Les dernières revues du programme ne semblent pas être aussi satisfaisantes qu'on le laisse croire. Quels sont les ratés des réformes o...
Les dernières revues du programme ne semblent pas être aussi satisfaisantes qu'on le laisse croire. Quels sont les ratés des réformes ou les performances non encore accomplies?
Comme vous savez, lorsqu'on est sous programme avec le Fmi, l'évaluation du pays se fait sur la base de repères quantitatifs et de repères structurels préalablement définis d'un commun accord. Pour les critères quantitatifs, des montants plafonnés à ne pas dépasser ont été fixés. C'est le cas par exemple de la masse salariale où un seuil est fixé afin de respecter l'équilibre général des finances publiques. C'est le cas aussi de la Position nette du gouvernement ou Png autrement dit le niveau d'endettement de l'Etat à la Banque centrale. Un autre critère concerne les arriérés de salaires pour éviter d'avoir d'arriérés au moment des revues trimestrielles. Il y a également des montants planchers ou minimum à réaliser en matière de recettes, etc. En plus de ces repères quantitatifs, il y a également des repères structurels comme la privatisation de Comores Télécom, l'adoption des cadres organiques, le paiement des salaires des agents de la Fop sur base informatique, ou encore la réalisation du recensement de l'ensemble des agents payés par l'Etat. Nous avons au total dix indicateurs quantitatifs et structurels à respecter.
Plus concrètement, que sont-ils et où est-on au niveau des indicateurs de performances ?
Pour répondre précisément à votre question, il est nécessaire de rappeler qu'au moment de la dernière revue, ces indicateurs se sont éloignés des objectifs fixés : une masse salariale dépassant le niveau fixé, une accumulation d'arriérés de salaires, des réformes structurelles en retard, notamment dans le domaine privatisations. (Lire, à ce propos, notre éddition du mardi 4 octobre 2011). Les autorités ont décidé de prendre le taureau par les cornes. S.E. Ikililou Dhoinine ne rate pas une occasion pour rappeler à ses ministres les enjeux du point d'achèvement. Je ne parlerai pas du vice-président Mohamed Ali Soilihi qui a fait de ce programme sa priorité quotidienne. Aujourd'hui, ont peut affirmer que les critères fixés pour le 31 décembre 2011, sans anticiper sur l'appréciation qui sera faite par le FMI, sont réellement dans la bonne direction et nous avons des raisons de croire que le programme est remis sur les rails. Mais nous aurons l'occasion de faire un bilan plus approfondi car nous attendons une mission du Fmi du 3 au 17 mars pour la troisième et quatrième revue qui se tiendront en même temps. En attendant, nous croyons dur comme fer que nous passerons le cap du point d'achèvement en décembre. Déjà, avec le point de décision, des allègements de la dette commencent à être enregistrés depuis juillet de 2010 et qui ont atteint plus de 1,4 milliard à fin décembre, rien qu'avec la Banque mondiale.
Mais il y a d'autres mesures qui relèvent surtout du social à surveiller…
… Evidemment! C'est pourquoi, le gouvernement, à travers la Cref, suit de très près ce qu'on appelle les déclencheurs du point d'achèvement car il n'y a pas que les finances publiques à surveiller. Pour prendre un exemple dans le domaine de l'Education, les déclencheurs consistent à construire deux cent dix salles de classe pour les écoles primaires, construire cent latrines séparées pour améliorer l'hygiène et promouvoir la participation des filles, etc. Dans le domaine de la santé, il faudra mener une campagne de vaccination nationale pour les enfants entre 9-47 ans pour atteindre un taux de couverture nationale de 90% et ainsi consolider les progrès dans la réduction du taux de mortalité infantile, etc.
La question du recensement des agents de l'Etat et l'adoption des cadres organiques constitue une priorité, ou en êtes-vous?
Nous sommes en plein dedans! Vous savez que le recensement a été réalisé et les cadres organiques votés avec 11.672 postes budgétaires. Nous sommes en train d'exploiter les résultats du recensement pour en faire un plan d'action de mesures qui vont être appliquées suivant un chronogramme précis, afin d'éviter des actions d'éclat improvisés et sans lendemain. Les autorités ont également commandé un rapport sur les paramètres de la paie afin de s'assurer de la conformité des versements de salaires par rapport aux lois et textes en vigueur dans notre pays. Ce rapport établi par un expert international donne beaucoup d'indications qui vont permettre de corriger de très grosses anomalies en matière salariale et d'indemnités. En fait, nous sommes au stade de la préparation des plans d'actions qui vont permettre de maitriser réellement la masse salariale, puisqu'elle est contenue, seulement, dans les proportions du programme que l'on exécute avec le Fmi.
