Chayhane : «Nous nous attelons à mettre 15 milliards d’investissements publics sur fonds propres en 2021»

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Dans cette interview, le ministre des Finances étale les grandes nouveautés du budget 2021 en examen à l’Assemblée nationale et réaffirme la...


Dans cette interview, le ministre des Finances étale les grandes nouveautés du budget 2021 en examen à l’Assemblée nationale et réaffirme la volonté du chef de l’Etat de soutenir l’investissement public sur fonds propres “en attendant les appuis extérieurs”. Said Ali Said Chayhane veut faire de 2021 l’année de démarrage des caisses enregistreuses, ces nouveaux appareils qui permettront à l’Etat d’améliorer la collecte de l’impôt, la taxe sur la consommation (Tc) en particulier.

Vous avez signé récemment un arrêté conjoint avec votre collègue de l’Aménagement sur la cession des parcelles sises sur la zone de Nyumashuwa au profit du Groupe italien MCP, porteur d’un projet hôtelier. De quoi s’agit-il ?

Je voudrais vous remerciez de l’accompagnement que vous faites. Vous permettez aux uns et aux autres de suivre ce e qui se passe dans le pays et surtout d’avoir des informations bine cadrées parce que puisées à la source. Le groupe Mcp est porteur d’un projet de construction d’un hôtel dans la région de Nyumashuwa. Nous lui avons attribué le terrain, je ne sais pas pourquoi ceci pourrait poser problème étant donné que nous souhaitons aussi l’arrivée d’autres partenaires. Nous attendons faire encore davantage si cela s’avère nécessaire.

Les hôtels que nous comptons construire dans le pays, ils ne vont pas se construire dans l’air à moins qu’une nouvelle technique soit mise à disposition des opérateurs mais les hôtels seront construits quelque part. Ce qu’il faudrait se poser comme question, c’est de savoir si une étude d’impact environnemental sera faite parce que l’île de Mohéli vient d’être est déclarée comme île biosphère. Donc, il faut préserver ce cadre, il ne faut pas le détruire. Et ça, rassurez-vous, c’est une préoccupation majeure pour le gouvernement. L’arrêté consiste à attribuer à ce groupe le terrain dans lequel va construit se construire 5 étoile qui va générer beaucoup d’emplois et beaucoup de ressources au pays.

Le budget 2021 est en cours d’examen à l’Assemblée. Quelles sont ses principales nouveautés et ses principales spécificités ?


La nouveauté, c’est un retour à la normale en 2021 après deux crises : la crise Kenneth et la crise de la Covi-19. Nous avons dû revoir à la baise nos projections budgétaires annuelles qui ont fait d’ailleurs l’objet de la loi de finances rectificative. Il faut aussi dire que sur le plan de la forme, nous avons travaillé conjointement avec Afritac Sud du Fonds monétaire international sur le plan de la forme. Cela veut dire que la forme que nous avons adoptée cette année est conforme aux normes recommandées par le FMI. Dans le fond, nous avons pris en compte le Plan d’investissement public (Pip), ce qui n’a pas été le cas en 2020. Il y a aussi le Pce qui a dégagé le Plan de développement intérimaire (Pdi). Ce sont des instruments qui nous ont permis de mieux prendre en compte l’investissement public. La nouveauté, c’est que nous avons désormais un document-cadre qui nous a permis de travailler et de faire des projections proches des objectifs attendus.

A la lecture des chiffres, vous projetez des prévisions de recettes de l’ordre de 52 milliards contre 41 milliards dans la précédente loi des Finances. Qu’est ce qui peut fonder votre optimisme en 2021 ?
Je suis rassuré d’abord par ce qui se passe. Nous sentons une reprise de l’activité comme en 2018. On a réalisé 54 milliards en 2018, donc 52 milliards, ce n’est pas démesuré. Même si c’est vrai, au sortir d’une double crise, aller à 52 milliards, ce n’est pas donné mais nous estimons que nous avons les moyens de le faire et surtout au regard des résultats que nous enregistrons ces derniers temps. Il y a l’espoir de réaliser ces objectifs et même d’aller au-delà.

