Le bilan n’est pas définitif. Cinquante-huit personnes ont déjà perdu la vie dans le naufrage d’un boutre reliant Grande Comore à Anjouan d...
Le bilan n’est pas définitif. Cinquante-huit personnes ont déjà perdu la vie dans le naufrage d’un boutre reliant Grande Comore à Anjouan dans la nuit de lundi à mardi. Il y a plus de 70 rescapés. Certains d’entre eux ont expliqué le drame par une panne des deux moteurs. Les conditions météo et la surcharge de l’embarcation ont aussi été déterminantes dans cette catastrophe. Le nombre exact de personnes à bord n’est pas connu des autorités. Ce qui complique les opérations de recherche.
Le décompte des morts s’est arrêté hier à 58. Il reste encore en mer de nombreux disparus et les chances de retrouver des rescapés s’amenuisent (photo Mohamed Chaarane / Al Watwan) |
Cinquante-huit morts, et plus de soixante-dix rescapés. Les Comoriens paient un lourd tribut à l’océan. Chaque année, des centaines de comoriens disparaissent et périssent au cours des 70 km de la traversée entre Anjouan et Mayotte. Dans la nuit de lundi à mardi, c’est entre la Grande-Comore et Anjouan que le drame s’est noué. Là aussi, la traversée est longue de 70 km. À bord du bateau qui assure la liaison, le Madjiriha, il y avait une majorité d’Anjouanais rentrant chez eux. Le port d’attache du boutre est Mutsamudu, la principale ville de la deuxième île de l’archipel.
CORPS FRACASSÉS SUR LES ROCHES
Il y avait de nombreux enfants. Pour l’heure, sur les 58 décès, 17 concernent des Grands-Comoriens. Les autres morts sont donc originaires majoritairement d’Anjouan. Il y avait également quelques Mohéliens. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le plus âgé a 45 ans et le plus jeune est un bébé d’un an et demi. “C’est catastrophique”, note Abderemane Abdou, journaliste pour CRTV (Comores radio télévision) qui a assuré un direct depuis le lieu des secours. “Il y avait beaucoup de vagues”, décrit l’homme de télé. Le bateau qui avait quitté le port de Moroni à 22 heures lundi soir était surchargé (lire par ailleurs). Un témoin a raconté à une journaliste du quotidien Al Watwan que vers 2 h du matin, un des moteurs est tombé en panne. Puis que le deuxième moteur a, à son tour, rendu l’âme. Le boutre qui se trouvait à environ 8 km des côtes s’est alors mis à dériver jusqu’à ce qu’il heurte une roche. Signe que le bateau avait dérivé jusqu’au rivage de la Grande-Comore. Le boutre, chahuté par les vagues, s’est ensuite retourné et tous les occupants se sont retrouvés à la mer. Certains ont été projetés sur les roches. “Nous avons retrouvé des corps complètement démembrés. Décapités qui ont été enterrés le jour même”, raconte Saïd Ahmed, coordinateur des affaires civiles et militaires. Certaines dépouilles étaient donc difficilement identifiables. Lors du premier problème moteur, la capitainerie a été alertée. Mais l’Autorité portuaire des Comores (APC) a répondu à Al Watwan sur ce point en expliquant que l’appel avait bien été reçu mais qu’un second message leur avait été envoyé pour dire que tout était rentré dans l’ordre. Néanmoins, un zodiac des garde-côtes s’est lancé à la recherche du boutre. Sans succès. C’est la lente dérive de l’embarcation qui a perturbé l’intervention des secours, selon Saïd Ahmed : “Les garde-côtes ont d’abord cherché le bateau au large mais n’ont rien trouvé. Ils sont descendus jusqu’à la pointe sud de la Grande Comore et sont donc ensuite rentrés à la base sans se douter que le Madjiriha s’était fracassé sur la côte.” Saïd Ahmed nous précise que l’état-major a demandé une enquête interne pour déterminer s’il y a eu des dysfonctionnements dans la mise en place des secours au sein des deux unités impliquées.
