Cérémonie inter-religieuse en hommage aux victimes de l'accident de l'A-310, à Marseille, le 3 juillet 2009. (Photo : Reuters) Il...
Cérémonie inter-religieuse en hommage aux victimes de l'accident de l'A-310, à Marseille, le 3 juillet 2009.
(Photo : Reuters)
(Photo : Reuters)
A l'heure où Mayotte est devenu le 101e département français, Quartiers nord-Comores, le "carnet de voyage" d'un professeur de lettres classiques dans un collège marseillais, nous présente quelques-uns des 80 000 Comoriens de Marseille.
Une communauté méconnue, et dont on n'entend parler qu'à l'occasion de faits divers tragiques.
Elisée Lacascade, l'auteure de ce petit livre à la fois informatif et émouvant, est envoyée dans un collège provisoire, baptisé Rosa-Bonheur et présenté par le principal comme "la maison Phénix des collèges". Il s'agit en réalité d'un bâtiment préfabriqué en forme de U à l'esthétique carcérale, posé autour d'une petite cour sans arbres. Il accueille près de 300 élèves, dont 90 % sont d'origine comorienne.
Spécialité marseillaise, le "regroupement ethnique" opéré dans les cités entraîne la ghettoïsation des lycées, et la suppression de la carte scolaire ne fait qu'accentuer le phénomène. De par la règle du jeu des affectations dans l'éducation nationale, les enseignants nommés là sont souvent de jeunes recrues ou de nouveaux arrivants dans l'académie. C'est le cas d'Elisée Lacascade, formée dans la banlieue parisienne, et qui débarque au collège Rosa-Bonheur forte de son expérience de terrain et pleine d'entrain.
Débute alors une aventure que l'auteure nous fait partager sous la forme d'un carnet de voyage. Ce parti pris permet de suivre la vie en classe, de rester au plus près d'une réalité complexe. Rien ne se passe jamais comme prévu dans ce collège : conversations en swahili pendant les cours, concurrence acharnée entre les Maghrébins et les Africains, mépris des Mahorais pour les Anjouanais (restés Comoriens), mères en larmes le jour de la réunion parents-professeurs, pères en colère prêts à en découdre...
L'enseignement y est un sport de combat, une lutte constante contre les préjugés et les malentendus. Le chemin est long et sinueux avant de parvenir à établir le dialogue. Et l'on comprend qu'au-delà du témoignage, ce livre est aussi une réflexion sur le langage, la langue (officielle, orale, poétique...).
Si elle écrit à la première personne et livre ses sentiments, Elisée Lacascade donne la parole à ses élèves en relatant leurs interventions orales comme leurs travaux écrits. La lecture de leurs rédactions, de leurs poèmes ou de leur roman collectif est une occasion inédite d'entendre leurs voix et leurs divers points de vue. Au fil des mois, ces voix prennent corps, on s'y attache, et l'on oublie un peu la situation professionnelle ubuesque de l'enseignante pour partager la richesse de l'expérience humaine.
Reste pourtant un constat alarmant sur l'incapacité de l'éducation nationale à proposer des solutions innovantes dans ces établissements qu'elle a récemment labellisés "ambition réussite". Aux certitudes des pédagogues professionnels, Elisée Lacascade oppose le doute et les questionnements d'une femme de terrain : comment respecter les programmes officiels dans un tel contexte ? Comment former au mieux les bons élèves tout en devant alphabétiser leurs voisins dans une même classe ?Source:le monde
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