Le cheminement ayant conduit à la proclamation unilatérale de l’indépendance des Comores. Dès 1962, des contestations de l’ordre établi dans le cadre.
Le cheminement ayant conduit à la proclamation unilatérale de l’indépendance des Comores
Dans moins d’un mois, les Comores célèbreront leur 48ème anniversaire d'indépendance. Le processus ayant conduit l’archipel des Comores à s’émanciper de la tutelle coloniale a été long et difficile. Il a alterné entre négociations, luttes contre les représentants de la colonie et agitations politiques d’éléments engagés de la diaspora comorienne de Tanzanie et de France. Le processus s’est achevé par l’acquisition d’une indépendance unilatérale inachevée et amère, entraînant une instabilité politique chronique.
À la veille des indépendances africaines, les Comores accusaient un retard important dans tous les domaines. Elles étaient sous-équipées et connaissaient un niveau de paupérisation très élevé. En tant que colonie des planteurs et des aventuriers, l’archipel avait adopté dès le début de sa colonisation, un modèle économique basé sur la culture de produits de rente. Cette orientation économique spécifique pour les plantations avait favorisé le développement des régions « utiles » des îles, reposant sur un système économique extraverti tout en privilégiant la rentabilité pour les colons au détriment des conditions de vie de la population.
Les disparités au sein de la population se sont accentuées. Malgré les différentes évolutions institutionnelles qu'a connu le pays, les moyens financiers alloués n'ont pas été suffisants. Au cours de cette période, les Comores se retrouvent ainsi dans une situation de dénuement total, avec peu d’infrastructures, une administration éloignée de ses citoyens, et une économie principalement basée sur la vente des produits de rente. Le pays accuse un retard dans pratiquement tous les domaines : développement économique, éducation, médias, sensibilisation politique, etc. Quelques bâtiments construits à Dzaoudzi, la capitale, symbolisent l’autorité coloniale et permettent une certaine stabilité administrative locale.
Les évolutions institutionnelles et statutaires imprimées par l’administration coloniale ont certes permis aux quelques privilégiés de l’époque d’accéder à des postes importants dans les administrations nouvellement créées, mais du fait des moyens limités mis à disposition, elles ont engendré assez vite des déceptions à cause des promesses de changement non tenues. Les frustrations ainsi accumulées sont probablement à la base de la revendication indépendantiste. Elles sont certainement les principales raisons ayant fait qu’une petite frange de l’élite comorienne a commencé à envisager l’indépendance comme option politique. Cette revendication va naître et s’inscrire dans un contexte régional et international favorable. Elle sera favorisée par l’émergence d’une nouvelle génération de Comoriens plus diplômés et plus réceptifs aux valeurs de modernité. Les idéaux nationalistes vont être encouragés par l’accession à l’indépendance de plusieurs des colonies britanniques et françaises en Asie et en Afrique.
Dès 1962, des contestations de l’ordre établi dans le cadre du nouveau statut d’autonomie interne commencent à émerger à la fois à aux Comores et dans la diaspora, notamment à Zanzibar et à Tanganyika. Dans l’archipel, la colère émane surtout de la jeune élite issue du milieu enseignant et des fonctionnaires territoriaux, qui rejettent la mainmise du président Saïd Mohamed Cheikh et de ses partisans. À Zanzibar, les jeunes d’origine comorienne continuent de contester le choix statutaire de l’autonomie interne. Leur défiance est telle qu’ils créent le Mouvement de Libération Nationale des Comores (MOLINACO), dirigé par Mohamed Ali Chami, Youssouf Abdoulhalik et Abdou Bakari Boina. La création du MOLINACO survient dans un contexte politique africain particulier, marqué par les transformations en cours sur le continent, et de nombreux mouvements de libération africains sont accueillis en Tanzanie, présidée par Mwalimu Julius Nyerere.
Les idées du MOLINACO sont initialement relayées par le Parti Socialiste pour la Libération des Comores (PSLC), nouvellement créé par des membres du MOLINACO rentrés au pays et des sympathisants locaux. Le PSLC parvient rapidement à rallier des notables et des intellectuels à sa cause. Parmi ses militants figurent Youssouf Ali Alwahti, Abdallah Mohamed Ben Ali et Ahmed Djoumoi. Cependant, en tant que parti indépendantiste aux Comores, le PSLC a une existence éphémère car il est rapidement réprimé par les autorités. Grâce à une campagne de sensibilisation menée par le MOLINACO, qui utilise divers moyens, notamment des émissions radiophoniques diffusées depuis Dar es Salam et animées par Salim Youssouf Sabiti, les idées indépendantes se propagent dans l'archipel, portées par des personnalités charismatiques comme Abdourahmane Mkufundi, connu sous le nom de Mhishimiwa, Saïd Ahamada Mbaé, Ali Sugu, Imam Mbechezi, Hadidja Sabil, Kamal Said Ali, Mohamed Taki Omar.
