Mayotte, île au parfum stupéfiant. Merci la gendarmerie ?

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Détenu depuis février, un anjouanais accuse les gendarmes de l'affaire Roukia de l'avoir contacté pour organiser l'import de d...

Détenu depuis février, un anjouanais accuse les gendarmes de l'affaire Roukia de l'avoir contacté pour organiser l'import de drogue.

L'île de Mayotte, le 24 mai 2001 (Charles Platiau/Reuters).
Mansour Kamardine en est persuadé : l'affaire Roukia n'est que le premier volet d'une intrigue « digne d'un mauvais polar ». En plus de défendre la famille de la lycéenne, morte après avoir consommé de l'héroïne remise en circulation par trois membres des forces de l'ordre, il est, dans une autre affaire, l'avocat d'un Comorien qui accuse les mêmes gendarmes d'avoir organisé l'import de stupéfiants à Mayotte.
Son client a été arrêté et placé en détention pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier. Il a été arrêté par la Police aux frontières (PAF) en février 2011, soit quelques semaines après que le corps de la jeune femme a été retrouvé. Aucun lien donc avec l'affaire Roukia, à une exception de taille près : les deux gendarmes et le policier, tous membres du groupement d'intervention régional (GIR), mis en examen fin juillet.
Contacté par Rue89, Mansour Kamardine confie que son client affirme avoir été contacté par ces derniers.
Originaire d'Anjouan , il dit être rentré en contact avec eux fin 2010 par l'intermédiaire d'un ami en situation régulière à Mayotte. Ce dernier à lui-même été mandaté par un indic habituel de la gendarmerie. Mansour Kamardine précise :
« Cet ami lui a dit que s'il trouvait une personne capable d'amener de la drogue sur l'île, il pourrait obtenir un titre de séjour français. »

Directement arrêté lors de son arrivée à Mayotte

Intéressé, l'homme a accepté l'offre. Il affirme avoir dès lors entretenu des liaisons téléphoniques avec les gendarmes français. Pendant les mois de préparation, il a trouvé une personne qui l'a aidé à dénicher de la drogue, puis une autre qui a été d'accord pour la transporter jusqu'à Mayotte.
En février 2011, l'opération est mise à exécution. L'avocat précise que son client est monté dans une barque accompagné de trois autres passagers :
« Il y avait une fille, que les hommes du GIR aurait voulu amener sur le sol français, la personne qui a aidé mon client à trouver de la drogue, le trafiquant – qui amenait du cannabis – et mon client. »
Selon ce dernier, les gendarmes avaient fixé un rendez-vous au porteur de drogue sur une plage. L'avocat précise qu'à peine débarqué, il s'est fait arrêter par le GIR. Les autres se sont rendus à une deuxième plage nommée par les gendarmes : ils ont quitté la plage et se sont approchés d'une station service où les attendait une voiture qui les a emmenés aux bureaux du GIR. Selon l'avocat, c'est dans ces murs que la PAF est venue arrêter son client.

De la drogue obtenue pour nourir sa famille

A Paris, le service d'information et des relations publiques des armées et de la gendarmerie (Sirpa), à présent seul autorisé à s'exprimer sur l'affaire, assure ne pas être au courant de ce deuxième dossier.
Interrogé sur la possible implication des membres du GIR dans l'importation de stupéfiants dans l'affaire Roukia, il refuse de s'exprimer :
« Nous ne pouvons nous prononcer sur une enquête qui est en cours. »
Fatima Ousseni, avocate des gendarmes et du policier mis en examen dit ne pouvoir s'exprimer sur le dossier afin de respecter le secret de l'enquête. Elle souligne que beaucoup d'éléments du dossier ont été divulgués mais qu'une fois sortis de leur contexte, il ne font que semer la confusion. Selon elle, la présomption d'innocence est largement négligée dans cette affaire.
Le procédé décrit par le client de Mansour Kamardine ressemble étrangement à celui relaté par les indics mis en examen dans l'affaire Roukia. C'est suite aux témoignages de Daniel M. et Saïd A.M, deux Comoriens, que des membre du GIR, ont à leur tour fait l'objet d'une procédure judiciaire fin juillet.
Said Larifou, avocat de Saïd A.M, explique :
« Mon client a été confronté à de sérieux problèmes financiers, il avait du mal à nourir sa famille. Il s'est entretenu avec le GIR qui lui a redonné la drogue pour qu'il puisse s'en sortir. »