Cela fait quelques temps, le Programme d’investissement public (Pip) n’est pas annexé à la Loi des Finances. Comment expliquez-vous cela ? Quels sont les investissements sur ressources propres prévues en 2021 ?

Nous avons le plan de développement intérimaire qui a fixé les objectifs pour chaque ministère et les investissements à réaliser de 2021 à 2024. Nous nous attelons à mettre à la disposition du pays 15 milliards comme enveloppe de financement des investissements publics sur fonds propres en 2021. C’est quand même important. Le Pce définit pour chaque secteur les activités à mettre en œuvre. 

Nous avons une projection pluriannuelle, nous estimons que cette enveloppe va s’accroître en 2022 et en 2023. Nous sommes en train de confronter les hypothèses avec les réalisations des années antérieures pour voir la progression naturelle combinée avec les réformes, nous estimons que l’enveloppe va nous permettre de travailler main dans la main avec nos partenaires qui ont eux aussi le programme d’investissement évalué pour l’année 2021 aux alentours de 54 milliards.

Le ministère des Finances a engagé des réformes notamment à l’Agid. Il était question de la digitalisation des processus de paiement avec la mise en place des caisses enregistreuses. Où en est-on ?
Il faut voir clairement qu’il y a d’abord ce processus de digitalisation et les caisses enregistreuses, c’est une autre paire de manches. La digitalisation est en bonne voie. Déjà, nous avons le Sigit qui va permettre à beaucoup d’opérateurs de travailler à distance, télécharger la déclaration mais aussi d’envisager le télépaiement. 

Nous avons le système de paiement, c’est un projet porté par le gouvernement et financé par la Banque mondiale qui va permettre des paiements à distance, la circulation de la monnaie électronique. Nous pensons que le processus de digitalisation va s’améliorer avec l’informatisation de l’Agid. Il faut savoir que depuis l’indépendance, l’Agid a été toujours manuelle, c’est tout récemment avec le concours de la Bad que nous avons pu procéder à l’informatisation fiscale. Nous sommes en train de faire les paramétrages des caisses enregistreuses, les premiers essais se feront au courant du mois de décembre. Nous estimons que début 2021, elles seront disponibles.

Vous aviez dû faire face à une double crise. Le cyclone Kenneth et la crise de la Covid-19 avec des pertes de recettes. Comment avez-vous réussi à assurer le fonctionnement de l’Etat tout en honorant les dépenses de souveraineté liées à ces deux crises ?


Il n’y a pas de miracle en ça, il faut bien travailler. Et d’ailleurs, face à la situation, on était obligé de serrer la ceinture. Il faut d’abord remercier les services de recettes qui ont continué à travailler avec des résultats satisfaisants malgré des situations qui n’étaient pas favorables. Nous avons pris des mesures pour soutenir le secteur privé notamment au niveau de la douane et de l’Agid. C’était difficile mais nécessaire pour accompagner les opérateurs économiques. Je voudrais saisir cette occasion pour remercier nos partenaires, la Banque mondiale et le Fmi qui nous ont accompagnés, la Bad aussi et tous les pays et institutions qui nous ont soutenus.

Le Fmi a apporté 4 milliards. C’est une enveloppe conséquente qui nous a permis d’améliorer nos plateaux techniques mais aussi de prendre en charge certaines dépenses conséquentes. Donc, il faut avoir une bonne maîtrise des dépenses et savoir prioriser les dépenses, il faut une bonne mobilisation de recettes. Il est vrai que c’est problématique d’être obligé de faire à des dépenses imprévues au moment où les recettes se raréfient. On faisait moins de recettes alors qu’on était appelé à faire des dépenses. Mais Dieu merci, on a pu gérer, notre économie est débout, je pense que les bonnes mesures ont été prises au bon moment et les résultats sont aujourd’hui encourageants.

Quelles sont, sommairement, les principales réformes engagées au ministère de 2016 à nos jours et quelle est votre vision en matière de gestion des Finances publiques, quelles sont vos ambitions propres ?

