Clovis Cornillac joue le mercenaire français dans une fiction qui s'intéresse à sa mission au Congo. C’est un des "af...
Clovis Cornillac joue le mercenaire français dans une fiction qui s'intéresse à sa mission au Congo.
C’est un des "affreux" les plus célèbres du petit monde des "chiens de guerre". La trajectoire du mercenaire Robert Denard a inspiré Thomas Vincent, qui a réalisé ici une fiction biographique inspirée librement du personnage, Mister Bob. Il a choisi, à travers le parcours très dense du mercenaire (qui a terminé une carrière de trente-cinq ans de barouds comme homme fort des Comores), de s’attacher à son second séjour congolais en 1967, qui faillit lui être fatal. Le réalisateur a voulu restituer l’épaisseur humaine du personnage, décrivant à côté de l’aventurier assoiffé de guerres, de pouvoir et de femmes, un individu capable d’une sensibilité de midinette et d’une naïveté certaine.
Son retour au Congo en 1964, deux ans après son échec katangais, le met face à deux dirigeants africains : Moïse Tshombé, le Premier ministre anciennement favorable à la sécession du Katanga, qu’il a connu auparavant, et le général Mobutu, l’homme fort de l’armée régulière congolaise. "Mister Bob" a été contacté pour lutter avec sa centaine de soldats de fortune contre des rebelles simbas qui mettent le pays à feu et à sang. Avec une efficacité certaine, sa troupe mate la rébellion et il reçoit, avec le grade de colonel, la mission de réorganiser l’armée nationale.
Son retour au Congo en 1964, deux ans après son échec katangais, le met face à deux dirigeants africains : Moïse Tshombé, le Premier ministre anciennement favorable à la sécession du Katanga, qu’il a connu auparavant, et le général Mobutu, l’homme fort de l’armée régulière congolaise. "Mister Bob" a été contacté pour lutter avec sa centaine de soldats de fortune contre des rebelles simbas qui mettent le pays à feu et à sang. Avec une efficacité certaine, sa troupe mate la rébellion et il reçoit, avec le grade de colonel, la mission de réorganiser l’armée nationale.
Mobutu, tyran machiavélique
Tout irait pour le mieux si Moïse Tshombé, soupçonné de favoriser une nouvelle révolte pour l’indépendance de la province katangaise, ne devait s’exiler et si Mobutu n’en profitait pas pour organiser un coup d’État et s’installer au pouvoir. Il va devenir très vite le tyran machiavélique et cruel que l’on sait. Denard ne sera pas épargné par le dictateur, qui jouera de séduction et de brutalité pour parvenir à ses fins. Le face-à-face des deux comédiens est exceptionnel. Clovis Cornillac a reçu le prix de la meilleure interprétation masculine pour son rôle de Denard au dernier Festival de la Rochelle : il arbore une moustache martiale et l’incarne magistralement, dans toute son équivoque. Marc Zinga, qui joue Mobutu, ne lui cède en rien dans la qualité du jeu. Il se montre terrifiant dans l’exercice, a priori désinvolte mais soigneusement réfléchi, d’un pouvoir sanglant et sans scrupule.
Face à lui, Denard paraît vulnérable. Tout mercenaire qu’il soit, il se veut soldat, et donc homme d’honneur. Dans les luttes qui opposent ouvertement des clans africains et de façon souterraine les grandes puissances (États-Unis et France), Mister Bob n’a pas la carrure de ses ambitions : Mobutu le manipule pour en faire le bourreau de ses crimes ; les services secrets français l’utilisent d’autant plus efficacement qu’il agit officiellement à son propre compte et qu’il est en mal de reconnaissance.
Les pratiques post-coloniales de la Françafrique
L’ancien quartier-maître de seconde classe de l’armée française est méprisé par les officiers supérieurs du Sdece, pour lesquels tirer les ficelles du "corsaire de l’État" est un jeu d’enfant. Il ne s’agit plus ici de fiction, mais de l’évocation tout à fait réelle des pratiques post-coloniales de la Françafrique. Au rang des procédés peu reluisants de l’État français pour conserver son pouvoir sur les pays nouvellement indépendants, figurait Denard, bras armé et peu compromettant. Un pion d’importance, mais un simple pion.
Mister Bob, lundi, 20.50, Canal +
Jean-Luc Bertet - Le Journal du Dimanche
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