L’île de Mohéli (ou Mwali) s’étend sur 211 kilomètres carrés et est la plus petite et la moins pe.Les Comores veulent multiplier leurs parcs nationaux
La petite île de Mohéli a été la première zone protégée de l’archipel. Cette protection de la biodiversité a changé le mode de vie des communautés. Des leçons sont à tirer pour la pleine réussite des prochains sanctuaires.
- L’Union des Comores, un Etat archipélagique de l’océan Indien occidental, souhaite étendre radicalement son réseau d’aires protégées (AP), passant d’une à six, dont trois nouvelles aires marines protégées (AMP).
- Dans l’idée, il s’agirait de reproduire le modèle de gestion de l’aire marine protégée de Mohéli, le premier et actuellement le seul parc national du pays, créée en 2001.
- Toutefois, l’expérience des Comores avec Mohéli n’a pas permis de tirer le moindre plan défini ni pour le soutien aux communautés dont les droits traditionnels ont été restreints par les aires protégées ni pour le financement durable d’un réseau d’AP aussi vaste.
Avant l’intervention des habitants d’Itsamia, aux Comores, les tortues qui venaient nicher sur les plages du village attiraient les résidents des hameaux voisins. Chaque jour, entre 10 et 30 tortues vertes étaient capturées pour leur viande. C’était en 1991. Aujourd’hui, le village est connu pour sa journée de la tortue marine, qui attire de nombreux visiteurs.
Aucune tortue n’est consommée. Au lieu de cela, l’une des grandes attractions est la course effrénée des jeunes tortues sorties de l’œuf vers la mer.
Cet effort impulsé par la communauté afin de protéger les tortues à l’extrémité sud-est de Mohéli, l’une des îles constituant les Comores, est devenu un tremplin pour l’instauration en 2001 de la première aire protégée du pays : le parc marin de Mohéli. Désormais, l’Etat-nation étend radicalement son réseau d’aires protégées (AP), en en créant sur Ngazidja (Grande Comore), Ndzuani (Anjouan) et Mohéli.
Il s’agirait de répliquer ce qu’un rapport du programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a qualifié de « méthode de cogestion couronnée de succès ». Mais « l’expérience Mohéli » est bien loin d’être une réussite totale. En effet, d’après plusieurs rapports des Nations unies et des sources interrogées par Mongabay, elle n’a pas permis de tirer le moindre plan défini ni pour le soutien aux communautés dont les droits traditionnels ont été restreints par les aires protégées ni pour le financement durable d’un tel réseau.
L’archipel des Comores est situé au large de la côte est de l’Afrique, à l’embouchure du canal du Mozambique. L’Union des Comores, de son nom complet, reconnaît trois langues officielles (comorien, arabe et français), qui sont le reflet de sa riche confluence de cultures. Mais près d’un siècle de régime colonial et de bouleversements politiques à la suite de la prise d’indépendance a engendré des niveaux de privation dévastateurs. Un enfant sur trois présente un retard de croissance. La plupart des centres de santé ne disposent pas de toilettes en état de marche, voire n’ont pas d’accès à l’eau.
« Nous savons que notre pays n’a pas suffisamment de fonds, confie à Mongabay Houssoyni Housseni, membre de l’agence Parcs nationaux des Comores. Nous avions pour objectif de créer toutes les aires protégées en même temps que le parc marin de Mohéli, mais nous n’avions pas les fonds. »
Il aura donc fallu quinze ans avant que les Comores ne puissent mettre leurs ambitions en œuvre grâce à une initiative du Fonds pour l’environnement mondial (Fem) mis en place par le Pnud. Ce projet, qui s’étalait sur cinq ans, a pris fin en 2021. Dans le cadre de cette initiative, le pays a voté une loi sur les aires protégées, créé une agence supervisant les parcs nationaux et adopté des décrets prévoyant de nouvelles AP, qui attendent l’approbation du président.
Les bailleurs de fonds tendent à se tourner plutôt vers le pays voisin, Madagascar, qui est la plus ancienne île au monde et une véritable corne d’abondance de biodiversité. Les îles comoriennes, nées de l’activité volcanique océanique, sont plus jeunes de plusieurs millions d’années. Le Kartala, un volcan actif qui est le point culminant de la Grande Comore, l’île la plus grande et peuplée de l’archipel, en est un rappel saisissant.
Un sanctuaire pour la ponte des tortues vertes
L’île de Mohéli (ou Mwali) s’étend sur 211 kilomètres carrés et est la plus petite et la moins peuplée du pays avec seulement 50.000 habitants sur un total de 870.000. En 2001, le village d’Itsamia a été intégré au parc marin, qui a réuni dix réserves marines gérées par les communautés de Mohéli, ce qui représentait 404 km² d’océan, soit la moitié de New York. En 2015, le gouvernement a changé sa désignation pour en faire le parc national de Mohéli.
« Nous étions là avant le parc, affirme Dhoihirdine Ahmada Bacar, qui a aidé à la création de l’Association pour le développement socio-économique d’Itsamia (ADSEI). Nous empêchions les gens de l’extérieur du village de venir et de braconner les tortues. »
Mohéli est parmi les plus grands lieux de ponte des tortues vertes (Chelonia mydas) de l’océan Indien. Le récif frangeant et les herbiers marins de l’île forment des zones de nourrissage parfaites pour les tortues vertes, les tortues imbriquées (Eretmochelys imbricata), une espèce en danger critique d’extinction, ainsi que les dugongs (Dugong dugong). Les tortues visitent l’île tout au long de l’année, tandis que les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) peuvent être aperçues dans les eaux comoriennes de juillet à novembre. On peut également y trouver des cœlacanthes, des poissons très rares qualifiés de « fossiles vivants » et longtemps considérés comme éteints.
Mohéli et Anjouan sont parallèlement le dernier bastion de roussettes de Linvingstone (Pteropus livingstonii), une espèce de chauve-souris géante dont l’envergure peut atteindre 1,40 mètre. Le sort de cette espèce en danger critique d’extinction repose sur la survie des quelque 1.200 individus qui privilégient les forêts montagneuses des deux îles. Il y a deux ans, la totalité de Mohéli est entrée dans la liste des réserves de biosphère de l’Unesco.
Pour D. A. Bacar, l’extension de la protection apportée à Mohéli a eu un avantage majeur : une plus grande prise de conscience de la nécessité de...Lire la suite sur Les Echos Planète
Photo : Des enfants jouent avec une tortue adulte à Itsamia. Dans les années qui ont suivi la création de l’AP, les chercheurs ont enregistré une multiplication par cinq du braconnage de tortues sur les plages à l’extérieur du parc. Image reproduite avec l’autorisation de l’ADSEI
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