Le coup d’Etat mené par le Font national uni (Fnu)); le 3 août 1975 avait provoqué un bouleversement à la fois politique et social. Aprè...
Le coup d’Etat mené par le Font national uni (Fnu)); le 3 août 1975 avait provoqué un bouleversement à la fois politique et social. Après l’élection d’Ali Soilihi, par le le conseil Exécutif1, en janvier 1976, comme président et la rupture avec l’ancienne puissance coloniale, la révolution comorienne avait pris corps et avait duré jusqu’au coup d’Etat du 13 mai 1978. Moment de traumatisme pour certains, notamment ceux qui avaient tous les privilèges sous la colonisation et dans la société traditionnelle, c’était aussi un moment de grand espoir pour d’autres, en particulier les femmes et les jeunes, fer de lance de la révolution. Nous mettons en relief deux aspects fondamentaux :
- Les mutations institutionnelles et des mentalités
- La stratégie du développement
a) Les changements institutionnels et des mentalités
a.1- Le choc de l’indépendance unilatéral
Les nouvelles autorités héritaient d’une administration coloniale en deux secteurs étrangers ; l’un de l’autre dont les structures étaient crées et mise en application par des textes et des procédures français, copiés ou maladroitement adaptés sans tenir compte ni des problèmes, des infrastructures, ni de la qualification des agents autochtones, ni des mentalités et des aspirations des administrés. Le retrait par la France, de son assistance technique et financier rendait impossible le fonctionnement en l’Etat et des services publics.
a.2 – Une nouvelle conception des institutions
1°) les travaux d’élaborations
Ces travaux d’élaborations d’une nouvelle organisation était entrepris à partir de janvier 1976, date à laquelle Ali Soilihi, après son émergence, en tant que homme fort du Directoire2avait confisqué le pouvoir et était, bel et bien, devenu le nouveau maître, sans partage, de la nouvelle république. Sa nouvelle manière de concevoir les institutions avait favorisé la mise en vigueur des ordonnances, n°76-04 et 76-05 du 20 février 1976 portant organisation des “wilaya“. C’était la dénomination de la circonscription administrative correspondant à l’île. Elle était placée sous l’autorité d’un “muhafidu“ (gouverneur), assisté d’un secrétaire général. Par ailleurs, la “Wilaya“ était divisée en “bavu“ (sous gouvernorat), administré par un “liwali“ (sous gouverneur), également assisté d’une secrétaire générale. Le bavu était divisé en “mudirias“ (districts) animé par des mudirs. Ces derniers supervisaient les activités des “hakims wa muji“ (chef des villages et des quartiers).
Un découpage nettement plus serré avait supprimé les frontières des cantons qui, depuis la période de l’autonomie interne coïncidaient avec celle des chefferies du “Mila na ntsi“. Les 30 cantons (des trois îles indépendantes ; Mohéli, Anjouan et la Grande Comores) étaient donc remplacé par 55 Mudirias. Ce qui impliquait un programme ambitieux de construction, dessiné à fournir les installations que justifiait le rôle important que les Mudirias devaient jouer dans le vie politique, économique, socio-culturelle, etc. de la jeune Nation comorienne. Pour abolir l’ordre hiérarchique traditionnel des villages, les centres administratifs étaient construits hors des murs des Midji mihuu (gros villages). Ils étaient implantés le plus souvent entre les villages en plein campagne. Cette réforme administrative était accompagnée d’une reforme judiciaire dont les instances coïncidaient avec la wilaya (gouvernorat) le bavu (région) et le mudria (arrondissement).
2°) La portée politique de la loi fondamentale
L’Etat comorienne devenu ; par la loi fondamentale votée le 23 avril 1977, une “République démocratique laïque et sociale“ reposait sur le fonctionnement du “pouvoir populaire“. Les instances de ce dernier étaient les comités populaires de base (comité de village et de quartiers) élus au suffrage universel direct et qui désignaient les différents responsables au niveau de mudiria, de Wilaya, etc. Inspirée par la philosophie marxiste et autogestionnaire, le préambule de la loi fondamentale proclamait que “l’administration est au service des travailleurs manuels et reste sous leur contrôle“. L’administration n’assurait que les services indispensables qui ne pouvaient encore être pris en charge par les travailleurs manuels eux-mêmes. La nouvelle organisation visait à éliminer toutes traces de l’héritage aussi bien de la colonisation que du mila na tsi. Seuls les jeunes lycéens étaient totalement convaincus et défendaient sincèrement la doctrine nouvelle et son pouvoir, les membres des comités aux différents niveaux ; local régional et national étaient recrutés parmi des jeunes collégiens et lycéens ; désignés par le président de la République, le “Mongozi“ (le guide) comme le fer de lance de la révolution, ils se substituaient partout aux fonctionnaires chargés des services administratifs et soutenus par la police politique, les “Commandos Mwasi“. Ces derniers avaient semé la terreur au sein de la population. La plupart des anciens compagnons d’Ali Soilihi avait perdu tout espoir et se tournaient contre lui soit en s’exilant soit en fomentant des complots pour renverser son régime. Synthétiquement la révolution (1975 fin 1977) avait consacré sa phase antiféodale qui consistait à s’attaquer à certaines privilèges de naissances, la toute puissance des notables, les charlatans vêtus de l’habit du religieux, les monopoles économiques3et devait poursuivre, après 1977 ; sa marche vers le socialisme en faisant table rase des anciennes institutions et des mentalités perverses. Ainsi, le Président Ali Soilihi avait licencié la plupart des fonctionnaires au mois d’avril 1977 et , désirant, également et surtout consommer la rupture avec l’ancien régime, avait fait brûler une grande partie des archives de l’Etat à l’exception de celles du Trésor public
b) La stratégie politique du développement
Après avoir traversé la phase antiféodale en se mettant conséquemment sur l’orbite de l’instauration du socialisme comorien ; le régime révolutionnaire faisant immédiatement face aux défis du génocide de Majunga, ainsi qu’aux dégâts incommensurables de l’éruption volcanique Kartala4, s’était placé sur les rails de la planification de la politique du développement.
