Le silence judiciaire persiste autour de la mort tragique du jeune Akbar. Débarqué de force d'une vedette maritime à destination de la prison d'Anjoua
Histoire et actualités des Comores...
Cette semaine a été marquée par deux événements contrastants, illustrant les facettes du pouvoir et les failles institutionnelles.
1. Obsèques du Colonel Abdourazakou : Un hommage avec une très grande entorse protocolaire
Le pilier de la gendarmerie,le Colonel Abdourazakou, a été inhumé lors de funérailles officielles. La cérémonie a mis en lumière la complexité de ses fonctions passées : ancien chef de la gendarmerie, Grand Chancelier du Croissant Vert des Comores et ancien président de la Cour constitutionnelle. Cette accumulation de titres a placé le président Azali Assoumani dans une position protocolaire singulière, devant théoriquement prendre la parole à la fois en tant que Chef suprême des armées, Grand Chancelier national de l'ordre et chef de la magistrature suprême. Il a choisi de confier la parole au directeur de cabinet chargé de la défense réduisant ainsi le rôle d'Abdourazakou à ses fonctions de militaire.
2. L'affaire Akbar Madjidi : Un drame qui attend toujours la justice
À Mohéli, le silence judiciaire persiste autour de la mort tragique du jeune Akbar Madjidi. Débarqué de force d'une vedette maritime à destination de la prison d'Anjouan, il est décédé trois jours plus tard. Malgré le dépôt d'une plainte par sa famille exigeant une enquête indépendante, une autopsie et la suspension des agents impliqués, aucune procédure judiciaire n'a été rendue publique. Ce silence est d'autant plus interpellant que l'affaire impliquerait, selon les rumeurs circulant dans l'opinion, des relations personnelles influentes, en raison de la beauté pharaonique qui aurait emporté la Raison !!!
3. Commémoration à venir : Les 50 ans de la disparition du Prince Saïd Ibrahim, une lecture historiographique
La nation se prépare à commémorer, fin décembre, le cinquantenaire de la disparition du Prince Saïd Ibrahim. Cet anniversaire invite à une relecture de son héritage à travers le prisme de l'historiographie comorienne, qui dessine une figure complexe et centrale des dernières décennies pré-indépendantes.
- Un gouvernant modérateur à l'ère des autonomies : Avant l'indépendance, son parcours institutionnel fut marqué par son rôle de sénateur des Comores au Sénat français, puis en tant que deuxième et Président du Conseil de gouvernement (1970-1972). Son mandat est souvent associé à une période de paix relative et de stabilité administrative. Il est également reconnu pour avoir œuvré à une inclusion plus forte des Mahorais dans la sphère politique et administrative comorienne de l'époque, une approche visant à maintenir l'unité territoriale face aux premières tensions.
- La Destitution de 1972 et son héritage paradoxal : Son éviction du pouvoir en 1972, orchestrée par une alliance tactique entre les "indépendantistes" "Verts" et les députés "Blancs et Mahorais" pro-français et pragmatiques, marque la fin du processus autonome. S'il n'est donc pas le premier président des Comores indépendantes (titre revenant à Ahmed Abdallah en 1975), il incarne la dernière figure de l'État autonome sous tutelle. Son héritage est aussi personnel : il fut le parrain et le mentor politique d'Ali Soilih, dont le régime révolutionnaire (1976-1978) constituera plus tard une rupture radicale avec l'ordre ancien qu'il représentait.
- Une figure de transition et de référence : L'historiographie contemporaine le situe comme un homme de transition et de modération, pris dans les contradictions de son temps. Aristocrate respecté, administrateur pragmatique, il a tenté de naviguer entre les exigences de Paris, les aspirations indépendantistes et la défense de l'unité de l'archipel. Sa commémoration dépasse l'hommage protocolaire ; c'est l'occasion d'interroger la trajectoire politique des Comores, les chemins non pris de l'unité nationale et les figures paternelles dont l'autorité morale a pu transcender les clivages politiques ultérieurs.
Nakidine Mattoir

COMMENTAIRES