La réponse revient à faire le bilan de quatre années à la tête du ministère, pour cela il faut organiser une autre rencontre car il y a beaucoup de choses à dire. Je pense qu’on peut annoncer des résultats en attendant le jour du bilan. En termes de résultats, nous avons informatisé l’Agid avec un système d’information. Au niveau des douanes, le Sydonia Word, et bien d’autres outils qui nous permettent de se mettre au même niveau que les autres pays. Il y a la régularité des salaires. Nous sommes en train de travailler avec les banques pour mettre ensemble un système qui va pérenniser cet acquis. Nous allons mettre en place un mécanisme qui va nous permettre de verser les salaires à la date convenue sans retard.

Autre résultat : le changement au niveau de ce pays. Avant 2016, et même les élections, on était financé par nos partenaires. Aujourd’hui, nous avons démontré à nos partenaires que nous avons besoin de leur accompagnement dans des secteurs vitaux. Mais les élections, nous sommes en mesure de les financer nous-mêmes. Nous avons mis en place le Fonds de consolidation des acquis démocratiques (Focad) dédié à toutes les dépenses de souveraineté. 

C’est une grande nouveauté. Nous avons aussi des investissements sur fonds propres, chaque année, l’enveloppe s’accroit, bien que 2019 et 2020, ont été marquées par des crises mais malgré tout cela, on continue à investir sur fonds propres. Et puis en termes de résultats, il y a le dynamisme dans notre coopération avec nos partenaires : la Banque mondiale, le FMI, le Fades, la Banque TDB qui est là et qui accompagne le développement du pays avec le projet de construction de l’hôpital El-Maarouf. Tous ces partenaires sont à nos côtés, il y a ce dynamisme et une sorte donc cette confiance. Ce sont donc des exemples et qui sont un avant-gout du bilan que nous pouvons faire prochainement.

Les retraités accusent souvent le gouvernement de les maltraiter avec des retards de paiement de leurs pensions. Quel est le vrai problème aujourd’hui à la Caisse de retraites et que comptez-vous y remédier ?

Ce problème est revenu pendant la période de la Covid. La caisse de retraite perçoit des cotisations, certains n’étaient pas en mesure de cotiser. Des sociétés qui étaient au chômage partiel. Il y avait donc un problème de cotisation, la caisse avait des difficultés à mobiliser toutes les cotisations nécessaires pour assurer les pensions. Nous avons amélioré les cotisations, nous sommes passés de 130 millions mensuels à 180 millions pour permettre à la Caisse de respirer et faire face à ses obligations, combler ce déficit de cotisation. J’ai eu des discussions avec une commission de ces retraités, ils ont pris connaissance du problème et des dispositions prises par le ministère. La Caisse de retraites a commencé petit à petit à s’acquitter de ses obligations, et nous continuerons à la soutenir.

Une nouvelle banque ivoirienne s’apprête à s’installer prochainement à la BIC. La filiale de Bnp va quitter les Comores après près de 40 ans. Comment vivez-vous cet épisode ?

C’est regrettable de voir partir un partenaire avec lequel on a travaillé durant 40 ans. Mais c’est quand même une bonne nouvelle parce que ce n’est pas à l’issue d’un contentieux quelconque que nous nous séparons de la banque. La BNP est en train de se restructurer, elle a envisagé de fermer certains de ses agences en Afrique y compris celle des Comores. Suite à cela, le Groupe ivoirien Atlantic Banque s’est prononcée favorable pour acquérir les parts d’actions de la Bnp, c’est une bonne nouvelle, c’est une banque très dynamique. Déjà, les délégations commencent à venir. Pour nous, c’est une bonne nouvelle que finalement que la Bic a pu obtenir un partenaire. Ce partenaire, c’est un banquier car nous avons une amère expérience à la Bdc où on a eu affaire avec un non banquier qui n’ pas pu produire les effets escomptés.

Justement, le Groupe français Duval a jeté l’éponge à la BDC. Comment est-on arrivé là ? Et que compte faire le gouvernement pour sauver la banque d’une crise de liquidité ?

