Du fin fond du classement mondial en 2013 aux portes de la Can en 2021, les Comores ont opéré une réelle révolution. Et, en cette fin du moi...
Du fin fond du classement mondial en 2013 aux portes de la Can en 2021, les Comores ont opéré une réelle révolution. Et, en cette fin du mois de mars, les Comoriens ont rendez-vous avec leur histoire.
« Ce serait immense, historique, magique, pour un petit pays comme le nôtre ! » Les qualificatifs manqueraient presque à Fouad Bachirou. Le milieu de terrain de Nottingham Forest (D2 anglaise) ne cache pas son émotion au moment d’évoquer l’équipe nationale des Comores, dont il est l’un des principaux cadres depuis 2014.
Les Comoriens sont proches d’un réel exploit, alors qu’ils disputeront dans quelques jours deux matchs qualificatifs pour la Coupe d’Afrique des nations 2022 : face au Togo, le jeudi 25 mars, puis l’Égypte, le lundi 29. Deuxièmes, ils ont besoin d’un petit point pour obtenir le tout premier billet de leur histoire pour une grande compétition internationale.
Un coach qui a tout changé
Pourtant, le destin de cet archipel de l’Océan Indien ne le destinait a priori pas à briller. Affiliée tardivement à la Fifa, en 2005, la fédération comorienne a longuement vu son équipe végéter au fin fond du classement mondial. Fin 2013, elle était 198e... « Depuis, on a fait un bond énorme », souligne Fouad Bachirou, 30 ans. Les Comores sont désormais 130e.
Le tournant est intervenu en 2014, quand Amir Abdou a été nommé sélectionneur. S’il n’était alors pas le premier choix, celui qui entraînait au niveau régional dans le sud de la France a obtenu le poste et révolutionné la manière de travailler. « Il a apporté de l’exigence et de la professionnalisation, résume Ali M’Madi, 30 ans, l’attaquant franco-comorien du Tours FC (N3). Depuis, on n’a pas cessé de progresser. »
Des joueurs formés en Europe, beaucoup en France, ont notamment peu à peu intégré l’effectif. « Il a réussi à attirer beaucoup d’expatriés alors qu’auparavant, c’était uniquement des joueurs qui évoluaient aux Comores, nous confiait ainsi en 2019 Chaker Alhadhur (Châteauroux, Ligue 2), actuellement blessé. Je ne dis pas que le championnat du pays est nul, mais c’est sûr que c’est différent… Maintenant, il n’y a quasiment que des joueurs qui jouent en Europe. »
Fouad Bachirou poursuit : « Ayant aussi grandi en Europe, Amir Abdou a apporté une organisation différente, notamment au niveau de la rigueur et des choix tactiques. Nous, les Comoriens, on n’est pas les plus privilégiés sur l’aspect physique, mais techniquement et tactiquement, on a beaucoup bossé ces dernières saisons, en nous appuyant sur nos années passées dans les centres de formation européens. »
"Nous, les Comoriens, on n’est pas les plus privilégiés sur l’aspect physique, mais techniquement et tactiquement, on a beaucoup bossé ces dernières saisons."Fouad Bachirou
« Il nous fallait juste du temps et du travail »
Au niveau du jeu, cela s’est traduit en plusieurs temps. « Le coach a rapidement imposé ce qu’il voulait. On a d’abord travaillé sur la solidité défensive, en jouant parfois très bas. On a fait le dos rond pendant quelques années, avant de commencer à prendre de plus en plus confiance sur l’aspect offensif. Désormais, on essaye de jouer un football attractif. Et on s’appuie surtout sur notre solidarité, car on est tous très proches. » Interrogé récemment par la Fifa, l’entraîneur Amir Abdou résumait ainsi la force de son groupe : « Il ne suffit pas d’avoir des joueurs fantastiques. Si votre groupe est sain et travailleur, et qu’il n’y a pas de problème d’égos, vous pouvez avoir les mêmes résultats qu’une “ dream team ”. »
Le Tourangeau Ali M’Madi ajoute : « Notre niveau actuel ne me surprend pas, car on connaissait nos capacités. Il nous fallait juste du temps et du travail. » De campagne en campagne qualificative, les Comores ont ainsi progressé dans les différents classements, ratant de peu la Can 2019 avant d’être aujourd’hui très proches de l’édition 2022.
"Notre niveau actuel ne me surprend pas, car on connaissait nos capacités. Il nous fallait juste du temps et du travail."Ali M'Madi
« C’est un enthousiasme particulier »
L’engouement autour de la sélection a également connu un boom. « Je n’ai pas de mot pour le décrire, soulignait Ali M’Madi en novembre, après la victoire très importante contre le Kenya (2-1). Il faudrait en inventer un ! » Fouad Bachirou développe : « Quand on arrive à l’aéroport, il peut y avoir plusieurs milliers de personnes ! Lors de nos venues, ça ne parle que de foot pendant une semaine. C’est un enthousiasme particulier, partagé par toute la population. Les habitants sont très fiers que leur équipe nationale défie de grandes nations africaines. Nos matchs permettent aussi aux gens de mettre sur pause leurs difficultés quotidiennes, dans un pays assez pauvre où la vie n’est pas toujours facile. On leur apporte un peu de joie et ça nous tient à cœur ! »
« Une grande fierté »
Sélectionné pour la première fois à la fin de l’année 2020, Yacine Bourhane (22 ans, Niort, L2), a pu en faire l’expérience : « C’est une grande fierté de porter le maillot du pays où mes parents ont longuement vécu, indique le milieu né en région parisienne. J’ai bien senti toute la chaleur que les habitants pouvaient nous apporter. En cas de qualification, ça représenterait énormément pour le pays et pour les joueurs qui se battent depuis des années. »
"J’ai bien senti toute la chaleur que les habitants pouvaient nous apporter."Yacine Bourhane
Léo SCHMITT ©lanouvellerepublique.fr
Journaliste, service des sports généraux
Fouad Bachirou et ses coéquipiers sont proches de leur objectif : une qualification pour la Can. © (Photo Hamza Ahamada)
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