à m’absenter de la maison, pour assister à des colloques, des réunions, et militer sur le terrain pour la cause des femmes. Mais j’essaie dans la mesure du possible d’être présente auprès de mon mari et de mes trois filles, qui me soutiennent d’ailleurs dans toutes les actions que j’entreprends.
Lorsque mes filles me demandent ce que je fais lorsque je suis absente, je prends le temps de leur expliquer toute l’importance de mon combat pour le progrès de la cause féminine et la garantie d’un meilleur avenir pour les femmes comoriennes qu’elles deviendront un jour. Car si nous ne restons pas impliquées aujourd’hui, personne ne prendra jamais au sérieux les revendications et les attentes des femmes de ce pays.
Quelles difficultés et quels problèmes existent à l’heure actuelle dans la société comorienne en matière d’égalité femme-homme ?
Bien que les femmes aient toujours été fortement impliquées dans le développement communautaire, à travers notamment leurs responsabilités associatives, nous souffrons d’un manque de reconnaissance de la société comorienne toute entière et restons largement exclues des cercles de décision et des postes à responsabilité. Nous sommes ainsi peu représentées parmi les décideurs politiques de ce pays et déplorons cet état de fait.
La question de l’égalité femme-homme est en fait confrontée au poids des coutumes et des traditions, qui compliquent parfois l’évolution des mentalités sur ces problèmes. Des hommes et même des femmes me font parfois part de leurs réticences et de leur scepticisme sur les actions que je mène, que certains voient encore aujourd’hui d’un mauvais œil.
Quel rôle la France peut-elle alors jouer dans l’amélioration de la place et du rôle des femmes aux Comores ?
A mon sens, la France est en avance par rapport à nos autres partenaires sur ces questions. Elle apparaît donc la mieux placée pour soutenir nos initiatives et promouvoir une meilleure intégration de la question du genre dans les politiques publiques de développement.
Grâce au projet de la Vitrine de la Femme Anjouanaise, nous avons pu constater l’engagement de la France à ce sujet. Mais les défis et les projets ne manquent pas, et nous espérons que la France poursuivra ses efforts.
Une dernière question : quels conseils donneriez-vous aujourd’hui à une jeune comorienne qui s’apprête à s’engager dans la vie active et souhaite contribuer au développement de son pays ?
Je lui suggèrerais de rentrer d’abord dans les associations telles que celles auxquelles je participe. Grâce aux rencontres et aux multiples échanges, nous apprenons beaucoup de choses, notamment à savoir oser et entreprendre, à ne pas hésiter à s’engager et à donner notre point de vue. C’est aussi dans les associations que l’on apprend à mieux communiquer auprès du public et des institutions, pour au final parvenir à mobiliser plus efficacement les partenaires au développement, tels que la France. Les associations entretiennent de plus une dynamique de groupe qui stimule la motivation de chacune d’entre nous.
Je lui conseillerais enfin de s’engager à fond, d’être active et entêtée pour que ces projets aient la chance de réussir.
Publié le 09/03/12 et mise à jour le 27/04/14
Avec l'Ambassade de Franceà Moroni