Le mouvement social qui ébranle Mayotte depuis plusieurs semaines révèle l’envers du décor de la départementalisation.

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Entamé le 27 septembre, ce mouvement social réclame simplement la baisse des prix des produits de consommation courante, leur alignement sur...

Entamé le 27 septembre, ce mouvement social réclame simplement la baisse des prix des produits de consommation courante, leur alignement sur ceux pratiqués à La Réunion. Pourtant, les reportages tardifs évoquant le sujet ont eu le soin de souligner la « mauvaise foi des syndicats. » Lorsque le poulet est toujours étiqueté 29 euros la caisse à Mayotte, vendu deux fois moins cher en Métropole, quelques pièces seulement au Cameroun, faut-il de la mauvaise foi pour protester ?
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Face à face tendu entre manifestants et gardes mobiles à Mamoudzou
Les propositions faites le 1er octobre pour répondre aux revendications contre la vie chère ont plus sûrement mis le feu aux poudres puisqu’il s’agissait de baisser de 10 % le prix des sardines et du sac de riz, et de fixer à moins de 20 euros la caisse de 10 kg d’ailes de poulet... pendant un mois. Au lieu de savourer calmement ces trente jours de bonheur, les Mahorais se seraient donc laissés entraîner par des syndicalistes arrivistes dans la prolongation d’un mouvement ne faisant que le jeu des casseurs et des vandales, en ruinant l’activité économique de l’île ! Laquelle ne brille pas il est vrai par sa productivité, puisque qu’en la matière on compte principalement sur le travail des irréguliers [1], dans le bâtiment et l’agriculture, le reste étant surtout irrigué par le salaire des fonctionnaires, militaires et autres métropolitains.

Des réseaux d’importation verrouillés

Les négociations économiques portent donc sur la fixation des prix, toujours problématique dans une économie prétendument concurrentielle (ce qui est discutable lorsque les réseaux d’importation sont si bien tenus).
Les phénomènes de préemption d’un marché aux marges confortables et large­ ment arbitraires, contrôlées par quelques entreprises prédatrices, ici peut-être souvent basées à la Réunion (Taillefer par exemple), rappellent furieusement ceux constatés en Martinique et Guadeloupe à l’époque des mouvements sociaux comparables.
C’était début 2009, pendant la campagne sovietoïde à Mayotte pour dire « oui » au statut de « département ». Le député des Mahorais clamait alors à ses administrés : « Bienvenue dans l’égalité républicaine ! » Un vrai présage.
Rappelons que tout programme d’un responsable politique mahorais se limitait à deux points : la départementalisation et l’expulsion des irréguliers (quasiment les seuls producteurs de l’île). Le premier étant acquis, les élites sont fort dépourvues. Que promettre pour se donner une consistance masquant l’incurie de leur activité (si l’on ose le mot) ?

