La loi permet aux agents des CAF de demander des relevés bancaires pour contrôler la situation des bénéficiaires mais aussi, en dernier r...
La loi permet aux agents des CAF de demander des relevés bancaires pour contrôler la situation des bénéficiaires mais aussi, en dernier recours, de prendre eux-mêmes contact avec les établissements bancaires.
Question posée par Pierre le 17/09/2019
Bonjour,
Votre question renvoie à un tweet publié le 14 septembre, relayé des milliers de fois, et évoquant un décret passé cet été qui permettait de fouiller les comptes bancaires des gens au RSA afin de le leur retirer s’ils ont eu des revenus par ailleurs.
J'apprends qu'un décret est passé cet été permettant de fouiller les comptes bancaires des gens au RSA afin de le leur retirer s'ils ont touché autre chose, y compris les étrennes envoyées par Mamie. Pour la fraude fiscale, les moyens dévolus au fisc ont encore été restreints.— Wilhelm marie #MDPE🐝#giletsjaunes (@labatmarie1) September 14, 2019
Dans les commentaires, l’utilisateur du compte donne la source de son affirmation : une récente interview sur Sputnik de Philippe Pascot, ex-adjoint de Manuel Valls à la mairie d’Evry, devenu une figure des gilets jaunes, qui déclare : «Ils ont passé une loi où on peut regarder dans votre compte en banque, si vous êtes au RSA. Et si vous touchez de l’argent régulièrement, en plus de votre RSA, on vous suspend votre RSA.»
CAF et MSA sont autorisés à demander des relevés bancaires
Le contrôle des comptes bancaires des allocataires du RSA est l’objet d’un débat depuis quelques années.
Le code de l’action sociale rend possible le contrôle de la situation des allocataires. Ainsi, selon l’article R262-83, «le bénéficiaire du revenu de solidarité active ainsi que les membres du foyer sont tenus de produire, à la demande de l’organisme chargé du service de la prestation et au moins une fois par an, toute pièce justificative nécessaire au contrôle des conditions d’ouverture de droit, en particulier au contrôle des ressources, notamment les bulletins de salaire».
En clair, la CAF est autorisée à demander des pièces. Nombreux commentateurs ont toutefois fait valoir que les relevés bancaires, beaucoup plus intrusifs que d’autres pièces, n’étaient pas explicitement évoqués dans l’article du code de l’action sociale, mettant donc en doute la légalité d’une telle requête.
En 2018, le ministère des Solidarités avait tranché le débat, assurant que la demande était légale, dans une réponse à une question écrite : «Les CAF et les MSA [mutualités sociales agricoles], qui assurent le versement du RSA pour le compte des départements, sont habilitées par la loi à vérifier les déclarations des bénéficiaires du RSA. A ce titre, elles sont en droit de demander aux bénéficiaires de leur communiquer la copie de leurs relevés de compte bancaire afin de contrôler l’exactitude des déclarations concernant les ressources. Toute ressource non déclarée se traduit par un recalcul du droit et la notification d’une demande de remboursement du trop-perçu de RSA. Il est donc parfaitement conforme au droit que certains bénéficiaires du RSA puissent être invités à produire leurs relevés bancaires à la CAF ou à la CMSA à des fins de contrôle.»
Demandes de relevés bancaires ou accès aux comptes ?
Si les CAF et MSA ont le droit de demander des documents bancaires, peuvent-elles directement accéder aux comptes et «fouiller», comme le suggère le tweet ayant motivé votre question ?
Comme d’autres organismes sociaux, la CAF bénéficie du droit de communication, qui l’autorise, sans que le secret professionnel ne lui soit opposé, à avoir accès aux «informations et données des organismes privés tels que les employeurs, fournisseurs d’énergie, banques…»
Cette solution ne se pratique qu’en dernier recours, et seulement en cas de doute sur le niveau des ressources suite aux premières investigations réalisées. A noter, explique-t-on à la CAF, que «les CAF n’ont pas accès directement aux comptes bancaires des allocataires. Seuls les contrôleurs sur place, dans le cadre d’un contrôle sur place, peuvent demander aux banques, au moyen du droit de communication bancaire, des relevés de compte».
A noter que, dans le cadre de ce droit de communication, l’organisme doit informer l’allocataire de la teneur et de l’origine des informations recueillis. L’article L.114-21 du CSS prévoit en effet que «l’organisme ayant usé du droit de communication est tenu d’informer la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande».
Par ailleurs, la CAF a accès au Ficoba (Fichier national des comptes bancaires et assimilés), qui recense la totalité des comptes bancaires ouverts sur le territoire, et permet de fournir aux organismes légalement habilités des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société. Ce fichier en lui-même ne comporte pas d’information sur le solde des comptes et les mouvements, mais permet d’identifier des comptes appartenant aux ayants droit.
Les textes ont-ils changé cet été ?
Ces dispositions ont-elles été durcies récemment, comme le suggèrent la vidéo et le tweet? La CAF indique à CheckNews que le cadre des contrôles des comptes bancaires n’a pas été modifié récemment. «A priori, un décret paru en juillet dernier ouvrirait l’accès pour les organismes de sécurité sociale à d’autres bases de données institutionnelles pour permettre d’évaluer le patrimoine immobilier, par exemple, mais l’accès aux comptes bancaires n’est pas nouveau : il existe depuis 1985 et cet accès est strictement encadré, dans des conditions bien définies.»
La confusion porte peut être sur le fait que le 14 juin, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution du droit de communication de certains documents ou informations, notamment bancaires, par les organismes sociaux. Mais la décision du Conseil constitutionnelle n'a fait que valider les pratique existantes.
La décision part, à l’origine, du cas de Mme S. Hanen, allocataire du RSA. Après des incohérences relevées à la suite d’un contrôle sur pièces de son dossier, la CAF de l’Isère a procédé à une régularisation de son dossier en 2016, après avoir exercé notamment son droit de communication auprès de la banque gérant le compte bancaire de son époux. Mme S. Hanen a d’abord saisi le tribunal administratif de Grenoble, puis formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. A cette occasion, elle a présenté une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) visant à contester la conformité de deux articles du code de la sécurité sociale.
S. Hanen estimait d’abord que le contrôle des données bancaires et des données de connexion méconnaissent le droit au respect de la vie privée, les «garanties apportées à l’exercice de ce droit de communication étant insuffisantes». Elle déplorait également le fait que les agents des organismes de sécurité sociale «ne soient tenus d’informer la personne contrôlée de la teneur et de l’origine des documents obtenus auprès de tiers que si une décision a été prise à son encontre sur le fondement de ces documents».
Le Conseil constitutionnel a jugé que les conditions dans lesquelles le recueil des données bancaires pouvait être exercé n’étaient pas contraires à la Constitution (à la différence des données de connexion), pas plus que le fait que l’allocataire ne soit tenu au courant de la consultation des données bancaires qu’en cas de sanction.
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