Il y a aussi la question de la privatisation de certaines entreprises publiques, on en parle abondamment, mais rien ne semble se passer. Quels sont les handicaps et quelle est la nouvelle approche des autorités sur ce dossier ?
Il est toujours très difficile de réaliser une réforme lorsqu'il n'y a pas l'adhésion des concernés. C'est une des leçons tirées du retard dans les privatisations des entreprises publiques. C'est pourquoi, la Cref dont j'ai le privilège de présider, a choisi la concertation avec tous les acteurs de ce dossier, c'est à dire la Commission chargée des privatisations, la nouvelle direction de Comores Telecom, l'Anrtic, le syndicat de Comores Telecom, etc. Nous avons d'abord proposé une feuille de route réaliste suivie de délais raisonnables à la Banque mondiale qui est notre partenaire principal dans ce dossier, qui, à son tour, a fait une contre-proposition de feuille de route. Elle a été étudiée, comparée et discutée avec les acteurs de ce dossier, et nous avons trouvé un consensus sur une feuille de route pour Comores Telecom. C'était une des étapes les plus délicates.
Et pour les hydrocarbures?
Il était difficile d'accélérer le processus de sa privatisation sans qu'une solution soit trouvée pour la Mamwe car ces deux entreprises sont financièrement liées et les problèmes sont immenses. Maintenant que les choses commencent à se clarifier avec l'accord de partenariat stratégique signé entre le gouvernement et le groupe Al Sharif, nous allons devoir reprendre le processus.
Le gouvernement a du recourir aux fonds de la citoyenneté économique pour combler les arriérés de salaires, cela signifie-t-il que les performances en matière des recettes intérieures n'ont pas été à la hauteur?
Il y a une nuance à faire à ce propos. Certes, la citoyenneté a permis de réduire considérablement la tension sur la trésorerie de l'Etat, mais il faut aussi dire qu'en matière de dépenses, notamment, des efforts sont déployés pour les contenir. C'est ainsi qu'à partir du 15 novembre, la direction du budget arrête, comme le prévoit la loi, les mandatements. C'est ainsi que j'ai assisté en cette fin d'année à des annulations de dépenses dont le service n'a pas été fait. De même que des annulations de crédits non consommés, quitte à les re-mandater si la nécessité s'impose car cette situation contribuait à gonfler inutilement les arriérés. Par ailleurs, les recettes intérieures ont enregistré des améliorations notamment grâce à la nouvelle direction générale des impôts, par exemple, qui, entre novembre et décembre, a fait payer 1milliard 500 millions à la seule Comores Telecom.
Quand est ce que le pays espère disposer d'un guichet ouvert à la Banque mondiale pour financer ses projets de développement?
Le guichet est déjà ouvert puisque nous venons de recevoir un don de plusieurs millions de dollars pour financer le câble inter-île et régional de Comores Telecom. Mais je voudrais profiter de cette opportunité que vous m'avez offerte pour parler d'économie. Comme vous avez pu le constater, en 2011, il a été payé quatorze mois de salaires qui correspondent à près de 24 milliards de francs injectés dans l'économie. Mais malheureusement cette manne financière va partir à Dubaï et en Chine du fait qu'on ne fabrique rien sur place. Il faudrait que nos commerçants et nos entrepreneurs prennent conscience que l'achat de produits pour juste les revendre en l'état, ne profite pas à l'économie et qu'ils ont tout à gagner en produisant sur place. Je ne parle pas de grands projets industriels mais des projets à portée de main. C'est un pays de poissons et on commande quand même du poisson. Savez vous que pour cette année 2011, les importations ont représenté 98 milliards de francs et que les produits alimentaires, c'est dire viande, lait, poulets, boissons et jus de fruits, etc., ont représenté 26 milliards, c'est à dire 35% de nos importations? Il est vrai que l'Etat doit favoriser le climat des affaires mais la création d'entreprises individuelles n'est pas de l'initiative de l'Etat. Je pense sincèrement que l'on peut commencer à remplacer les poulets importés, la viande, etc. Mais c'est un autre sujet.
Propos recueillis
par Ahmed Ali Amir
Source: alwatwan
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