Moroni, le 28 mars 2020 Monsieur Antonio Guterres, Secrétaire général de l’Onu Sutton Place Manhattan, New York, Usa Objet ...
Moroni, le 28 mars 2020
Monsieur Antonio Guterres,
Secrétaire général de l’Onu
Sutton
Place Manhattan, New York, Usa
Objet : Lettre ouverte au secrétaire général des Nation Unies
Excellence, Monsieur le Secrétaire Général,
Les déclarations, suivies des engagements des acteurs de la communauté internationale semblent indiquer une prise de conscience sur leurs responsabilités face aux véritables défis humains et la tragédie sanitaire auxquelles le monde est confronté. Votre cri d’alarme diffusé le 27 mars 2020 sur les ondes de Radio France Internationale précède l’appel de détresse fait par 63 experts des Nations Unies qui, dans une déclaration en date du 26 mars dernier rappellent que « LE MONDE A DROIT À LA SANTÉ ».
Selon ces experts, la crise du covid19 a mobilisé légitimement et sans doute pour une longue durée la communauté scientifique. Par conséquent, les acteurs politiques seront contraints à prendre des mesures de santé publique et d’urgence. Dans votre intervention sur RFI, vous avez fait appel à « une mobilisation gigantesque, une priorité absolue pour éviter le pire » pour l’Afrique. Vous avez affiché votre crainte de voir des millions de personnes infectées en Afrique.
Le Docteur Michel YAO, responsable des opérations d’urgence de l’OMS en Afrique dans une déclaration du 18 mars dernier, suggère pour le continent, la mise en place « de couloirs humanitaires » pour assurer le déploiement de troupes humanitaires dans les pays déjà touchés par cette pandémie. Pour les Comores, les inquiétudes justifiées et légitimes du personnel médical et paramédical ou encore par la population sur les insuffisances et défaillances chroniques de notre système de santé méritent une attention particulière.
Un système qui n’arrive pas depuis longtemps à assurer des soins à nos malades, admis au seul et unique hôpital de référence du pays. Nombreux meurent ou voient leur pathologie aggravée faute de moyens pour payer des frais médicaux ou faute d’oxygène et ou encore de scanner. D’autres prennent la route chaque semaine et se posent à l’Île Maurice, en Tanzanie, à Madagascar, à Dubai, au Kenya et en Inde pour des soins médicaux.
Le Plan National de Développement Sanitaire 2010-2014 établi en avril 2010 fait état « d’une mauvaise performance du secteur de la santé qui est due essentiellement à l’insuffisance de l’approvisionnement en médicaments, la gestion inadéquate des ressources humaines disponibles, le manque d’informations fiables, le manque d’innovation à travers les recherches et l’insuffisance des ressources financières. Malgré les séminaires, les conférences et les missions effectués sur place avec l’aide des organisations internationales spécialisées, les solutions aux difficultés susvisées ne sont pas en vue et nos malades continuent de mourir faute de soins appropriés et suffisants.
Nous avons perdu chacun de nous un des nôtres en raison des défaillances et de l’incompétence de nos dirigeants. Les dons, les aides, les séminaires, les formations et les missions engagées pour y remédier sont souvent utilisés, instrumentalisés et détournés pour servir des intérêts partisans.
Dans le contexte comorien où l’expression ou la revendication des droits civils et politiques est reconnue périlleuse par l’émissaire spécial des Nations Unies pour les tortures, il est aléatoire voire impossible de savoir avec certitude l’usage et la répartition des aides destinées aux victimes des catastrophes sanitaires ou cycloniques. C’est pourquoi, il me semble important de soutenir que la vie de mes compatriotes, leur droit à la santé et à la vie justifie la nécessité de recourir au droit d’ingérence pour les Comores.
