L’anecdote mérite bien sa place dans le bêtisier politique de l’archipel : pour répondre à une invitation officielle, le chargé d’affaire...
L’anecdote mérite bien sa place dans le bêtisier politique de l’archipel : pour répondre à une invitation officielle, le chargé d’affaires des Comores à Madagascar emprunte le transport en commun comme monsieur tout le monde. Et pour cause : l’ambassade ne dispose pas d’un véhicule. ‘‘Entre me fondre dans la foule et demander à un collègue ambassadeur de me convoyer, je choisis toujours la première solution parce que les Etats sont censés être égaux’’ dit-il.
Les étudiants comoriens se plaignent, eux, de cette image détestable que l’Etat renvoie de lui-même dans la région. “Le reflet des Comores à l’extérieur reste le dernier des soucis des autorités en place. Comment peut-on expliquer une telle situation quand on sait qu’à Moroni, chaque chef de service d’une société publique a un véhicule de fonction’’ s’emporte une jeune étudiante en deuxième année de droit à l’université d’Ankatso.
Si notre représentation diplomatique à Madagascar fonctionne bon an mal an, c’est grâce à des ressources propres, qui proviennent essentiellement des droits de visa.
"Ces ressources sont largement insuffisantes et n’arrivent qu’à couvrir les besoins obligatoires’’ à en croire un haut fonctionnaire de l’ambassade. Nommé au poste de chargé d’affaires en 2009 pour “expédier les affaires courantes” selon la formule consacrée, après le départ du colonel Halidy Charif, Abdallah Massoundi attend toujours l’arrivée d’un nouvel ambassadeur, même s’il reste convaincu que cela ne résoudra aucunement les problèmes. “Ce n’est pas une question d’hommes, mais de moyens”, ne cesse-t-il de répéter. “Nous gérons l’ambassade au jour le jour. Il faut vraiment être en poste pour comprendre les conséquences liées à l’absence de moyens”. ajouta-t-il.
En sus de ses difficultés de fonctionnement, l’ambassade doit “gérer“ une forte communauté d’environ 3.000 étudiants repartis entre les sept provinces de Madagascar. Souvent issus de milieux défavorisés et dépourvus d’aucune aide scolaire, ces étudiants vivent pour la plupart dans des conditions précaires. “Avant de venir ici, ils ne prennent pas la peine de s’informer sur le coût de la vie à Madagascar” déplore le chargé d’affaires, qui pointe surtout l’absence d’un centre d’orientation digne de ce nom à Moroni pour assister les nouveaux bacheliers dans le choix de leurs filières. Ce qui pourrait expliquer le fort taux d’échec parmi ces jeunes.
Massoundi s’étonne, par ailleurs, que six ans après l’ouverture de l’université des Comores, le flux d’étudiants vers la Grande Ile ne se soit ralenti. C’est ainsi qu’il propose, au niveau du consulat malgache aux Comores, une restriction de visa et un durcissement des conditions de son obtention. “L’étudiant doit non seulement justifier que la formation n’est pas dispensée sur place, mais aussi donner des garanties financières suffisantes”, dit-il.
Certains diplomates regrettent que, malgré la proximité des Comores avec Madagascar, il n’existe à ce jour aucun accord de coopération, ni dans le domaine de l’enseignement supérieur, en dépit du nombre toujours croissant d’étudiants comoriens, ni dans le secteur de la santé (Dieu sait combien de patients comoriens se font soigner par mois dans les hôpitaux malgaches), encore moins dans le domaine du commerce. “Nous devons marquer notre présence à Madagascar par l’élaboration d’une politique ambitieuse à cour, moyen et long terme”, dixit le chargé d’affaires. Il appelle à la mise en place d’une commission mixte comoro-malgache pour discuter des questions d’intérêt commun. Dans une interview avec un quotidien national, l’ex-ambassadeur Mourad Said Ibrahim avait déjà souligné la nécessité, sinon l’urgence de renforcer l’axe Moroni-Tana. ‘‘Nous sommes les premiers voisins de Madagascar. Nous avons une histoire commune assez riche et une communauté estudiantine particulièrement importante”. Il n’a jamais été entendu.
Mohamed Inoussa