b-1 Planification de la politique de développement
En février 1978, avait été publié le plan quinquennal intérimaire pour la période 1978-1982. Un certain nombre de projets y étaient décrits de façons très détaillées, dont bon nombre étaient probablement d’un intérêt économique indiscutable. Ce document avait donc une valeur durable. De surcroît, il ne se limitait pas aux aspects purement économiques du développement, mais présentait également le cadre institutionnel, social et politique dans lequel le régime « révolutionnaire » d’Ali Soilihi entendait poursuivre le développement du pays. Toutefois, ce n’était pas un plan au sens complet du terme; car il n’abordait pas la question des ressources qui étaient ou pourraient être disponible pour sa mise en exécution.
b.2- l’apport de la coopération internationale
Sur le plan international, le contentieux sur l’affaire de Mayotte avait incité les autorités révolutionnaires comoriennes à rechercher des alliés pour entretenir à l’égard de la France un sentiment de réprobation internationale. Mais, il s’agissait aussi de se ménager de nouvelles aides pour pallier celles qu’ apportait la coopération française : représentation diplomatique appuyée par le Sénégal, accueil de boursiers en Algérie et en Afrique Francophone, médecins fournis par le Canada, professeurs sénégalais, Tunisiens et Belges payés par l’agence de coopération Francophone, aide au développement rural par la Chine qui installait une ambassade, contribution importante par le Koweït et par le Fonds Européen de Développement (Fed) ou programme routier. Dans le cadre de sa politique de développement, le gouvernement comorien bénéficiait aussi progressivement de l’appui des différentes installations du système des Nations –Unies5. Malgré de timides tentatives de rapprochement, le contentieux de l’affaire Mahoraise bloquait toute réconciliation entre l’Etat Comorien et la France.
* Mouhssini Hassani-El-barwane, Enseignant-chercheur à l’Udc et, chercheur associé au Cndrs et Cresoi
Prochainement : La "restauration"
- Les mutations institutionnelles et des mentalités
- La stratégie du développement
a) Les changements institutionnels et des mentalités
a.1- Le choc de l’indépendance unilatéral
Les nouvelles autorités héritaient d’une administration coloniale en deux secteurs étrangers ; l’un de l’autre dont les structures étaient crées et mise en application par des textes et des procédures français, copiés ou maladroitement adaptés sans tenir compte ni des problèmes, des infrastructures, ni de la qualification des agents autochtones, ni des mentalités et des aspirations des administrés. Le retrait par la France, de son assistance technique et financier rendait impossible le fonctionnement en l’Etat et des services publics.
a.2 – Une nouvelle conception des institutions
1°) les travaux d’élaborations
Ces travaux d’élaborations d’une nouvelle organisation était entrepris à partir de janvier 1976, date à laquelle Ali Soilihi, après son émergence, en tant que homme fort du Directoire2avait confisqué le pouvoir et était, bel et bien, devenu le nouveau maître, sans partage, de la nouvelle république. Sa nouvelle manière de concevoir les institutions avait favorisé la mise en vigueur des ordonnances, n°76-04 et 76-05 du 20 février 1976 portant organisation des “wilaya“. C’était la dénomination de la circonscription administrative correspondant à l’île. Elle était placée sous l’autorité d’un “muhafidu“ (gouverneur), assisté d’un secrétaire général. Par ailleurs, la “Wilaya“ était divisée en “bavu“ (sous gouvernorat), administré par un “liwali“ (sous gouverneur), également assisté d’une secrétaire générale. Le bavu était divisé en “mudirias“ (districts) animé par des mudirs. Ces derniers supervisaient les activités des “hakims wa muji“ (chef des villages et des quartiers).