L'import de drogue des Comores, une pratique « fréquente »

Cet élément a été reconnu par les gendarmes, comme l'a déclaré le procureur général de la Réunion Denis-Robert Charrereau lors d'une interview sur la radio mahoraise Kweizi FM le 4 août :
« C'est là qu'on découvre qu'à un moment donné quelqu'un qui était un indicateur de police a remis 2 g de drogue à un service de GIR pour que ce service analyse ce produit et vérifie de quoi il s'agit. Il s'agissait manifestement de produits stupéfiants et ensuite ces 2 g – qui étaient peut-être 1,5 g – ont été remis en circulation. » (Ecouter le son)
Les membres du GIR sont néanmoins suspectés d'avoir organisé l'importation de drogue en provenance des Comores contre la délivrance de titres de séjour. Selon une source proche de l'enquête, cet élément apparaît dans les transcriptions des relevés téléphoniques, le GIR ayant été placé sous écoute par Michel Alise, ancien chef de la section de recherche (SR) de la gendarmerie, à présent muté. Les deux indics auraient affirmé que cette pratique était « fréquente ».

« On se demande si les grosses saisies de drogue ont été montées de toute pièce »

Le Monde précise lui que les écoutes téléphoniques mettent en évidence que les hommes du GIR avaient connaissance de livraison de drogue en provenance des Comores. Jamais les barques grâce auxquelles la drogue arrivait des Comores n'ont été interceptées par le GIR. Le droit de vendre des stupéfiants serait en quelque sorte un remerciement pour les services rendus à la gendarmerie.
Joint par Rue89, Patrick Millan, rédacteur en chef du quotidien Mayotte Matin, affirme que « les langues commencent à se délier ». Le juge d'instruction recevrait de plus en plus de visites de Mahorais apportant des éléments dont ils ont connaissance et qui pourraient prouver que la combine des gendarmes étaient bien rôdée.
Le journaliste ajoute :
« L'an passé la saisie de grandes quantités de stupéfiants ont fait au moins quatre ou cinq fois la une des journaux locaux, car la drogue dure est très peu répandue sur l'île. Maintenant on se demande si ces opérations étaient montées de toutes pièces ou non. »
Pour le moment, le motif de l'import serait avant tout de faire gonfler les chiffres des saisies de stupéfiants. Selon Mansour Kamardine, la réalisation d'un profit n'est pas encore évoquée.

La gendarmerie embarrassée ?

L'affaire Roukia semble gêner les forces de l'ordre. Mansour Kamardine affirme avoir demandé à ce que le champ de l'enquête soit étendu afin que des investigations soient menées spécifiquement sur le trafic de drogue organisé entre les Comores et Mayotte. Une requête refusée par le parquet.
Les avocats de la défense ont également protesté contre la volonté du procureur général de la Réunion de délocaliser l'enquête. Selon ce dernier, le taille de l'île ne se prête pas à une telle investigation. Le 3 août, Denis-Robert Charrereau déclarait à l'AFP :
« Mayotte est un territoire restreint où gendarmes, policiers et magistrats travaillent ensemble. Pour une bonne administration de la justice, il faut que les magistrats chargés du dossier puissent travailler avec tout le recul nécessaire et en toute impartialité. »
Les avocats voient dans ce procédé un moyen d'étouffer l'affaire. Ils soulignent qu'une fois dépaysée à la Réunion, l'enquête n'y sera réouverte que dans quatre ou cinq ans et ajoutent qu'il sera très difficile à la famille de se rendre à la Réunion. Dans une déclaration commune, ils dénoncent « une justice à deux vitesse ».
Le 15 août, nouveau coup de théâtre : Le Parisien a révélé que deux mails rédigés par le général de division Jean-Régis Véchambre, patron de la gendarmerie Outre-mer à Paris, ont été adressés au juge d'instruction chargé de l'affaire, Hakim Karki.
Le 6 juillet, le général se demandait « sincèrement s'il ne serait pas prudent de remettre à plus tard de telles convocations ».
Mansour Kamardine est révolté par de telles pratiques. Mais il garde espoir : selon lui, l'audition de son client comorien, prévue en septembre, permettra au contraire de mettre les trois membres du GIR de nouveau en examen. Des poursuites engagées, rappelle-t-il, suite au décès d'une jeune fille de 18 ans.
Photo : l'île de Mayotte, le 24 mai 2001 (Charles Platiau/Reuters).source:rue89

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