L’histoire et les sciences politiques ont démontré qu’un régime autoritaire utilise deux armes essentielles pour se maintenir : une armée...
L’histoire et les sciences politiques ont démontré qu’un régime autoritaire utilise deux armes essentielles pour se maintenir : une armée obéissante et une communication propagandiste.
Il en découle que le contrôle de l’information et la maîtrise de la communication en constituent un élément clé.
Que serait-il devenu, par exemple, le régime azaliste sans la neutralisation par son ministre de l’intérieur des deux principaux organes d’information du pays qui sont l’Ortc et Alwatwan, sans la fermeture de radios et l’emprisonnement ou l’intimidation des journalistes non soumis aux ordres ?
L’histoire du rapport Communication-pouvoir est suffisamment documentée pour qu’il ne nous soit nécessaire d’accord des lignes ici, à démontrer ce que certains qualifient de « liaisons dangereuses ».
Cette histoire nous apprend que la principale finalité de la communication en politique est d’exercer une influence sur l’auditoire. Que sous un régime totalitaire, elle est essentiellement réductible à la propagande et à son corollaire, la censure. L’histoire nous renseigne qu’une action propagandiste n’est jamais isolée ni aléatoire. Elle s’inscrit au contraire dans une stratégie globale.
L’histoire nous enseigne que cette stratégie trouve son fondement dans le principe énoncé par Machiavel « gouverner c’est faire croire ».
Elle nous indique que pour mettre en œuvre ce faire-croire, les dictateurs ont fait feu de tout bois dans le domaine de la communication. L’utilisation par les dictateurs des seuls canaux de communication internes est désormais complétée, grâce à la mondialisation de l’information, par internet et ses dérivés dont les réseaux sociaux.
Aujourd’hui un dictateur non content d’endormir son peuple, n’hésite pas à recourir à des communicants pour l’aider à redorer son image auprès, notamment de la communauté internationale, pour maintenir des relations diplomatiques ou économiques.
Ainsi, des dictateurs et des gouvernements autoritaires, accusés de bafouer la liberté d’expression, de réprimer les opposants, de truquer les élections ou de favoriser la corruption leur font appel.
De multiples exemples de ces recours à des blanchisseurs d’images existent.
La Russie, le Kazakhstan, le Bahreïn ou le Rwanda ont déjà fait appel, avec succès, à ces conseillers très spéciaux.
Ces spécialistes de la « com » acceptent d’arranger l’image souvent bien laide de ces États. Leurs principales missions? Abreuver les médias internationaux d’interviews et de tribunes du dictateur, vanter partout ses mérites.
L’objectif étant de rendre la dictature presque sympathique.
C’est aussi l’histoire qui nous rapporte qu’en dictature « informer » retrouve ce sens « in forme-mettre en forme » ce qui est à dire.
Ainsi le ministre de l’Education du peuple et de la propagande du Reich, Goebbels affirmait « nous ne parlons pas pour dire quelque chose, mais pour obtenir un certain effet »
C’est donc au regard de l’Histoire que la stupeur, l’incompréhension et l’indignation ont atteint tel un deuxième Kenneth, beaucoup de nos compatriotes, à l’annonce de la nomination d’Ahmed Ali Amir Ahmed comme « coordinateur chargé de la mise en œuvre de la communication gouvernementale ».
Comment ce « grand homme », ce journaliste qui a tenu tête au régime dictatorial, au prix de son prestigieux poste de Directeur général du quotidien national, qui, il y a à peine une semaine, déclarait ne pas trouver des mots assez forts pour qualifier les agissements du régime de Moroni, allant jusqu’à le trouver plus répressif que celui des mercenaires, a pu faire le choix de rejoindre le cercle de ces communicants payés pour redorer l’image des dictatures et des régimes répressifs ?
Comprenez-nous que la question ne se pose pas pour le recruteur tant la raison et le choix sont aussi nus qu’un mort dans son linceul.
En effet, souffrant de plus en plus de troubles manifestes du comportement et du langage, acculé (lisez ce que nous avons écrit, par ce que nous pensons) de partout à cause des actes de répression, de torture et de crimes ; rejeté dans beaucoup de localités par une population excédée, assourdi par la voix patriotique d’une diaspora déterminée, mis en garde par une communauté internationale qui veille, le dictateur de Moroni avait bien besoin de ce porte-parole des femmes et hommes de la presse pour redorer son pitoyable image.