Un découpage nettement plus serré avait supprimé les frontières des cantons qui, depuis la période de l’autonomie interne coïncidaient avec celle des chefferies du “Mila na ntsi“. Les 30 cantons (des trois îles indépendantes ; Mohéli, Anjouan et la Grande Comores) étaient donc remplacé par 55 Mudirias. Ce qui impliquait un programme ambitieux de construction, dessiné à fournir les installations que justifiait le rôle important que les Mudirias devaient jouer dans le vie politique, économique, socio-culturelle, etc. de la jeune Nation comorienne. Pour abolir l’ordre hiérarchique traditionnel des villages, les centres administratifs étaient construits hors des murs des Midji mihuu (gros villages). Ils étaient implantés le plus souvent entre les villages en plein campagne. Cette réforme administrative était accompagnée d’une reforme judiciaire dont les instances coïncidaient avec la wilaya (gouvernorat) le bavu (région) et le mudria (arrondissement).
2°) La portée politique de la loi fondamentale
L’Etat comorienne devenu ; par la loi fondamentale votée le 23 avril 1977, une “République démocratique laïque et sociale“ reposait sur le fonctionnement du “pouvoir populaire“. Les instances de ce dernier étaient les comités populaires de base (comité de village et de quartiers) élus au suffrage universel direct et qui désignaient les différents responsables au niveau de mudiria, de Wilaya, etc. Inspirée par la philosophie marxiste et autogestionnaire, le préambule de la loi fondamentale proclamait que “l’administration est au service des travailleurs manuels et reste sous leur contrôle“. L’administration n’assurait que les services indispensables qui ne pouvaient encore être pris en charge par les travailleurs manuels eux-mêmes. La nouvelle organisation visait à éliminer toutes traces de l’héritage aussi bien de la colonisation que du mila na tsi. Seuls les jeunes lycéens étaient totalement convaincus et défendaient sincèrement la doctrine nouvelle et son pouvoir, les membres des comités aux différents niveaux ; local régional et national étaient recrutés parmi des jeunes collégiens et lycéens ; désignés par le président de la République, le “Mongozi“ (le guide) comme le fer de lance de la révolution, ils se substituaient partout aux fonctionnaires chargés des services administratifs et soutenus par la police politique, les “Commandos Mwasi“. Ces derniers avaient semé la terreur au sein de la population. La plupart des anciens compagnons d’Ali Soilihi avait perdu tout espoir et se tournaient contre lui soit en s’exilant soit en fomentant des complots pour renverser son régime. Synthétiquement la révolution (1975 fin 1977) avait consacré sa phase antiféodale qui consistait à s’attaquer à certaines privilèges de naissances, la toute puissance des notables, les charlatans vêtus de l’habit du religieux, les monopoles économiques3et devait poursuivre, après 1977 ; sa marche vers le socialisme en faisant table rase des anciennes institutions et des mentalités perverses. Ainsi, le Président Ali Soilihi avait licencié la plupart des fonctionnaires au mois d’avril 1977 et , désirant, également et surtout consommer la rupture avec l’ancien régime, avait fait brûler une grande partie des archives de l’Etat à l’exception de celles du Trésor public
b) La stratégie politique du développement
Après avoir traversé la phase antiféodale en se mettant conséquemment sur l’orbite de l’instauration du socialisme comorien ; le régime révolutionnaire faisant immédiatement face aux défis du génocide de Majunga, ainsi qu’aux dégâts incommensurables de l’éruption volcanique Kartala4, s’était placé sur les rails de la planification de la politique du développement.
b-1 Planification de la politique de développement
En février 1978, avait été publié le plan quinquennal intérimaire pour la période 1978-1982. Un certain nombre de projets y étaient décrits de façons très détaillées, dont bon nombre étaient probablement d’un intérêt économique indiscutable. Ce document avait donc une valeur durable. De surcroît, il ne se limitait pas aux aspects purement économiques du développement, mais présentait également le cadre institutionnel, social et politique dans lequel le régime « révolutionnaire » d’Ali Soilihi entendait poursuivre le développement du pays. Toutefois, ce n’était pas un plan au sens complet du terme; car il n’abordait pas la question des ressources qui étaient ou pourraient être disponible pour sa mise en exécution.
b.2- l’apport de la coopération internationale
Sur le plan international, le contentieux sur l’affaire de Mayotte avait incité les autorités révolutionnaires comoriennes à rechercher des alliés pour entretenir à l’égard de la France un sentiment de réprobation internationale. Mais, il s’agissait aussi de se ménager de nouvelles aides pour pallier celles qu’ apportait la coopération française : représentation diplomatique appuyée par le Sénégal, accueil de boursiers en Algérie et en Afrique Francophone, médecins fournis par le Canada, professeurs sénégalais, Tunisiens et Belges payés par l’agence de coopération Francophone, aide au développement rural par la Chine qui installait une ambassade, contribution importante par le Koweït et par le Fonds Européen de Développement (Fed) ou programme routier. Dans le cadre de sa politique de développement, le gouvernement comorien bénéficiait aussi progressivement de l’appui des différentes installations du système des Nations –Unies5. Malgré de timides tentatives de rapprochement, le contentieux de l’affaire Mahoraise bloquait toute réconciliation entre l’Etat Comorien et la France.
* Mouhssini Hassani-El-barwane, Enseignant-chercheur à l’Udc et, chercheur associé au Cndrs et Cresoi
Prochainement : La "restauration"
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