La fausse aubaine du statut

Il resterait à brandir la « Rupéisation » européenne comme nouveau Graal à quêter. En effet, l’outremer européen est classé en régions ultra-périphériques (RUP), parmi lesquelles nos quatre vrais DROM (Département et région d’outre- mer, en droit français) et en PTOM (Pays et territoires d’outre-mer), parmi lesquels nos PTOM français, et cette « collectivité unique appelée Département » (pour reprendre les termes de la loi qui fait depuis peu de Mayotte un soi-disant DROM).
L’accès à ce statut européen de RUP permettrait à l’île perturbée « de bénéficier de 2 millions d’euros » [2]. Les institutions européennes semblent enthousiastes, quitte à s’asseoir sur le devoir de continuité de l’État, puisque la quasi-totalité de nos partenaires de l’EU qui ont voté les vingt résolutions de l’ONU condamnant la présence illégale de la France à Mayotte.
Mais faire de cette aubaine la solution pour régler l’inactivité professionnelle des Mahorais, leur déconsidération (pour ne rien maîtriser du destin de leur île en dehors de référundums plébiscites pour pouvoir bénéficier des minimas sociaux), et surtout la question de prédation économique sur les importations, ce serait une ficelle un peu trop grosse, même pour une population qui a une culture politique consistant à se faire rouler dans la farine par leurs élites depuis un demi-siècle.
Il faut déjà espérer que les projecteurs braqués sur Mayotte suscitent des enquêtes comme celle du documentaire diffusé en 2009 [3] révélant une partie des dessous inadmissibles des préemptions en Martinique et Guadeloupe.
Le gouvernement a promis une enquête et des sanctions sur ce sujet à Mayotte : attendons de voir la mise en oeuvre... après les élections.
Pour l’heure, le blocage de l’île est inquiétant : la violence y est multiforme, les barrages empêchent les transports, les portes-conteneurs repartent sans avoir été déchargés, et les Mahorais en arrivent à se rappeler qu’ils ont de la famille vivant sur les îles voisines, pour les approvisionner.
Les embarcations de fortune amenant les « clandestins » chargent maintenant aussi des vivres. L’usage était de voir ces voisins de l’archipel comorien venir chercher plus de subsides sur l’île sous perfusion économique française. C’est maintenant la solidarité anjouanaise qui aide à palier les carences mahoraises, ainsi que des réseaux commerciaux des Comores indépendantes qui n’ont pas l’habitude d’être sollicités par Mayotte. Une situation qui ne pourra pas durer, vu l’importance de Mayotte dans l’économie d’Anjouan.
Il faut espérer que les Mahorais, voyant leurs représentants politiques relayer le discours d’apaisement de Paris sans défendre trop vigoureusement leurs intérêts, mènent une réflexion sérieuse sur la façon de reprendre en main leur destin. Il pourrait commencer par s’exprimer dans sa comorianité, puisque dans leur mode de vie, à part la culture de mendicité politique, les Mahorais ne font que prouver au quotidien qu’ils ne sont rien d’autres que des Comoriens, même s’ils le renient dans une navrante schizophrénie.

Des Mahorais spoliés de leur terre

En attendant, Paris émet des discours ten­tant vainement d’apaiser ces ingrats, pourtant fraîchement départementalisés, qui se rebellent au lieu de remercier. La relabellisa­ tion de Mayotte en « département » n’aura rien réglé. Rappelons au contraire qu’un label de ZPG (Zone des pas géométriques) appuyé sur un cadastre tout neuf permet à l’État français d’exiger à certains de payer le terrain sur lequel ils avaient bâti leur maison à un prix inaccessible, en toute légalité suivant le statut personnel qui a disparu avec la départementalisation (Billets d’Afrique n°200).
Le Comité Maore rappelle avec raison dans un communiqué du 13 octobre que « la lutte contre la vie chère est au fond une vive protestation contre un droit commun français inapplicable à Mayotte... Car, pour prendre un exemple, les lois françaises sur la propriété des terrains et des maisons familiales aboutissent à dépouiller les Maorais au profit d’immigrés français ».
Évidemment, la violence d’État s’exprime pour l’occasion sous sa forme la plus banale : blindés, gaz lacrymogènes, flash- balls à gâchette facile, etc.
Le gouvernement semble espérer que les dispositions liées au nouveau statut feront entrer l’île dans la paix sociale : le RSA (Revenu de solidarité active) au 1er janvier 2012, l’établissement d’un régime de retraite pour plus de professions, ou l’allocation de rentrée scolaire revalorisée d’ici à quatre ans et alignée sur la Métropole, Certains points restent donc encore des promesses hypothétiques.
[1] Principalement les Comoriens des autres îles qui, faut-il le rappeler dans Billets sont chez eux à Mayotte puisque pour l’ONU la France occupe illégalement cette île comorienne depuis 1975.
[2] Malango actualités, 27/10/11
[3] Reportage de Romain Bolzinger, Les derniers maîtres de la Martinique, diffusé le 6 février 2009 sur Canal +.
source:http://survie.org/billets-d-afrique/2011/207-novembre-2011

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