Le dictateur de Beit Salama, toujours bien inspiré, n’a toujours pas compris que son image serait moins triste si seulement il relâchait tous ces prisonniers politiques qui croupissent injustement et inhumainement dans les geôles. Et qu’il n’y a de meilleure communication pour son gouvernement que de rétablir les droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens.
Alors il s’octroie les services d’un « redorateur » à défaut d’avoir des adorateurs, lui qui se prend pour Dieu.
C’est ainsi qu’il a décidé de placer triple « A » en « Résilience surveillée ». Une condamnation que l’inculpé semble ne pas percevoir.
« J’ai décidé de prendre congé de ma profession de journaliste et de mettre fin à ma collaboration au journal Alwatwan, à l’agence Reuters et à France télévision à travers Mayotte 1ere ». Assène-t-il dans un message relayé sur les réseaux à la vitesse du changement de convictions politiques msaïdien, comme aurait dit l’Infodrameuse qui doit tourner telle une toupie autour de la Kaaba en apprenant la nouvelle de son confrère.
L’ancien journaliste aurait pu logiquement poursuivre ainsi : « pour une autre collaboration avec le gouvernement, j’ai accepté, plus précisément, d’administrer une coordination de la communication et de la presse de la présidence et du gouvernement »
Ensuite, comme pour solliciter la mansuétude de ses amis, l’ancien journaliste tente d’atténuer sa décision en précisant que « ses missions sont définies par un décret ». Comme si l’ancien journaliste, pris de remords, tente une distanciation avec celui qui prit le décret.
« Ce n’est personne qui me dit ce que j’ai à faire mais un décret » semble-t-il vouloir préciser à ses amis. Euh... sauf à nous prouver que ce décret est descendu, en ce mois de ramadan, tel un verset coranique, vos missions, monsieur le désormais chargé communication de Beit Salama, sont bel et bien fixées par le chef de l’Etat dictatorial. Votre futur patron.
Alors quelles sont ces missions précisément ?
Sur la base du message d’excuses à la Nation de l’ancien bon journaliste, il s’agit, d’une part de « conduire le processus d’élaboration de la stratégie de communication pour le développement et de la piloter. »
Ici par le terme « développement » il faut comprendre « la politique du gouvernement ». L’expression «communication pour le développement » n’a aucun sens. Elle a été minutieusement choisie pour tenter de dissimuler la véritable mission qui attend notre ancien journaliste qui, plus concrètement, est purement et simplement chargé de la conception et du pilotage de la stratégie de communication du gouvernement en général et du «président » en particulier.
Et comme nous l’avons explicité plus haut une telle stratégie existe et donc point besoin de l’élaborer.
L’Histoire nous a, en effet enseigné qu’une telle stratégie est constante à tous les dictateurs de tous les temps.
Elle se résume à une propagande bien structurée et à son corollaire, la censure, avec comme finalité redorer constamment l’image du dictateur et son régime aussi répressif qu’il soit. AAA n’aura donc pas à concevoir quoi que ce soit, mais à mettre tout simplement en œuvre cette stratégie à la Goebbels, qui a fait ses preuves dans bien d’autres dictatures du monde.
L’ancien journaliste aura, nous dit-il d’autre part, à « préparer les états généraux de la presse pour élaborer un diagnostic en vue de d’émettre des propositions et de formuler des recommandations au gouvernement ».
Cela c’était pour éviter à Faïza Soulé et ses confrères un suicide collectif. Nous vous proposons de ne pas nous attarder sur ce qui ressemble très fort à de la poudre à perlimpinpin.
Enfin, toujours dans son message d’excuse à son ancienne communauté, celle des patriotes, l’ancien journaliste concède « cette reconversion est un nouveau chalenge. Je mets entre parenthèse à un parcours journalistique porté par une passion qui a duré vingt quatre ans pour entrer dans la sphère de la conception et de l’élaboration ».
Nous aurions envie de le corriger en affirmant que l’ancien journaliste entre « dans la sphère de la concession et de la collaboration ».
Concession, car il faudra en faire devant les trois tonitruants (en un seul mot) qui n’auront que faire d’une quelconque stratégie de « com » En effet, c’est se bercer d’illusions que de songer un seul instant que les trois excités viagrisés du régime, Azali, Kiki et Msaidié sont disposés à obéir à une quelconque stratégie de communication.
Collaboration, enfin, car désormais acceptant de consacrer ses efforts à mettre faussement en avant une autre facette, plus glorieuse d’un régime incontestablement dictatorial, notre ancien ami de lutte perd son triple A dans cette entreprise machiavélique de Beit Salama.
Par Said Idriss
Par Said Idriss
COMMENTAIRES