Duval est parti, c’est une réalité là. Duval a pris des engagements dans son business plan qui portait sur des investissements à réaliser pour soutenir la Bdc. Nous avons attendu très longtemps, on n’a pas pu venir ses promesses. On n’a pas pu trouver un compromis, on a préfère se séparer dans la paix et l’amitié et cela s’est passé très amicalement. Il y a eu une assemble générale qui consacré ce départ. Nous sommes en train de voir comment acquérir des parts d’action avant d’identifier un autre partenaire qui les reprendra, nous, non plus car l’Etat n’a pas vocation à de prendre la totalité de ses parts d’action, nous avons déjà acquis celles de la Banque européenne d’investissement. Nous sommes en train de négocier les parts d’action du groupe Duval avec un partenaire du secteur bancaire. Nous sommes prêts à travailler avec le groupe Duval dans des secteurs dont il a de réelles compétences.

Vous êtes un pilier du régime, quel diagnostic faites-vous sur l’état de la Mouvance. Quel regard portez-vous sur la situation politique, je veux surtout parler des assauts de l’opposition?

La mouvance est là et solide. Nous travaillons mains dans la main avec tous nos alliés politiques. Il n’y a pas de remarques particulières. Sur les agissements de l’opposition, je pense qu’il est temps de nous dire la vérité. Le débat politique doit se façonner, on ne peut pas rester dans des débats stériles avec des thèmes qui n’intéressent personne. Le départ de ceci et l’entrée de cela, je pense que c’est un débat anachronique.

C’est-à-dire ?

Je crois que le débat politique doit porter sur des thématiques qui pourraient intéresser les Comoriens. Je crois que ce sont parmi les raisons qui ont fait que beaucoup de nos citoyens se sentent désintéressés. Parce que justement le débat n’est pas intéressant. Il y a des chantiers, une vision, un plan intérimaire. Le débat doit se focaliser sur le développement de notre pays. Il fallait dire que moi, à la place du président Azali, je propose cela. L’opposition qui était au pouvoir jusqu’en 2016, a été battu par l’actuel régime qui était à l’opposition en 2016. Nous n’avons pas joué la politique de la chaise vide, on n’a pas boudé les urnes. Nous avons posé un plan de développement de ce pays. 

Le débat doit tourner autour de la vision de l’actuel président mais personne ne veut entrer dans ce débat tout simplement parce qu’ils savent que les Comoriens auront tendance à leur demander un bilan. Le débat doit changer de nature. Il y a beaucoup d’ultimatum, comme la date du 23 novembre qui a été retenue comme la fin de quelque chose, soit du pouvoir ou de l’opposition, nous sommes le 24, je ne sais pas si c’est l’opposition qui est partie.

Et par rapport à votre vision sur l’emploi-jeune ?

Je voudrais revenir sur un aspect très important à clarifier et qui parait comme un tabou pour certains et pourtant c’est une question qui mérite une réflexion. Il s’agit du fameux slogan un jeune, un emploi. Un jeune, un emploi, cela ne veut pas dire que l’Etat va créer un moulin à emplois, les compter jusqu’au nombre de jeunes et venir à la place publique et siffler pour appeler les jeunes à venir récupérer leurs emplois. Non. Ce sont des opportunités que nous allons créer à la disposition de tous ceux qui veulent travailler notamment les jeunes.

Nous allons leur offrir des opportunités d’emplois. Il y a des opportunités réelles qui sont créées par le gouvernement : le projet Pidc, le projet Facilité emploi. Le gouvernement est à la cherche d’autres opportunités pour les mettre à la disposition des jeunes, il appartiendra aux jeunes de les saisir. Il faut croire, ce pays a des potentialités. Nous importons tout, y compris des produits qui pourraient être produits sur place.

Qu’est ce qui nous empêche de produire des balais ou des cure-dents, nous avons la matière grise. Qu’est-ce que nous attendons pour développer des filières d’élevage intensives pourtant nous importons des cabris de la volaille. Pendant la période des festivités, va compter le nombre de boissons consommées, pourquoi ne pas les produire sur place. Il y a des opportunités, il faut y croire, il faut de la volonté, de l’énergie pour pouvoir transformer nos défis en opportunités et je crois, qu’avec la grâce d’Allah, nous pourrons relever les défis du développement, mettre le pays sur la voie du progrès et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.

Propos recueillis par A. S. Kemba

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