Le droit humanitaire international s’est progressivement affirmé comme un droit fondamental de l’aide et du secours de l’humanité destinés à des peuples ne disposant pas d’appareils organiques d’État performants ou totalement défaillants. Dans le cas des Comores, des organes de l’État censés accomplir tous les jours les tâches qui leur sont imparties sont totalement défaillants et entraînent des drames sanitaires, écologiques et des atteintes graves aux droits humains et à la démocratie.
Dans leur déclaration du 26 mars dernier, les experts de l’ONU exigent que « la situation des personnes qui sont injustement privées de leur liberté, les personnes handicapées et les malades soient examinées en priorité. Alors que les régimes politiques totalitaires et autoritaires seraient tentés de détourner l’attention de la communauté internationale totalement mobilisée pour la lutte contre la pandémie de coronavirus, il est du devoir de chacun d’interpeller sur les conséquences des exactions et des tortures et les atteintes diverses relevées par l’émissaire de l’ONU qui sont totalement imputables au régime du colonel Azali Assoumani.
Vous n’êtes pas sans savoir que le rapport de l’enquêteur spécial des Nations Unies sur les tortures aux Comores conclut que pour des raisons politiques, des personnalités, des journalistes, des militants et des femmes sont privés de leurs libertés et placés en détention et d'autres en résidence surveillée. Le rapporteur confirme le recours aux tortures et l’utilisation excessive et disproportionnée de la force contre des manifestants pacifiques.
L’opposition illégale et abusive donc arbitraire du pouvoir dictatorial et de fait du colonel Azali Assoumani à l’exécution d'une décision judiciaire rendue le 2 janvier dernier ordonnant l’évacuation sanitaire de l'ancien Président de l'Union des Comores- maintenu en détention provisoire sans la moindre base légale- est la preuve de l’anarchie instaurée aux Comores par le colonel Azali Assoumani. Dans sa déclaration du 25 mars dernier, le commissaire aux Droits de l’homme de l’ONU exhorte les gouvernements et les autorités compétentes à libérer en toute urgence les détenus les plus âgés et ceux qui sont malades.
Il est vrai que jusqu’à la déclaration de leur culpabilité, les autorités de fait et illégitimes des Comores bénéficient de la présomption d’innocence des faits des crimes pour tortures, humiliations et d’autres faits graves qui leur sont reprochés et soumis à l’appréciation des juridictions étrangères et très prochainement sans doute à la Cour Pénale internationale (CPI). Cependant, la communauté internationale et les partenaires bilatéraux et multilatéraux des Comores ne peuvent encore longtemps avoir une appréciation à géométrie variable des crimes contre la paix, la démocratie et les institutions républicaines que le colonel Azali Assoumani continue à commettre en toute impunité contre les Comoriens. Ils ne peuvent pas passer sous silence le rapport onusien qui démontre que mes compatriotes vivent sous un régime répressif qui accorde peu de considérations aux droits civiques et politiques.
Les partenaires de mon pays et les organisations internationales qui avaient cru pouvoir continuer à travailler avec ce régime se rendront compte que cette collaboration n'est pas sans danger pour les droits de l’Homme et que leur silence est une forme d’encouragement pour quelqu’un qui commet les actes les plus vils contre son propre peuple.
Les Nations Unies ne peuvent pas laisser mon peuple déjà réprimé, forcé au silence, faire seule la besogne pour se débarrasser du dictateur et assister bouches cousues à toutes les injustices subies par mes compatriotes. Le droit à la vie et à la santé de mes concitoyens est d’une valeur inestimable et c'est pour cette raison que je sollicite l’application du droit d’ingérence humanitaire pour les Comores.
Le droit d’ingérence humanitaire est une question de responsabilité de la communauté internationale des lors qu’une nécessité absolue d'envoyer des secours humanitaires et venir en aide à une population exposée à risque de pandémie se fait sentir surtout en face d’un État ne disposant pas des moyens appropriés pour y faire.
Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien réserver à la présente,
Je vous prie de croire, monsieur le Secrétaire général, l’expression de ma haute considération.
Me Said Larifou,
Ancien candidat à l’élection présidentielle de l’Union des Comores
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