Tout part, me raconte Muhammad, qui est devenu un de mes proches plus tard, d’une discussion avec l’é..Une mosquée le vendredi, une église le dimanche
Une mosquée le vendredi, une église le dimanche
Ce n’est ni une blague, ni le titre d’un film hollywoodien. C’est une vérité vraie, que les musulmans et les chrétiens d’une petite ville de la banlieue parisienne, appelée Brie Comte Robert, vivaient en 2002. J’en étais un des témoins privilégiés, puisque tout en étant étudiant - je commençais ma maîtrise à l’époque - les musulmans de Brie m’avaient choisi comme imam des vendredis seulement, devant aller en cours les autres jours de la semaine.
Tout part, me raconte Muhammad, qui est devenu un de mes proches plus tard, d’une discussion avec l’édile de cette commune auprès de qui ils ont formulé une demande de salle pour pouvoir, à l’occasion du ramadan, se réunir et accomplir les prières du soir - les fameuses tarāwīh. Il les a éconduits en leur disant: « Allez voir le prêtre! ». Muhammad et son groupe d’amis se disent: « Et si on allait vraiment voir le prêtre! ». Ils partirent à sa rencontre, lui racontèrent leur mésaventure avec le maire et il décida de leur donner une salle attenante à l’église pour d’abord tous les vendredis.
Ainsi avions-nous une mosquée le vendredi et une église le dimanche. Je ne me rappelle plus le nom de ce prêtre, mais jusqu’à la fin de ma vie, je prierai pour cet homme de foi, qui m’a donné foi en l’humanité et au vivre-ensemble. Cela remonte à 2002, soit quelques mois seulement après les attentats du 11 septembre, qui, aux dires des spécialistes-réalistes, marquèrent un tournant dans le regard du monde occidental sur l’islam et les musulmans.
La réalité est pourtant plus complexe et plus nuancée que ne la présentent ces médicastres, huttintoniens et les fous furieux vivant en dehors de la France, par exemple, qui prétendent mieux connaître ses réalités que ceux qui les vivent au quotidien. La réalité est que musulmans et non-musulmans vivent en paix, constamment les uns à côté des autres. La réalité est qu’ils font des choses ensemble, galèrent ensemble, se réjouissent et souffrent ensemble, des mêmes joies et des mêmes peines.
Certains médias, atteints du virus du buzz, ont fait le pari de ne montrer que ce qui ne va pas, de ce qui stigmatise, de ce qui déshonore, de ce qui divise. Et certains politiques, en panne d’idées et de projets, leur ont emboîté le pas, sans aucune volonté de regarder la complexité de la vie.
Dans ce tohu-bohu, de mauvaise fois, d’ignorance crasse et d’incompétence, des idées fumeuses naissent - comme l’islamo-gauchisme, l’exacte remake du judéo-bolchevisme des années noires de la France - sans que cela n’émeuve grand monde. Pire, elles ont pignon sur rue. Je me demande comment nous regarderont les futures générations et quel jugement elles auront sur nous.
Bref, tel est le monde, réellement, et tel est faussement ce qu’en disent certains médias. Les relais alternatifs ne sont pas en reste, dans la désinformation et le grossissement des épiphénomènes. Il faut pour s’en préserver regarder vraiment ce qu’on vit réellement.
Certes, lorsqu’un ministre s’enorgueillit d’avoir fait fermer des mosquées, sans s’imaginer une seule seconde ce que cela renvoie comme image aux premiers concernés, les Français musulmans, que des associations, avec lesquelles on peut ne pas être d’accord voire pas du tout, sont dissoutes pour des motifs plus que discutables - une maison d’édition au discours passéiste, totalement anachronique, qui m’insultait copieusement, pourtant, a été dissoute, que j’aurais voulu combattre par les idées, pas par les biceps, ni des lois - on est en droit de douter, lorsqu’on est musulman. Si vous ajoutez à cela le mouton frit, « les béliers prétendument volés pendant le ramadan » et le « plus grand sujet de ce siècle » qu’est le burkini, vous avez la totale.
Et pourtant, ce n’est rien comparé à ce qu’on vit comme bonheur au quotidien. Il y a du racisme, en France. Ce n’est pas nouveau. J’ai même envie de vous dire: N’y en a -t-il pas ailleurs? Ce qui me gêne, c’est qu’on est donneur de leçons.
Autrement, des médecins, des avocats, des ingénieurs etc de confession musulmane continuent de sortir des universités et des grandes écoles françaises. Des mariages se font, par milliers, entre les Français, indépendamment de leurs origines, voire de leurs orientations religieuses. À Saint-Etienne de Rouvray, où le père Hamel, a été assassiné par des terroristes, le terrain sur lequel est construite la mosquée est une partie du terrain de l’église de cette ville.
Quittons donc le petit écran pour voir combien nous faisons ensemble, mettons les saillies des politiques à leur vraie place, la poubelle de l’histoire. La vie n’en sera que plus vraie et plus belle. Voilà pourquoi une mosquée le vendredi, une église le dimanche.
Très humainement vôtre.
Mohamed Bajrafil
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