Cela fait trop longtemps que la société comorienne subit les revers des dysfonctionnements de l’institution judiciaire. Celle-ci désespèr...
Cela fait trop longtemps que la société comorienne subit les revers des dysfonctionnements de l’institution judiciaire. Celle-ci désespère les citoyens, provoque le désarroi et pousse à la méfiance.
Alors qu’on s’attendait à ce que la justice soit impartiale et équitable, elle est tout l'inverse aux Comores. Les décisions qu’elle rend sont fonction de la position du justiciable. Elles varient suivant que vous êtes riche ou pauvre, proche du pouvoir ou dans l’opposition.
Nous sommes actuellement en présence d’un cas de figure caricaturale de la justice des puissants décrite par Jean de La Fontaine au 17 ème siècle dans « Les animaux malades de la peste »: "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".
Cette tendance s’étant accentuée ces dernières années, la justice comorienne n'a jamais été à ce point décriée, accusée d'être le bras armée du gouvernement.
Le traitement de l'ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, un opposant redouté, poursuivi dans le cadre du dossier de la Citoyenneté économique, rappelle à tous nos méthodes de République bananière.
En vérité, personne n'est contre le fait que l'ancien président soit jugé et même condamné s'il le faut. C'est un citoyen comme vous et moi. Seulement son statut de principal opposant au régime ne devait pas lui valoir un traitement spécifique.
Or, du rapport soi-disant parlementaire à la dernière décision de la Cour suprême sur sa demande de libération en passant par les divers actes administratifs sur sa détention, le rôle nuisible joué par le pouvoir politique a été ostensiblement revendiqué.
Les magistrats, du parquet comme ceux du siège ont jusqu'ici beaucoup de mal à se détacher des déclarations publiques des membres du gouvernement et de leurs proches.
Par conséquent, le procès à venir comme le jugement qui en sera issu semblent déjà biaisés. Car ils seront vus comme ceux d'une justice aux ordres, incarnée par des juges corrompus, téléguidés par ceux qui les ont nommés. Le colonel Azali n’a-t-il pas déjà affirmé publiquement attendre la condamnation de Sambi pour ensuite lui accorder la grâce présidentielle ? Comment aurait-il pu imaginer qu’il y aurait condamnation si ce n’est pas lui le véritable « juge » qui décide de tout dans cette affaire ?
Cette situation est tout simplement scandaleuse dans un pays qui aspire à la démocratie et au développement. D'où l'urgente nécessité d'une réforme profonde de notre système judiciaire. Du bas jusqu'au plafond. Du planton jusqu'au plus haut gradé de l'échiquier.
Le statut des magistrats, le mode de recrutement, les formations, les salaires, l'évolution des carrières, l'organisation de la profession... et surtout le lien avec les pouvoirs exécutif et législatif.
Ce lien apparaît clairement comme le principal fléau qui ronge notre système judiciaire et plus généralement toute la société comorienne.
Il s'agit d'un grand changement du système qui ne peut pas être le résultat d'une réflexion bancale limitée au camp du pouvoir. Sinon on risque de reproduire la bêtise des assises qui, au lieu d'apporter un remède, a amplifié les maux.
Pour y parvenir il faudra une concertation nationale incluant tous les acteurs judiciaires, les citoyens et les politiques. Accordons-nous aujourd'hui pour dire que l'enjeu est de taille. L'avenir du pays et de la population en dépend. Si on veut bâtir une société juste et prospère, les options ne sont pas légion. L'appareil judiciaire demeure le premier verrou à faire sauter.
Ali Mmadi
Ali Mmadi
COMMENTAIRES