Dr Mboreha : « Un gramme de prévention vaut mieux qu’une tonne de traitement »

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(Un gramme de prévention vaut mieux qu’une tonne de traitement) Par Dr. MBOREHA Youssouf Mohamed* La pandémie du coronavirus tomb...

(Un gramme de prévention vaut mieux qu’une tonne de traitement)

Par Dr. MBOREHA Youssouf Mohamed*

La pandémie du coronavirus tombe brutalement comme un ras de marrais en Afrique, désemparée comme d’habitude face à toute urgence de santé publique. Le souvenir des épidémies de rougeole, de choléra et celle récente d’Ebola hante toujours l’imaginaire collectif. L’observateur reste comme ébahi devant tant de candeur et d’innocence affectées des gouvernements africains devant ce qui devrait constituer leur devoir principal : La survie et le bien-être de leurs pays (populations).

Le véritable défi de cette pandémie consiste quoi qu’il en coûte pour les dirigeants africains, à sauver des milliers de vies d’une mort brutale et d’une fin dans l’indignité collective.

Le virus, son origine et sa virulence


Loin de moi, l’idée de donner un cours magistral sur cette tribune d’idées, mais ce qu’il faut rappeler au public c’est que le covid-19 appartient à la vaste famille des coronavirus pouvant être pathogènes chez l’homme et chez l’animal (1). On sait que, chez l’homme, plusieurs coronavirus peuvent entrainer des infections respiratoires dont les manifestations vont du simple rhume à des maladies plus graves comme le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Le dernier coronavirus découvert à Wuhan (Chine) en 2019, après avoir été baptisé nCoV-2019 dans un premier temps, a été appelé SARS-coV (2) (SARS pour « Syndrome Aigu Respiratoire Sévère » et CoV pour « Coronavirus »). Sa maladie a été nommée Covid-19 (3).

On sait que ce virus a un attrait ou tropisme particulier chez l’homme pour l’appareil respiratoire et surtout le tissu pulmonaire où il provoque des lésions destructrices et mortelles. Les observations nécropsiques effectuées sur les victimes de SRAS en 2003-2005 ainsi que celles tirées des cadavres chinois de Wuhan sont très illustratives de ces données physiopathologiques (2 et 3).

Qu’à cela ne tienne, et quelle que soit l’origine de ce virus d’un nouveau genre et comme l’ont montré les effets de la pandémie en Chine, en Europe et aujourd’hui aux Etats-Unis d’Amérique, l’atteinte du virus peut donner lieu à plusieurs groupes de malades : les jeunes organismes généralement plus résistants à peine symptomatiques, les adultes vigoureux et sains qui développent un syndrome grippal plus ou moins sévère et, enfin, le groupe des personnes âgées, des personnes affaiblies par toutes sortes d’affections telles le VIH, le diabète, le cancer, l’alcoolisme ou l’obésité, etc. Les deux premiers groupes représentent près de 80% de la population des personnes atteintes et généralement guérissent. Quant au dernier groupe à haut risque de mortalité, il peut représenter selon les populations de 3 à 20% de la population. Mais les trois groupes constituent ensemble le réservoir du virus à partir duquel le reste de la population est progressivement et de manière crescendo contaminée (4).

Aussi, la survie des personnes du dernier groupe dépend essentiellement des capacités de prise en charge offertes par le pays concerné : admissions rapides dans des unités de soins dotées de plateaux techniques appropriés (respirateurs et d’oxygène, etc.), assistance des malades par du personnel de haute qualification, prise en charge anti-infectieuse et nutritionnelle appropriée des personnes contaminées, etc.

L’état des lieux dans les pays africains


En dépit des statistiques chaque jour galopantes du nombre des cas de contamination au covid-19, l’état des lieux est quasiment le même dans tous les pays du continent africain à l’exception de quelques pays n’atteignant pas 5 sur les 54 que compte l’Afrique. Faiblesse des infrastructures sanitaire, manque de test et de kits de détection des individus contaminés, absence de structure de prise en charge des cas sévères dans les hôpitaux, indifférence presque généralisée des populations insuffisamment sensibilisées sur les dangers vitaux de la pandémie. 

Quasiment tous les gouvernements africains pris de panique, pressés par l’OMS et les ONG d’une part et d’autre part visiblement secoués par le spectacle macabre des morts survenant dans des pays asiatiques, européens et nord-américains mieux équipés, se sont empressés de fermer leurs frontières et ordonné la fermeture des écoles et des universités ainsi que les lieux de rassemblement des populations tels que les mosquées, les églises, lieux de cultes, etc.

En outre l’anticipation des gouvernements est timide quant à la préparation des grands abris et locaux susceptibles de recevoir les personnes à confiner. Partout on déplore le manque de tests de détection des cas suspects et le manque de préparation du personnel spécialement affecté à la prise en charge de ces malades. On a négligé la menace qui pèse dans la majorité des pays sur le personnel de santé qui ne dispose que rarement de kits et de revêtements spéciaux de protection contre leur propre contamination. On a oublié que ce personnel de santé potentiellement exposé à ce risque de contamination, faute d’être protégé convenablement, est susceptible de déserter les hôpitaux comme nous avons vu le flux d’images désolantes venant de la France et de l’Espagne nous montrant des maisons de retraites abandonnées par le personnel faute de moyens de protection.

