Avez-vous déjà entendu parler de Mamoudzou ? Pas souvent, n'est-ce pas ? Mamoudzou est le chef-lieu de Mayotte, sur l'île de Grande-...
Avez-vous déjà entendu parler de Mamoudzou ? Pas souvent, n'est-ce pas ? Mamoudzou est le chef-lieu de Mayotte, sur l'île de Grande-Terre. Et Mayotte ? C'est une ile de l'océan Indien, elle même dans l'archipel des Comores… Et les habitants de Mamoudzou ? Des Mamoudzous ! Une fois le décor planté, il faut vite dire que Mayotte est devenue le 101e département français. Il y a deux ans, lors d'un référendum, les Mahorais – c'est-à-dire les habitants de Mayotte – se sont en effet prononcés à 95,2 % pour ce changement de statut au sein de la République française. À Mamoudzou, les gens aiment bien descendre dans la rue. Pour un oui, pour un non, manifestations, contre-manifestations. Vous vous demanderez sans doute, vu ce qui se passe sur certaines terres musulmanes, si une nouvelle révolution – de coprah ? – est en gestation. Que nenni ! Il s'agit d'autre chose. Des associations ont organisé, le 23 février, une « marche à la mémoire des victimes en mer ». Pour les non-initiés, il s'agit de ces malheureux Comoriens qui, oubliant qu'ils ont choisi, eux, l'indépendance en 1975, viennent à Mayotte à bord d'embarcations de fortune appelées kwassas. Beaucoup finissent dans le ventre sans fond de l'océan ou, pour les plus chanceux, dans les bras musclés de la gendarmerie. Plus de 10 000 ont déjà péri, selon les associations. Indignés par cet hommage à des personnes qui osent venir clandestinement chez eux, les membres du Comité pour les intérêts de Mayotte ont vu rouge. À leur tour, ils ont battu le pavé le 8 mars, brandissant des écriteaux « Mayotte appartient aux Mahorais. Respectez notre choix ». Et ils ont demandé aux autorités de renforcer le « visa Balladur », instauré en 1995 par Paris afin de restreindre la circulation des personnes entre Mayotte et les Comores. Pourtant, l'appartenance de Mayotte à la France n'est reconnue ni par les Comores, ni par l'Union africaine, ni par l'ONU. Mais les Mahorais n'en ont cure. Ils refusent de partager avec les Comoriens le bonheur d'être français. Même si, quand ils se tapent dessus, ils utilisent une même langue : le comorien. À l'inverse, pour ceux qui tentent au péril de leur vie de gagner Mayotte, cette île n'est pas une terre étrangère. Ils y ont un cousin, un oncle, une tante, un frère, ils y sont chez eux, indépendamment du visa Balladur. Mais parce qu'ils sont maltraités, suspectés, traqués, arrêtés, expulsés, que doivent faire ces Comoriens ? Rester dans leur archipel et éteindre les lumières d'Anjouan que les Mahorais admirent le soir. Au bout d'un moment les Mahorais, se languissant de leurs « frères », iront les chercher, leur disant : « Pardonnez-nous nos offenses. Pardonnez-nous surtout d'avoir oublié que lorsqu'il y en a pour un, il y en a pour dix mille. » Les Comoriens répondront alors en chœur : « Arrière, faux frères, arrière ! Nous ne voulons pas de votre visa Balladur. Nous avons construit des kwassas géants qui vont nous conduire à Marseille ! » Ébranlés, les Mahorais n'auront plus qu'à se lamenter du sort de leurs cousins : « Ô Lampedusa, ô désespoir ! »
Avez-vous déjà entendu parler de Mamoudzou ? Pas souvent, n'est-ce pas ? Mamoudzou est le chef-lieu de Mayotte, sur l'île de Grande-Terre. Et Mayotte ? C'est un archipel de l'océan Indien, lui-même dans l'archipel des Comores… Et les habitants de Mamoudzou ? Des Mamoudzous ! Une fois le décor planté, il faut vite dire que Mayotte a l'insigne honneur de devenir, le 31 mars, le 101e département français. Il y a deux ans, lors d'un référendum, les Mahorais – c'est-à-dire les habitants de Mayotte – se sont en effet prononcés à 95,2 % pour ce changement de statut au sein de la République française.
À Mamoudzou, les gens aiment bien descendre dans la rue. Pour un oui, pour un non, manifestations, contre-manifestations. Vous vous demanderez sans doute, vu ce qui se passe sur certaines terres musulmanes, si une nouvelle révolution – de coprah ? – est en gestation. Que nenni ! Il s'agit d'autre chose. Des associations ont organisé, le 23 février, une « marche à la mémoire des victimes en mer ». Pour les non-initiés, il s'agit de ces malheureux Comoriens qui, oubliant qu'ils ont choisi, eux, l'indépendance en 1975, viennent à Mayotte à bord d'embarcations de fortune appelées kwassas. Beaucoup finissent dans le ventre sans fond de l'océan ou, pour les plus chanceux, dans les bras musclés de la gendarmerie. Plus de 10 000 ont déjà péri, selon les associations.
