Les éditions Coelacanthe viennent de sortir la pièce de théâtre de Nassuf Djaïlani. Interview. Vous publiez aux éditions Coelacanthe, ...
Les éditions Coelacanthe viennent de sortir la pièce de théâtre de Nassuf Djaïlani. Interview.
Vous publiez aux éditions Coelacanthe, "Les balbutiement d'une louve", quelle est l'intrigue à la base de cette pièce de théâtre?
"Les balbutiements d'une louve" c'est la plaidoirie d'une fille qui se passionne pour un homme malgré la frilosité féroce d'une mère qui entend l'empêcher d'aimer celui qu'elle a choisi. La mère n'entend pas brader sa confiance à une "pucelle". C'est un procès en inexpérience qu'elle lui fait. Et la condamnation de la fille au célibat pour inexpérience est sans appel. Les balbutiements… c'est cette bataille féroce, cette joute verbale sans merci que se livrent deux fauves convaincues de posséder la vérité. La mère brandit la vérité de l'expérience personnelle, tandis que la fille lui oppose l'intensité d'une relation qu'elle entame avec passion. J'ai voulu crever un très vieux abcès qui gangrène de plus en plus les relations humaines, celui de la difficulté de se lier à l'autre parce qu'on n'est pas du même milieu, de la même origine… Et l'expérience de la joute que vivent mes personnages, c'est celle d'une renaissance à elles-mêmes, par une certaine libération des contraintes d'âge ou de positions sociales. La mise en langage les libère du corsetage, de la bienséance, du qu'en dira-t-on, du destin.
Le conflit fille-mère est au centre de cette histoire…
… C'est le conflit générationnel qui est en cause, un conflit très présent
dans toutes les sociétés humaines, mais qui est caricatural dans la société comorienne traversée par toutes les influences notabilaires, notamment celle de la lignée héritée du temps des sultanats. Sans oublier l'irruption des discours autour de la libération de la femme au contact avec la société française, occidentale. Je voulais aussi construire des types de personnages à la limite de la caricature, pour leur faire tenir des propos entendus, réels ou imaginaires, et c'est vraiment l'idée de faire entrer la fiction dans une certaine vérité tragique du réel. C'est vraiment la figure de la femme révoltée qui s'empare de l'autorité discursive pour se dire, pour dire ses envies, ses besoins, sans laisser le soin à d'autres de les définir pour elle. C'est un texte fondé sur la tension permanente, décrivant une situation chaotique qui ne peut déboucher que sur une mise à mort des protagonistes. On pourra me le reprocher, mais je vais très loin dans la laideur comorienne pour espérer qu'il en ressorte quelque chose d'humain.
Vous avez abordé tous les genres, qu'est-ce que le théâtre vous permet de faire que les autres genres ne vous permettent pas?
Je suis entré en littérature par le biais de la poésie, une forme très personnelle, subjective, parfois très engagée, dit-on, mais qui par moment échappe à cette forme d'énergie qu'il peut y avoir au théâtre. Nous sommes dans un univers aussi très fragile, le monde du livre où les pouvoirs publics ne sont pas très soucieux de la nécessité de faire circuler la pensée par les livres. Donc pour être certain de partager avec le plus grand nombre, il faut passer par le théâtre qui est un "donné à voir".
Cette pièce a-t-elle déjà été montée?
Une version très ancienne de ce texte que j'avais intitulé La vertu des ombres a été montée aux Comores par la compagnie Djumbe, par le jeune metteur en scène Soumette Ahmed. Les balbutiements qui parait aujourd'hui est un autre texte qui a beaucoup évolué, enrichi par le temps, les lectures, la recherche d'un souffle.
Comment conciliez-vous votre travail de journaliste et l'écriture littéraire ? Trouvez-vous aisément du temps pour votre deuxième occupation?
L'écriture journalistique c'est la précision, accompagnée d'une certaine objectivité, alors que la fiction s'accommode du mensonge, du travestissement, du jeu, du tâtonnement, des balbutiements, comme une recherche d'un langage que l'on peine à formuler avec des mots simples. Comment concilier les deux écritures, eh bien c'est le jour et la nuit. A la clarté du jour j'essaie de trouver du rationnel dans la complexité des problèmes du quotidien, et dans l'obscurité de la nuit je traque une certaine vérité dans l'imaginaire dans le silence de la nuit. Alwatwan.net
COMMENTAIRES