Non, pas de pensée unique ni police de la pensée ! Que vive la liberté d'expression ! N'en déplaise aux apprentis sorciers de la dic...
N'en déplaise aux apprentis sorciers de la dictature, Azali, quoi qu'il fasse, devra partir de Beitisalam de gré ou de force. Si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain, et le peuple aura sa peau. Sans verser dans un optimisme béat, toutes les conditions sont presque réunies pour qu'on l'envoie bientôt au diable. Pour puissant qu'il soit, un tyran ne peut pas survivre longtemps au rejet massif de son peuple.
Il n'y a pas de raison qu'il en aille autrement dans notre pays. Jamais, avant lui, un président comorien n'a été aussi haï et humilié par son peuple au point que les gens le fuient comme le coronavirus ou la peste. Que ce soit dans les mosquées, les places publiques ou les festivités mondaines, il est déclaré persona non grata. À Anjouan, histoire de sauver quelque peu les apparences, il est contraint de brandir la carotte et le baton pour faire descendre quelques centaines de paumés et d'affamés à l'aéroport de Ouani.
Qu'à cela ne tienne, l'impopularité extraordinaire du colonel Azali a tellement battu les records que nos partenaires commencent à s'inquiéter des tensions et conséquences dévastatrices que cela peut entraîner à court et à moyen terme. En écoutant les adieux de l'ambassadeur américain ou les conseils prêtés à Emmanuel Macron lors de la dernière visite du dictateur à Paris, on comprend que, malgré leur habillage diplomatique, certains partenaires étrangers essaient de le ramener à la raison et le pousser à partir en douceur.
Realpolitik oblige, à un an de l'élection présidentielle, le gouvernement Macron ne peut pas se mettre à dos la force électorale que représente la diaspora comorienne. Et ce sans compter les risques géopolitiques que cette situation est, hélas, susceptible d'engendrer à la longue, en termes de terrorisme et de basculement des Comores dans le giron des grandes autocraties mondiales. Conscient des enjeux, le dictateur joue sa dernière carte en tentant d'embobiner les dirigeants de l'opposition. Et, comme en 2002 ou en 2006, c'est Boléro qui serait à la manœuvre pour les rouler une nouvelle fois dans la farine et ramener comme d'habitude le pays en arrière.
Dans ce contexte, au lieu de déjouer les pièges de la manipulation et de la division qui lui sont tendus par Azali et ses porte-flingues, une partie de l'opposition semble tentée de mordre à l'hameçon empoisonné. Après l'improvisation chaotique des gouvernements en exil, des rumeurs persistantes laissent entendre que certains leaders seraient prêts à accepter l'offre du soit disant dialogue, sans ni conditions préalables ni intercession de la communauté internationale. Le plus embêtant est que notre élite politique ne supporte pas le débat démocratique et encore moins la critique.
Elle donne la fâcheuse impression de confondre l'intérêt général et la fierté personnelle des leaders. Pour s'en persuader, il suffit d'observer la polémique à laquelle a donné lieu la formation pléthorique des gouvernements en exil. Un vrai pavé jeté dans la mare de l'opposition. Au nom de quoi voulez-vous vous arroger le droit d'entraver la libre formulation d'idées qui vous semblent gênantes ? Au nom de quoi n'aurait-on pas le droit de s'inscrire en faux contre une initiative qui paraît hasardeuse et contre-productive ?
Non, il faut vite crever l'abcès de ce que les politistes et observateurs appellent la pensée unique ou la bien-pensance. Les Comoriens ne veulent pas tout simplement déshabiller le dictateur Azali pour habiller un autre de même acabit. Si tel était le cas, les Comores ne seraient pas sorties de l'auberge et la lutte contre la dictature n'aurait aucun fondement. Le débat contradictoire est le carburant de la démocratie. À défaut d'idées et d'échanges, le système ne peut pas fonctionner. Le combat contre Azali est d'abord et surtout une bataille contre un système de pensée et d'attitudes attentatoires à la liberté intellectuelle. Voilà pourquoi on doit se dire tout sans police de la pensée ou de la parole.
Youssouf Boina, ancien SG du parti UPDC (A gauche photo)
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