Le président Ikililou Dhoinine, qui se présente comme "le relais qui rassure" parviendra t-il à s'émanciper de son encombrant...
Le président Ikililou Dhoinine, qui se présente comme "le relais qui rassure" parviendra t-il à s'émanciper de son encombrant prédécesseur?
Vu de l'extérieur , les Comores ont "tourné une nouvelle page". Cette appréciation de la communauté internationale au lendemain de l'installation du nouveau président élu aux commandes de l’État comorien, confirme qu'après deux essais réussis en 2006 et en 2011, l'archipel des sultans batailleurs, est entré dans l'ère de la transition démocratique. Vu de l'intérieur ce scénario ne semblait pas évident pour une opposition habituée aux rebondissements et qui jusqu'au terme du mandat du président Sambi, le soupçonnait de chercher à se maintenir au pouvoir après le bonus d'une année supplémentaire qu'il s'est accordée suite à la réforme constitutionnelle de 2009.
En quittant le pouvoir le 26mai, Sambi a remis le relais à son dauphin. Son ancien Vice-président, un fidèle qui apparait aux yeux de l'opinion comme le pur produit du président sortant. Il faut dire que jusqu'en 2006, peu de comoriens connaissaient Ikililou Dhoinine. L'aura de ce pharmacien de carrière ne dépassait pas les limites de l'officine de vente de médicaments génériques qu'il tenait à Fomboni, chef lieu de Mohéli, la plus petite île de l'archipel.
Un homme timide, qui n'a jamais fait de vagues
Naturellement discret selon ses proches, Ikililou "était pressenti pour faire des religieuses" avouait dans les colonnes d'un quotidien local, sa mère, sans doute la première surprise par la fulgurante ascension de son fils en politique. De son enfance ses amis se rappellent de quelques passages dans le milieu associatif. Une passion qu'il partageait avec le football sur le terrain de son village où "il venait taper au ballon avec ses camarades de classes".
Le pouvoir ne semble pas non plus avoir vaincu la timidité de cet enfant tranquille. Aucune vague en 5 ans de vice-présidence de l'Union, à l'inverse de Idi Nadhoim, l'autre vice-président qui tenait le rôle de trublion du régime Sambi.
Pourtant, Ikililou Dhoinine a eu toutes les opportunités d'imposer sa voix et son style en occupant des portefeuilles ministériels stratégiques comme celui de la Fonction publique, de la Santé ou des Finances. A plusieurs reprises, c'est à lui que le président Sambi confiait l'intérim de la présidence pendant ses nombreux voyages. Il a également représenté l'Etat dans des rencontres d'importance dans le monde.
Cette fidélité, mêlée au souci de ne pas heurter les siens, est-elle synonyme de manque de personnalité et de caractère comme semblent le croire certains observateurs de la politique locale? Les appels de certains ténors de l'opposition exhortant le nouveau président à changer de gouvernance sont destinés à le pousser à une sorte de sursaut d'autonomie.
D'autres s'attardent même sur ses apparences, et reprochent à Ikililou de mimer son prédécesseur jusqu'à la façon de s'habiller. "Erreur " avertis sent ses proches. "Il sait s'entêter. Et lorsqu'il s'accroche à une idée, il faut s'armer d'arguments pour lui faire changer d'avis" affirme un membre du premier cercle présidentiel.
Comme pour fournir la preuve de la distance qu'il entend prendre vis-à-vis de son prédécesseur Ikililou Dhoinine a rendu hommage une seule fois à Sambi dans son premier discours à la nation "pour avoir servi loyalement le pays" tout en lui reconnaissant "son engagement, son implication et son soutien dais la bataille des présidentielles'.
Les priorités évoquées dans son discours de politique générale renvoient à la continuité des promesses du candidat Sambi, notamment la restructuration de l'Administration ou encore l'indépendance de la justice. Mais les ressemblances s'arrêtent là. Le nouveau président se démarque sur d'autres sujets non moins importants.
Aucun ministre de Sambi n'a été gardé
La gestion du dossier de la crise scolaire qui a paralysé l'école publique depuis plus d'un mois est révélateur. En qualifiant "d'illégale" la décision du précédent gouvernement Sambi de revenir sur le décret présidentiel qui valorisait la grille salariale des enseignants à la demande du FMI, le nouveau gouvernement ne se sent pas lié à tous les engagements de l'ancienne équipe et se donne la liberté de les contester.
Autre rupture, le différend franco-comorien sur l'île de Mayotte. A la détermination tout azimut du président Sambi qui imposait les règles du jeu, Ikililou Dhoinine semble vouloir réinstaurer la stratégie du dialogue avec une innovation cependant parler directement avec les Mahorais sans l'implication desquels, « aucune solution n'est envisageable » a-t-il expliqué. (C'était plutôt la stratégie du candidat Djabir. IKILILOU n'a pas respecté sa promesse électorale. Il a trompé tout le monde : Ndlr)
Mais c'est dans la formation de son gouvernement que le président comorien a lancé un signal fort. En effet aucun membre du gouvernement Sambi n'a été reconduit dans la nouvelle équipe. Une manière peut-être pour le nouveau président de s'affranchir et d'affirmer que c'est lui qui décide. Il reste à voir si ses orientations économiques vont confirmer ou pas les choix de son prédécesseur qui a misé sur les fonds arabes pour accroitre les capacités d'investissements du pays et assurer la construction des infrastructures indispensables à toute politique de développement.
KAMAL'EDDINE SAINDOU
Source : Upanga n°44du 15 juin 2011