Mémoire d'une Nation Après le décès du Dr Saïd Mohamed Cheikh - premier président du gouvernement des Comores dans l'Autonomi...
Mémoire d'une Nation
Après le décès du Dr Saïd Mohamed Cheikh - premier président du gouvernement des Comores dans l'Autonomie Interne –, survenu le 16 mars 1970, son opposant feu prince Said Ibrahim, avec l’aval du parti Vert majoritaire pourtant, fût son successeur.
Deux ans, le 12 juin 1972, quasi sans élu et ne comptant principalement que sur les députés Maore du Mouvement Populaire de Mayotte, il n’échappera pas inéluctablement à la motion de censure des députés enclins à l’indépendance qu’il ne voulait pas.
Un autre prince Saïd Mohamed Jaffar, successeur d’une durée éphémère de peu de mois, se trouva contraint de démissionner face à une chambre des députés vent debout pour se débarrasser des 134 ans de colonisation avec comme chef, le vrai dauphin du Président Said Mohamed Cheikh, fondateur du parti UDZIMA (unissant UDC et le RDPC), cumulant député local et Sénateur au Palais de Luxembourg : Ahmed Abdallah Abderemane, premier milliardaire comorien, un homme qui a su faire lier politique et les affaires est élu Président du Conseil de Gouvernement.
Cette effervescence politique trouve son explication dans l’affrontement de deux courants: l'un plaidant donc pour une indépendance à cours terme, et l'autre estimant que les conditions n'étaient pas réunies et que par conséquent cela serait une aventure périlleuse et sans lendemain.
Ici se coalise c'est le clan représenté par le prince Saïd Ibrahim et regroupant en son sein l’ancien du RDPC Mouzawar Abdallah, Mranda d'Ali Soilihi et le Mouvement Populaire de Mayotte de Inoussa Bamana et Marcel Henry. Pro français, ce conglomérat, se voulant démocratique et progressiste, et regorgeant des cadres fraîchement sortis des écoles formatés à l'image d'une vision occidentale de la chose publique, se constitue d'une bonne partie de l'éminence grise du pays de ce temps là .
Ici aussi, et toutefois, la vieille garde « conservatrice » reposée sur le socle des traditions et coutumes, et bénéficiant d'un soutien bienveillant de la notabilité et des Ulémas prend largement le dessus avec comme chef de fil donc le nouveau président du Conseil de Gouvernement Ahmed Abdallah Abderemane. En 1972, sans délai, ce dernier engage les pourparlers avec Paris. Ainsi, l’accord du 13 juin 1973 est signé par Ahmed Abdallah Abderemane et Bernard Stasi, Secrétaire d’État à l’Outre – Mer, fixant les conditions d'accession de l’Archipel des Comores à son indépendance dans ses frontières héritées de la colonisation.
Le 22 décembre 1974, le référendum d'autodétermination des Comores à l'indépendance, - mais au fond pour la puissance coloniale ce n’est qu’une consultation -, s'est tenue dans la plus grande transparence. Le résultat fût sans appel 93,7/% pour le Oui. C’est une véritable claque, une humiliation, un rejet de l'influence coloniale ... une rupture brutale avec le cordon ombilical . Heurtée, frustrée et touchée dans son amour propre, l'administration coloniale décide de passer à l'offensive en prônant, contre toute attente, un décompte île par île des résultats, en allant à contre sens de l'histoire des décolonisations pour briser ici, sans scrupule, le sacro-saint principe des Nations Unies relatif à la décolonisation.
C'est alors qu’il sort – dans la fierté unanime de la très grande majorité des Comoriens, la réponse du berger à la bergère : Ahmed Abdallah Abderemane prend le devant et proclame l’indépendance unilatérale le 6 juillet 1975. Sous une reconnaissance rapide de la communauté internationale, le nouvel État comorien, aussitôt admis comme membre de l’OUA se voit désigné d’occuper l’un des postes de Vice -présidence grâce au dynamisme de feu Ali Mroudjae son ministre des affaires étrangères, qui, sans attendre, engage parallèlement en bonne voie la perspective d’adhésion prochaine à l’ONU lors de sa session ordinaire prochaine d’automne.
La puissance coloniale, n'ignorant absolument rien des positions diamétralement opposées de deux camps, va manipuler le camp adversaire pour le pousser à la faute et d'effrayer par la même occasion une porte de sortie faisant d'une pierre deux coups. D’une part, elle va sanctionner Ahmed Abdallah Abderemane pour son affront relatif à la proclamation unilatérale de l'indépendance en l'écartant du jeu au profit de son frère ennemi le prince Saïd Ibrahim lui aménageant la prise du pouvoir par un coup d’Etat le 3 Août 1975 dont les tenants et aboutissants sont élaborés dans les arcanes du pouvoir de la République Française et l'exécution couvert par le Haut commissaire de la République Française en poste à Moroni qui demande à la garde présidentielle de garder armes au pied.
C’est ainsi que Ali Soilihi ne rencontre aucune résistance pour renverser Ahmed Abdallah Abderemane. L'argument du coup d’Etat sera l'élément justificatif avancé par le MouvementPopulaire de Mayotte dans le rétropédalage : la bande à Marcel Henry rétorque à Ali Soilihi, en le trahissant, qu'elle ne peut pas prendre part à un gouvernement issu d'un coup d’Etat.
Voilà comment l’Etat comorien a été manipulé de bout en bout par Valérie Giscard d'Estaing, celui qui criait - à gorge chaude - que la France n'a pas vocation à briser l'unité d'un Archipel indivisible symbolisé par l’unité linguistique, culturelle, religieuse et historique. Quelle vérité de la palisse !
Trompé, manipulé abusivement et trahi honteusement Ali Soilihi, homme de caractère, a su relever le défi de comportant en un véritable homme orchestre. Il a su trouver les ressources nécessaires pour faire face à la nouvelle donne qui se présente à lui en se tournant vers l'International socialiste qui accepte la main tendue grâce à une volonté inégalée, à une détermination sans commune mesure et une intelligence au-dessus de la moyenne.
Il réussit son pari fou et oblige Paris d’ordonner l'irréparable : son éviction comme seule condition de le stopper dans son élan de faire de Comores un modèle de référence. Aujourd’hui elles pataugent dans un sable mouvant marécageux tout en tenant des doigts du pied la solution à leurs problèmes. Vous avez dit bizarre ? Pas le moins du monde
Kamal Abdallah
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