Le dialogue de Boléro ? Une histoire sans queue ni tête Franchement, qu’a-t-il fait le peuple comorien au bon Dieu pour qu’il soit frappé de...
Franchement, qu’a-t-il fait le peuple comorien au bon Dieu pour qu’il soit frappé de cette espèce de malédiction qui fait que, depuis bientôt trois décennies, chaque fois qu’il s’apprête à sortir la tête de l’eau, il vient buter sur le jeu de poker menteur du couple Azali/Boléro ? Diable ! Par quel tour de magie, parviennent-ils à faire tourner en bourrique des acteurs politiques sains d’esprit et autres observateurs que l’on croyait avertis, mûrs politiquement et intellectuellement ?
Après le coup d’État militaire de 1999, les tours de passe-passe électoraux de 2002 et 2016, le coup de bluff des assises dites nationales, la vraie-fausse révision constitutionnelle de 2018, la mascarade électorale de 2019 et j’en passe, les voilà qui s’apprêtent à revenir à la charge aux fins de parachever le processus de pourrissement et d’éclatement du pays. Dialogue ! Dialogue ! Le prétexte est ainsi trouvé. Jamais le vocable de dialogue n’aura fait autant parler de lui dans le microcosme politique comorien.
L’appel de Boléro ressemble, en fait, à un chant de sirène, à l’image de l’Odyssée d’Ulysse, destiné à démobiliser l’opposition à l’approche de la chute inéluctable du régime. La mélodie est tellement envoûtante et séduisante qu’il est difficile, pour les naïfs, d’y résister. Il est curieux de constater que certains hommes politiques semblent succomber à la tentation du ‘’dialogue’’, cette histoire sans queue ni tête, au point qu’ils en posent les conditions et le format avant même de connaître l’objectif. N’est-ce pas là placer la charrue devant les bœufs ?
Un dialogue pourquoi faire ? Telle est la vraie question. Bien malin qui pourrait déceler dans le fameux appel de Boléro le moindre début de réponse. On dirait sinon une opération diversion, du moins un miroir aux alouettes visant à attirer l’opposition et la société civile dans un guet-apens. Pour être convaincant, il donne en exemple les fameux accords de Fomboni, oubliant que les contextes et les enjeux ne sont pas comparables. Jadis, le but était connu : mettre fin à la tentation séparatiste anjouanaise. Aujourd’hui, dans quel but veut-on tenir des assises ? Silence radio. Le mystère plane.
C’est normal, car avec Boléro, il y a toujours anguille sous roche. Cherche-t-il alors à organiser un marché de dupes à l’image des fameuses assises nationales qui, sous prétexte de faire le bilan des années d’indépendance, étaient destinées à renverser l’État de droit en gestation et donner un coup d’arrêt à la démocratie? Car, pour les forces se réclamant de la résistance, l’impératif de l’heure est de contraindre ce gouvernement autoritaire, illégitime et illégal à renoncer à son rêve fou de se maintenir éternellement au pouvoir vaille que vaille.
Mais, dans cette hypothèse, s’il s’agit de négocier l’abdication et le départ d’Azali de Beitisalam pour laisser libre cours à la présidence tournante, qu’est-ce qui empêche le dictateur de l’annoncer lui-même ? Ce qui est amusant c’est, en plus de la grandiloquence et des phrases pompeuses dont Boléro fait usage pour convaincre du bien-fondé de sa démarche, la mise en avant de son curriculum vitae pour faire valoir sa supposée crédibilité d’homme d’État. N’est pas pas Homme d’État qui veut, comme disait l’autre. À propos, pourquoi l’académie française ne distingue pas Homme d’ État et homme de l’État, à l’instar de l’ancien premier ministre Lionel Jospin quand il faisait la nuance entre affaire d’État et affaire de l’État ?
Tout se passe comme si l’étalage des titres professionnels suffirait à nous impressionner et faire oublier que Boléro est comptable des malheurs qui s’abattent sur le pays du fait de la dictature et de la mise de l’État en coupe réglée. Quel culot que d’oser se poser en donneur de leçon d’éthique républicaine, après avoir contribué ou même initié la culture de la corruption et du carriérisme politique ! N’est-ce pas lui qui, toute honte bue, ne s’est pas gêné de prendre congé de son parti, la CRC, pour rallier un Ikililou Dhoinine qu’il a combattu pendant la campagne électorale, moyennant un strapontin dans le cabinet présidentiel ?
N’est-ce pas lui qui, en tant que collaborateur du président Ikililou Dhoinine, a organisé le tripotage de l’esprit et la lettre de la loi électorale, ainsi que toutes les manigances subséquentes pour faire élire Azali en 2016 ? Comme pareillement en 2002 quand il avait roulé dans la farine les challengers du colonel Azali, en l’occurrence Mahmoud Mradabi et Said Ali Kémal. Il faut que la vérité sur les deux personnages soit dite : Azali et Boléro, même combat et mêmes méthodes.
Il ne faudrait pas avoir la tête sur les épaules pour engager une quelconque tractation avec des gens sans convictions, ni principes, et qui plus est animés d’un esprit foncièrement anti-démocratique. Si Azali Assoumani entend céder le pouvoir pour laisser tourner la présidence tournante, qu’il le dise haut et fort, pour que sous la supervision de la communauté internationale puisse se mettre en place un dispositif de transition à l’effet de restaurer et la constitution de 2001 et les institutions correspondantes.
Si dialogue national il y a, ça devrait être logiquement après le départ d’Azali, et ce dans le triple objectif de rétablir le pacte républicain, rééquilibrer notre modèle institutionnel et instruire le procès du régime.
Par Youssouf Boina - photo d'archives (Bolero, Azali et Dossar)
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