En réalité, les leçons de l’épidémie d’Ebola d’il y a à peine 5 ans sont déjà oubliées ou rangées dans les tiroirs. À ce cortège lugubre vient s’ajouter le spectacle paradoxal de populations urbaines quasi indifférentes devant le danger mortel imminent. Les scènes ubuesques à Dakar, Abidjan, Nairobi, Kinshasa ou Brazzaville et Moroni sont véritablement indescriptibles et trahissent l’indifférence du comportement incompréhensible des individus et des communautés face au danger vital. Rien n’y fait car tout se passe comme si ces populations se moquaient des instructions timides de leurs gouvernements en matière de prévention pour rompre la chaine de contamination.

L’espoir d’un traitement curatif ou préventif et le vaccin alors


Toute la planète entière secoue les méandres de la recherche scientifique et crépite à l’idée que l’on pourrait disposer d’un traitement pour le Covid-19. Ainsi, la chloroquine et l’azithromycine alimentent une polémique féroce. D’une part les partisans de l’utilisation de ces médicaments considérés comme ayant fait la preuve de leur efficacité et d’autre part les adversaires de ces traitements suspects d’être potentiellement dangereux pour les malades. Bien que les gouvernements français, américains et algériens aient adopté et officialisé l’usage de ces thérapies, l’OMS quant à elle recommande de ne prendre aucun médicament, y compris les antibiotiques, en automédication, pour prévenir ou guérir le Covid-19.

On peut néanmoins signaler que plusieurs essais cliniques de médicaments occidentaux ou traditionnels sont en cours. Par exemple, la colchicine ou le recours à des combinaisons antirétrovirales (Lopinai/Ritonavir). Il est donc prudent d’attendre que l’OMS et les sociétés savantes nous confirment l’efficacité ou l’innocuité de ces traitements expérimentaux (4) et que les résultats de recherches en cours dans nombre de pays aient fait l’objet d’un consensus international. Il en est de même des vaccins en cours d’essais cliniques et demandent qu’on s’arme de patience compte tenu des procédures inhérentes à la rigueur des essais cliniques.

Rompre la chaine de contamination est donc l’urgence face à cette pandémie


Face au dénuement ci-dessus décrit, l’évidence crève donc les yeux que les instructions velléitaires des gouvernements ne suffisent plus à inverser la vapeur et qu’il faut véritablement changer de cap et de méthodes pour stopper radicalement la progression de la contamination. Faute de le faire, comme ne cesse de le marteler le Directeur général de l’OMS, les Etats africains courent à leur perte d’ici la fin de cet ouragan. Même s’il faut néanmoins rendre à César ce qui est à César, car certains pays ont franchi le pas et ont décrétél’état d’urgence sanitaire, mettant en confinement total l’ensemble de leur population pendant des périodes variables. Comme il fallait s’y attendre, ce confinement rend exsangue les économies déjà moribondes dans certains de ces pays. Il n’en reste pas moins que la marge de manœuvre des gouvernements est très étroite.

Comme dirait Hamlet,” To be or not to be. That is the question” (Être ou ne pas être. C’est la question). En d’autres termes, les gouvernements devront bien choisir entre imposer des sacrifices redoutables à leurs populations ou les laisser mourir de leur belle mort du Covid-19. Qui des dirigeants de notre continent accepterait cette image du Titanic allant inexorablement se fracasser la coque sur l’iceberg du Covid-19 et abandonner leurs populations dans l’indignité la plus funeste des temps modernes de notre histoire ?

Quel exemple pour les Comores et quelles leçons à tirer ? 


Notre cher pays est épargné jusqu’à maintenant car nous sommes à ZERO cas déclaré. Exception faite de notre île sœur qui est assaillit par la pandémie. Les mesures courageuses prises et instruites bien que non accompagnées par les commodités nécessaires, sont sans aucun doute pertinentes et semblent avoir des effets timides. Le confinement total avec un effort considérable d’accompagnement de la part du gouvernement et des initiatives locales s’impose pour sauver nos populations du spectacle de l’Apocalypse ci-dessus annoncé. Il est possible de penser qu’avec des mesures d’accompagnement gérées dans la transparence et la traçabilité, les populations pourraient consentir des sacrifices insoupçonnés pour survivre collectivement.

C’est aussi une occasion et la conjecture s’apprête favorablement, à réfléchir sur le système de santé de notre pays, à ses ressources humaines et aux plateaux techniques de nos différents pôles de santé.

Quel homme saint d’esprit refuserait de consentir du sang et des larmes pour survivre à cette pandémie qui nous est imposée de l’extérieur ?

فالوقاية‘ الوقاية‘ ثم الوقاية ₋
Références bibliographiques :

1.Tyrrel, D.A.J., et al. 1968. Coronavirus Nature 220 :650
2. Ebihara, T., et al.2005. Detection of human coronavirus NL63 in young children with bronchiolitis.J.Med.virol.75:463-465
3.Ding, Y., et al 2004. Organ distribution of severe acute respiratory syndrome (SARS) associated coronavirus (SARS-CoV) in SARS patients: implications for pathogenesis and virus transmission pathways. J. Pathol. 203: 622-630
4.Sohrabi, et al. World Healt organization declares global emergency: A review of the 2019 novel coronavirus (COVID-19) international Journal of Surgery 76 (2020) 71-
6. https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-chloroquine-covid-19-faut-il-penser-80151 

* Docteur MBOREHA Youssouf Mohamed (MD-PhD)
DIU Chirurgie gynéco-obstétrique
DIU Chirurgie viscérale
DIU imagerie gynéco-obstétricale
PhD Economie de la Santé
Vice-directeur chargé des affaires médico-humanitaires
HCR, Bureau de l’Afrique Centrale

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