La soulèvement lycéen de 1968 a eu pour effet de secouer la fragile structure de l'autonomie interne et a galvanisé les militants indépendantistes. De nouveaux partis politiques commencent à émerger et à s’exprimer publiquement. Les deux partis traditionnels, les « Verts » et les « Blancs », se retrouvent rapidement dépassés par les nouveaux acteurs politiques. Le Parti Socialiste des Comores (PASOCO), créé en août 1968, se positionne sur l’échiquier politique en tant que parti prônant ouvertement l’indépendance des Comores. Son noyau dirigeant compte de nombreux jeunes lettrés comme Mohamed Ali Mbalia, Bruno Humblot, Mohamed Fazul, Salim Hadji Himidi, Said Ahmed Said Ali dit Charif, Ahmed Ali, Ali Msa Milio, Ali Yachourtu Bourhane, Bouhar Abdulwahab Mzé Ali, Ali Idaroussi, Abdou Zakaria, Abdurahmane Mkouboi.
Au seuil des années 70, la scène politique a subi une transformation telle que rien ne semblait entraver l'évolution statutaire de l'archipel des Comores. Ainsi, lorsque Said Mohamed Cheikh décède le 15 mars 1970 à Antananarivo, les Comores sont irrévocablement engagées sur la voie de l'indépendance. Les principaux partis politiques se sont progressivement ralliés à l'idée de libérer l'archipel du joug colonial. Les diasporas comoriennes de Madagascar, du Kenya et de France se sont jointes à la population pour réclamer l'accession à l'indépendance. En France, c'est notamment l'Association des Stagiaires et Étudiants des Comores (ASEC) qui s'est particulièrement investie dans les revendications indépendantistes.
Le 10 septembre 1972, lors d'un grand rassemblement au Stade Baumer, la fusion des partis UDC et RDPC est annoncée, formant ainsi l'UDZIMA, un parti qui demande l'indépendance "avec l'accord de la France et dans l'amitié". À partir de cette date historique, le rythme des événements s'accélère. Le 23 novembre 1972, par un vote de 34 voix contre 5, la Chambre des députés exprime la volonté du peuple comorien d'accéder à l'indépendance et demande au gouvernement de négocier la souveraineté nationale. Des négociations sont entamées avec la France, aboutissant aux accords connus sous le nom de "les accords du 15 juin". Ces accords stipulent qu'une consultation populaire doit être organisée pour entériner l'indépendance de tout le territoire, dans ses frontières coloniales. Cependant, le référendum prévu n'a jamais eu lieu ; à la place, une consultation a eu lieu le 22 décembre 1974. En effet, les termes des "accords du 15 juin" ont été modifiés par la suite par le législateur français à travers la loi du 23 novembre 1974, qui préconise la consultation "des" populations des Comores au lieu de "la" population des Comores.
Le 27 juin 1975, un amendement présenté par la majorité parlementaire française à la loi sur l’indépendance des Comores va mettre le feu aux poudres. Cet amendement stipule que la future constitution de l’archipel doit être soumise à chaque île séparément et ne sera appliquée que là où elle aura été acceptée. Le Parlement français enfonce le clou en votant une nouvelle loi le 3 juillet 1975, exigeant que chaque île vote pour une Constitution avant que la France n’accepte l’indépendance des Comores. Cette loi, connue sous le nom de la loi du 3 juillet, annule les accords du 15 juin 1973. Ce changement radical de position de la représentation française suscite de vives protestations de la part de la classe politique comorienne. Ahmed Abdallah Abdérémane rejette la consultation île par île, considérant le texte comme inacceptable et se sentant trahi.
Il revient rapidement aux Comores et proclame unilatéralement, le 6 juillet 1975, l’indépendance des Comores dans ses frontières coloniales.
Dr Ahmed Ouledi
HaYba FM la Radio Moronienne du Monde
COMMENTAIRES