Lettre ouverte de Me Saïd LARIFOU aux présidents Macron et Azali Assoumani. La situation dramatique que vit, en ce moment, l'Archipel des Comores étai
LETTRE OUVERTE
A MESSIEURS LES PRESIDENTS
EMMANUEL MACRON ET AZALI ASSOUMANI
RÉFLEXIONS SUR LA SITUATION DE L’ARCHIPEL DES COMORES
C'est parce que les drames qui touchent la population de l'archipel des Comores depuis l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, le 06 juillet 1975, relèvent historiquement de la responsabilité des États dont vous assumez les plus hautes fonctions, que j'ai estimé nécessaire de faire appel à votre sagesse.
La situation qui prévaut dans l’archipel, requiert votre engagement et votre contribution personnels pour l’émergence d'un environnement propice à la confiance, à la compréhension mutuelle, à la paix et favorable à la réflexion commune. Afin de parvenir au renforcement des institutions sociales, culturelles et politiques qui rendront possible, dans notre espace géographique commun, une cohabitation harmonieuse et fraternelle des pluralités sociales, cultuelles et culturelles, prenant en considération les particularités insulaires de chaque territoire.
La situation dramatique que vit, en ce moment, l'Archipel des Comores était prévisible et ce depuis l’indépendance de notre pays en 1974 du fait de l’absence d’une vraie politique de migration sur l’étendue du territoire de l’archipel des Comores. Cette défaillance n'a pas permis de réguler et contrôler les mouvements des populations dont l’histoire commune et millénaire est marquée par des fraternités familiales, religieuses, sociales et diverses qui ont façonnée l’identité de ce territoire.
D’ailleurs, le Président Giscard d’Estaing, en son temps, avait appelé au respect de l'unité de l'identité du peuple comorien.
La politique de déni de cette identité et du pourrissement ont joué contre les deux principaux acteurs du plus grand drame de ces dernières décennies dans la sous région de l’océan Indien.
D'abord, la France, bailleur de fonds le l'Union des Comores, et principal contributeur par ses subventions, permet de maintenir une paix sociale toute relative et un pseudo niveau de vie décent pour les îliens d'un côté. A Mayotte, la France développe dans le cadre de la départementalisation les infrastructures indispensables au bien-être des habitants de cette l’île.
Aujourd’hui, la disparité des moyens mis en œuvre par les deux gouvernements n’est plus pérenne et l'écart constaté est de plus en plus flagrant.
L’Union des Comores, qui depuis son indépendance, après avoir subi de 1975 à 1999, pas moins de 20 tentatives et des coups d’Etat commandités par des forces extérieures, est dirigée par des régimes non respectueux des valeurs de démocratie et de l’État de droit.
Elle fait encore de la mendicité auprès de ses partenaires et des institutions internationales, sa politique étant basée de surcroît sur une corruption endémique et des détournements de deniers publics. Comment, dans ce contexte, imaginer raisonnablement un avenir pour les habitants de l’archipel des Comores autrement que dans la misère, la pauvreté et la délinquance qui en sont les conséquences ?
L'état de pauvreté des comoriens de l'Archipel vivant sur l’île de Mayotte dans des conditions insalubres et l’insécurité qui y règnent désormais sont les conséquences du manque de courage, voire de complaisance, opportunément consentie pour des raisons géo-stratégiques ou autres et ce, vis-à-vis des régimes autoritaires et dictatoriaux successifs s’accommodant de l’irresponsabilité de ses dirigeants.
La réponse à cette situation de crise dans l’archipel des Comores est économique et cultuelle non dans la répression.
Le développement de ce territoire se fera dans le respect de son environnement géographique, en considération de son identité culturelle et sociale. Il ne sera pas possible qu’après la combinaison de deux actions, l’une à l’intérieure par des mesures structurelles et conjoncturelles et l’autre, extérieure, par l’afflux de moyens financiers provenant des partenaires institutionnels, des États amis et de la Diaspora.
L’Union des Comores, par les Gouvernements qui se sont succédés au pouvoir, est à la merci de l’aide extérieure. Les Autorités ne prennent pas les mesures adéquates pour éradiquer la pauvreté.
La démission de l’État comorien ne pouvant investir dans des infrastructures communautaires de base incite la Diaspora à financer les citoyens comoriens pour quitter le pays vers de meilleurs cieux.
L'imprévoyance manifeste des gouvernements comorien et français en est la conséquence au vu du résultat préoccupant que nous connaissons. Cette migration, d’abord familiale, devenue ensuite économique, ne peut se tarir dès lors que les moyens mis en œuvre ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels et futurs.
La population de l’archipel des Comores va augmenter dans les années à venir et aura pour conséquence la mort programmée d’un État reconnu internationalement incapable de maintenir une cohésion sociale et dont nombre de ses filles et fils s'exileront. Veut- on un pays sans âmes qui y vivent ?
Cette prise de conscience tardive doit permettre aux acteurs locaux, avec le soutien des partenaires au développement des Comores, de mettre tout en œuvre pour maintenir les populations sur leurs terres et ceux nés ou ayant grandi à Mayotte, sans encadrement familial ni parents, donc isolés, doivent faire l’objet des programmes éducatifs suivis, de santé et d’accompagnement cibles.
La population des trois Îles de l’archipel des Comores va augmenter et la précarité, voire la pauvreté, va s'accentuer si les dirigeants comoriens ne parviennent pas à fournir les services de base en réformant profondément les infrastructures indispensables au développement social, économique et culturel du pays. Cette pauvreté, qui est engendrée par la mauvaise gouvernance, tolérée, voire voulue, a un coût et des conséquences dont en sont victimes les populations, qui, finalement, subissent une double peine.
Dans ce contexte, les mesures sécuritaires, fussent-elles utiles pour un moment, ne pourront empêcher les mêmes populations de reprendre le même chemin pour tenter, une nouvelle fois, au risque de leur vie, à trouver une vie meilleure sur d’autres cieux et vers les autres territoires de l’Océan Indien les plus proches car plus accessibles et qui donnent plus de perspectives sociales et d’avenir.
Il est acquis que le destin des Îles de l’archipel des Comores est commun et qu’en l’état, l’île de Mayotte est la principale zone de migration interne à l’Archipel, étant donné qu’elle bénéficie d’investissements importants et offre plus de services de santé, d’éducation et de soin. Et ceux qui viennent de s’y installer n’ont pas la volonté de dégrader l’île mais, au contraire, de s'intégrer au mieux et participer à son développement.
Cependant, et comme Mayotte ne dispose pas d’espace géographique suffisant pour absorber les besoins de logement, des soins et d’éducation des populations de l’archipel, nous serions coupables si nous ne faisions pas le choix d’une politique d’aménagement de nos Îles en créant des nouveaux territoires, des nouveaux espaces de vie, avec des programmes économiques, socioculturels accessibles aux populations des Îles pour faire face aux défis de la migration à l’intérieur de l’archipel des Comores.
Si elle veut préserver son influence et jouer encore un rôle dans la zone de l’Océan indien, la France doit absolument accompagner et soutenir les aspirations du peuple comorien pour un État de droit respectueux des libertés et des valeurs démocratiques. Cette ambition est à la portée de la France qui, dans la région de l’Océan indien, a non seulement une responsabilité sur les événements en cours mais aussi ses intérêts et son rayonnement à préserver.
Certain que vous comprenez ma démarche et dans l’intérêt supérieur du peuple comorien, veuillez recevoir, Messieurs,
L’expression de mon profond respect.
Me Saïd LARIFOU, Avocat au Barreau de Moroni, ancien candidat à l’élection Présidentielle des Comores.
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