LES GARDE-CÔTES ONT CHERCHÉ AU MAUVAIS ENDROIT
Immédiatement après le drame, des naufragés sont partis à la nage en direction de la principale île de l’archipel. Des rescapés ont réussi à atteindre les côtes et ont été secourus par des automobilistes qui les ont conduits à l’hôpital de Moroni. Mais c’est au petit matin seulement que les secours ont réellement été déclenchés. Hier, ils étaient toujours en cours. “Des plongeurs sont en train de chercher les gens qui seraient encore dans le bateau”, nous a expliqué le colonel Ismael Mogne Daho, chef des opérations de secours et de protection civile. Ces plongeurs sont des militaires et des pêcheurs sous-marins qui donnent un coup de main. Plusieurs centaines de personnes, professionnels des secours - gendarmerie, armée, Croissant-Rouge - ou bénévoles, sont à pied d’œuvre pour retrouver les dépouilles de ceux qui se sont noyés, restés bloqués dans le boutre.
LA FRANCE PROPOSE SON AIDE
Deux bateaux ont été réquisitionnés auprès de particuliers pour mener à bien les opérations aux côtés des deux embarcations des garde-côtes. Deux autocars ont également été mobilisés pour acheminer les rescapés. Vers midi, hier, deux nouveaux naufragés en vie ont été localisés sur un rocher cerné d’eau sur lequel ils ont passé plus de trente heures. Une dépêche de l’Agence France Presse a annoncé dans l’après-midi que Nicolas Sarkozy proposait l’aide de la France à l’état comorien. Le président français a d’ailleurs écrit à Ikililou Dhoinine, son homologue comorien, pour lui dire qu’il s’associait à la douleur “des familles, des victimes et de l’ensemble du peuple comorien.” Hier après-midi, le gouvernement de Moroni a affrété un avion de 80 places pour acheminer trente-trois corps de défunts vers Anjouan. La grande partie des victimes anjouanaises était en Grande Comore pour rendre visite à leurs familles en cette période de Ramadan. Aujourd’hui, la fête a cédé la place au deuil
Nicolas Goinard
“On a vu un bébé mourir devant nous”
Ali Nasser Blanco, grand-comorien, avait pris place à bord du Madjihira avec sa femme, anjouanaise, et son fils âgé de 4 ans et demi. “C’est la première fois que je prenais le bateau”, raconte cet homme contacté hier soir par téléphone. “Il y avait plus de 200 personnes à bord. J’ai dit qu’on n’était pas des cabris. Mais les gens ont continué à monter. Nous sommes partis du port de Moroni. Les deux moteurs sont ensuite tombés en panne l’un après l’autre. Le commandant est descendu pour essayer de les réparer. C’est à ce moment que nous avons heurté la côte. Le bateau a ensuite fait des tonneaux. On a vu un bébé mourir devant nous. Il y avait des femmes enceintes. Tout le monde criait.”
Ali Nasser parvient à sauver ses proches. Ils ont nagé jusqu’à la terre ferme. Le rescapé faisait partie des premiers naufragés à sortir de l’eau. Ils étaient douze à se mettre en marche vers le village le plus proche. “On a marché pendant cinq kilomètres. Quand nous sommes arrivés, nous avons alerté tout le monde. C’est comme ça que les gendarmes ont été appelés et que les secours se sont mis en route.” Aujourd’hui, Ali Nasser et sa famille sont tirés d’affaire. Mais cela ne s’arrête pas là. “Mon fils est perturbé. Il ne parle plus”. Et de conclure : “On a besoin de l’aide de la Réunion, on a besoin de l’aide de la France”.
Ali Nasser parvient à sauver ses proches. Ils ont nagé jusqu’à la terre ferme. Le rescapé faisait partie des premiers naufragés à sortir de l’eau. Ils étaient douze à se mettre en marche vers le village le plus proche. “On a marché pendant cinq kilomètres. Quand nous sommes arrivés, nous avons alerté tout le monde. C’est comme ça que les gendarmes ont été appelés et que les secours se sont mis en route.” Aujourd’hui, Ali Nasser et sa famille sont tirés d’affaire. Mais cela ne s’arrête pas là. “Mon fils est perturbé. Il ne parle plus”. Et de conclure : “On a besoin de l’aide de la Réunion, on a besoin de l’aide de la France”.
Propos recueillis par N.G. clicanoo
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