Indignés par cet hommage à des personnes qui osent venir clandestinement chez eux, les membres du Comité pour les intérêts de Mayotte ont vu rouge. À leur tour, ils ont battu le pavé le 8 mars, brandissant des écriteaux « Mayotte appartient aux Mahorais. Respectez notre choix ». Et ils ont demandé aux autorités de renforcer le « visa Balladur », instauré en 1995 par Paris afin de restreindre la circulation des personnes entre Mayotte et les Comores. Pourtant, l'appartenance de Mayotte à la France n'est reconnue ni par les Comores, ni par l'Union africaine, ni par l'ONU. Mais les Mahorais n'en ont cure. Ils refusent de partager avec les Comoriens le bonheur d'être français. Même si, quand ils se tapent dessus, ils utilisent une même langue : le comorien.
À l'inverse, pour ceux qui tentent au péril de leur vie de gagner Mayotte, cette île n'est pas une terre étrangère. Ils y ont un cousin, un oncle, une tante, un frère, ils y sont chez eux, indépendamment du visa Balladur. Mais parce qu'ils sont maltraités, suspectés, traqués, arrêtés, expulsés, que doivent faire ces Comoriens ? Rester dans leur archipel et éteindre les lumières d'Anjouan que les Mahorais admirent le soir. Au bout d'un moment les Mahorais, se languissant de leurs « frères », iront les chercher, leur disant : « Pardonnez-nous nos offenses. Pardonnez-nous surtout d'avoir oublié que lorsqu'il y en a pour un, il y en a pour dix mille. » Les Comoriens répondront alors en chœur : « Arrière, faux frères, arrière ! Nous ne voulons pas de votre visa Balladur. Nous avons construit des kwassas géants qui vont nous conduire à Marseille ! » Ébranlés, les Mahorais n'auront plus qu'à se lamenter du sort de leurs cousins : « Ô Lampedusa, ô désespoir ! » JeuneAfrique du 25 mars 2011
À Mamoudzou, les gens aiment bien descendre dans la rue. Pour un oui, pour un non, manifestations, contre-manifestations. Vous vous demanderez sans doute, vu ce qui se passe sur certaines terres musulmanes, si une nouvelle révolution – de coprah ? – est en gestation. Que nenni ! Il s'agit d'autre chose. Des associations ont organisé, le 23 février, une « marche à la mémoire des victimes en mer ». Pour les non-initiés, il s'agit de ces malheureux Comoriens qui, oubliant qu'ils ont choisi, eux, l'indépendance en 1975, viennent à Mayotte à bord d'embarcations de fortune appelées kwassas. Beaucoup finissent dans le ventre sans fond de l'océan ou, pour les plus chanceux, dans les bras musclés de la gendarmerie. Plus de 10 000 ont déjà péri, selon les associations.
Indignés par cet hommage à des personnes qui osent venir clandestinement chez eux, les membres du Comité pour les intérêts de Mayotte ont vu rouge. À leur tour, ils ont battu le pavé le 8 mars, brandissant des écriteaux « Mayotte appartient aux Mahorais. Respectez notre choix ». Et ils ont demandé aux autorités de renforcer le « visa Balladur », instauré en 1995 par Paris afin de restreindre la circulation des personnes entre Mayotte et les Comores. Pourtant, l'appartenance de Mayotte à la France n'est reconnue ni par les Comores, ni par l'Union africaine, ni par l'ONU. Mais les Mahorais n'en ont cure. Ils refusent de partager avec les Comoriens le bonheur d'être français. Même si, quand ils se tapent dessus, ils utilisent une même langue : le comorien.
À l'inverse, pour ceux qui tentent au péril de leur vie de gagner Mayotte, cette île n'est pas une terre étrangère. Ils y ont un cousin, un oncle, une tante, un frère, ils y sont chez eux, indépendamment du visa Balladur. Mais parce qu'ils sont maltraités, suspectés, traqués, arrêtés, expulsés, que doivent faire ces Comoriens ? Rester dans leur archipel et éteindre les lumières d'Anjouan que les Mahorais admirent le soir. Au bout d'un moment les Mahorais, se languissant de leurs « frères », iront les chercher, leur disant : « Pardonnez-nous nos offenses. Pardonnez-nous surtout d'avoir oublié que lorsqu'il y en a pour un, il y en a pour dix mille. » Les Comoriens répondront alors en chœur : « Arrière, faux frères, arrière ! Nous ne voulons pas de votre visa Balladur. Nous avons construit des kwassas géants qui vont nous conduire à Marseille ! » Ébranlés, les Mahorais n'auront plus qu'à se lamenter du sort de leurs cousins : « Ô Lampedusa, ô désespoir ! » JeuneAfrique du 25 mars 2011
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