Qui définit les pas de danse ? On aurait tort, et ce serait une erreur monumentale, de sous-estimer le Ministre des Affaires Étrangèr...
Qui définit les pas de danse ?
On aurait tort, et ce serait une erreur monumentale, de sous-estimer le Ministre des Affaires Étrangères comorien—un homme d’expérience au niveau international, qui maîtrise les ficelles de la diplomatie et qui n’est pas facile à éliminer. Contrairement à ce qu’on pense, l’accord-cadre a juste formulé, ou plutôt reformulé, les positions qu’il défend avec calme, détermination, et fermeté.
À l’issue de la dernière réunion, il a clairement signifié qu’il s’était agi de parler de là suppression progressive du Visa—chose qui n’a pas été relevée mais en réelle accord avec la philosophie des la Feuille de Route, de l’accord d’amitié franco-comorienne, du discours de rapprochement institutionnel annoncé par l’ancien ambassadeur de France, Luc Hallade. Il dit vrai sur ce point, mais nos parlementaires aussi disent vrai.
Le Visa, comme défendu par nos parlementaires, ne sera en effet pas « éradiqué »—il sera là. Mais, et c’est là qu’on se fait officiellement entuber, avec une technique de communication très bien ficelée—le Visa sera tellement révisé, modifié, assoupli qu’il n’en restera rien de sa substance.
De ces deux « vérités », c’est celle de Soeuf qui importe car elle va redessiner nos relations avec les Comores.
Lors de son interview sur Mayotte 1ère, ce ministre, pourtant grand-comorien, a intelligemment parlé « shimaore » même s’il n’était pas parfait au lieu du shingazidja. Il a surtout demandé à la France de s’occuper des « comoriens de Mayotte » en se basant très astucieusement sur les bidonvilles de Kaweni. Il a mis en fait la France face à ses responsabilités: vous avez laissé entrer les comoriens, ils sont installés dans des conditions ignobles, indignes—c’est à vous de vous en occuper.
Il a demandé à la France d’améliorer les conditions de vies des comoriens illégaux déjà entrés et installés sur Mayotte, territoire français.
En gros, il dit que les Comores sont prêts à coopérer au niveau des frontières mais n’accepteront pas que soient renvoyés leurs ressortissants déjà sur place. Il a posé un défi très fort: « intégrer des gens entrés illégalement sur le territoire. » Il a aussi réussi à faire bannir le terme « bidonville », « clandestins »: le premier résultat se voit dans l’accord-cadre qui parle de circulation entre les îles et non entre Mayotte et les Comores. Cherchez « circulation illégale », « clandestin »—vous ne trouverez rien du tout.
Ainsi, avec cette philosophie, le travail est lancé à Mayotte pour remplacer « bidonville » par « logements précaires » (dit autrement « expulsion » par « réparation d’injustice sociale ») et une politique déguisée de « réhabilitation » de ces espaces illégaux est lancée. Donc Soeuf n’a pas parlé dans le vide. Il maîtrise, il défend avec intelligence et acuité la position des Comores.
Nos parlementaires n’ont en fait jamais, à certains égards, écouté la population qui a réclamer la suppression pure et simple de la Feuille de Route. Ils ont juste accepté que son application soit différée avant de participer à la reformuler. Ce Ministre comorien des Affaires Étrangères est un « as » et c’est lui qui mène la danse—doucement mais calmement.
Et les Mahorais devraient vraiment s’inquiéter de la suite des choses car le rapprochement institutionnel est bien en marche et ce monsieur y veille avec fermeté, détermination et intelligence.
On est mal.
Yazidou Maandhui
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