Présidentielle du 24 mars 2019 aux Comores: Les vérités de Azali Assoumani INTERVIEW EXCLUSIVE Les Comoriens sont appelés aux ur...
Présidentielle du 24 mars 2019 aux Comores: Les vérités de Azali Assoumani
INTERVIEW EXCLUSIVE
Les Comoriens sont appelés aux urnes le 24 mars 2019 pour élire leur président ainsi que les gouverneurs de trois îles autonomes. Le scrutin intervient après le référendum constitutionnel du 30 juillet dernier qui a renforcé les pouvoirs du président Azali Assoumani, notamment en l'autorisant à accomplir deux mandats successifs au lieu d'un. Ce dernier, candidat à sa propre succession dit tout dans cette interview exclusive accordée à notre confrère Mamadou Moussa Ba surtout en ce qui concerne les raisons qui ont conduit à la modification de la Constitution. Entretien sans gants
«Notre pays a une grande expérience en terme de démocratie mais aussi de respect de l’état de droit»
MMBA avec Confidentiel Afrique : Le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu le 24 mars 2019, vous êtes candidat à votre propre succession, quelles sont les garanties pour des élections libres et transparentes ?
Azali Assoumani : Les garanties sont là à commencer par l’expérience comorienne. On a organisé plusieurs élections dans ce pays et elles se sont relativement bien déroulées. Aujourd’hui, la communauté internationale a accepté de nous accompagner, de nous parrainer. L’Onu, la Comesa et la Cei étaient dernièrement sur place et suite à mon dernier entretien avec Moussa Faki à Addis Abeba, l’Union africaine va envoyer une mission sans oublier Louise Mushikiwabo de la Francophonie qui va envoyer également une mission.
MMBA avec Confidentiel Afrique : Avoir des missions d’observation, ce n’est pas du tout suffisant pour garantir des élections libres et transparentes ?
Azali Assoumani: Je ne suis pas de cet avis. Ces missions d’observation sont utiles et nécessaires. Malgré l’expérience et les moyens à notre disposition, il faut toujours une certaine complémentarité. Avoir l’accompagnement de personnes expérimentées en terme de démocratie, c’est plus que nécessaire.
Certains de vos rivaux dont Ahmed Abdallah Sambi et Djaffar Ahmed sont aujourd’hui soit exilés ou ont des démêlés avec la justice. La candidature de l’opposant Mohamed Ali Soilih a été invalidée. D’aucuns parlent de déficit de démocratie. Que leur répondez-vous ?
Azali Assoumani : Tout est relatif. Ce pays a une grande expérience en terme de démocratie mais aussi de respect de l’état de droit. Je ne peux donc pas me permettre de discuter des décisions rendues par les juridictions.
Est-ce qu’il n’y a pas une sorte d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques ?
Azali Assoumani : Je peux vous garantir que ce n’est pas le cas. Les magistrats qui officient actuellement, sont les mêmes que lorsque j’étais au Lycée. Par conséquent, ils sont loin de m’appartenir. Ils sont nommés même avant mon avènement bien qu’ils fassent parfois des erreurs comme tout le monde. En tant que citoyen lambda, j’apprécie les décisions qu’ils prennent bien qu’on puisse toujours les contester. Je fais confiance en la justice en ce qui me concerne.
En plus des exilés ou ceux qui sont emprisonnés, l’opinion publique s’étonne du fait qu’il y ait des journalistes emprisonnés, des médias fermés. Pourquoi ne privilégiez-vous pas le dialogue ?
Azali Assoumani : Tout ce que je peux vous dire, personne ne peut prouver que la responsabilité de ces actes me revient. Que je sache, aucun citoyen n’a été surpris sur la route, arrêté puis envoyé en prison. Il y a des procédures suivies et encore une fois, la justice fait son travail.
Diriez-vous qu’aux Comores, les journalistes peuvent exercer librement leur travail ?
Azali Assoumani : Il faut savoir qu’il y a des médias d’État et c’est sur l’un d’eux en l’occurrence Al-Watwan, que l’opposition s’exprime. Elle s’exprime également à travers les différentes radios. Les journalistes, je peux vous assurer, n’ont rien à craindre. La presse est libre. Si un journaliste est empêché de faire correctement son travail, ça ne saurait être l’œuvre des politiques. C’est certainement des décisions de justice. Vous insistez sur la dépendance de notre justice et moi je vous confirme qu’elle est totalement indépendante.
Sur un tout autre sujet, pourquoi avez-vous décidé de changer la constitution ?
Azali Assoumani : Cette décision ne me revient pas. Il y avait effectivement une constitution qui disposait que le mandat était non renouvelable. Je l’ai respectée parce qu’en 2006, je suis parti sans essayer de la changer. Cette nouvelle constitution est celle de l’apaisement parce qu’en un moment donné, l’on identifiait systématiquement le pouvoir à une île en particulier. Contrairement à ce que vous avancez, il ne s’agit pas d’une constitution taillée sur mesure. Il est vrai que pendant 15-17 ans, on a eu une période d’apaisement qu’il convient de consolider. Le peuple a décidé depuis 2012- j’étais au chômage à cette époque- de la tenue des Assises et j’ai eu la chance de les organiser.
Vous avez subi des défections à l’image de celle de l’ancien vice-président, Djaffar Ahmed ou de l’ancien secrétaire d’État, Hamidou Karihila. Quelles explications donnez-vous pour justifier ces défections?
Azali Assoumani : En soi, il ne s’agit pas de cas isolés. Dans ce pays, rarement, les gens croient en leurs partis. Certains poursuivent des intérêts personnels dans les partis et en cas d’insatisfaction, ils partent tout simplement. Pour ce qui est de mon parti, il s’est inscrit dans la durée avec quatre ans de pouvoir et dix ans d’opposition. Ceux qui se sont retirés, avaient peut-être des intérêts insatisfaits.
Aux Comores, il y a plus de 99% de musulmans essentiellement sunnites. Au terme de la dernière révision constitutionnelle, l’Islam est quasiment devenu une religion d’État. Que pouvez-vous répondre aujourd’hui à ceux qui évoquent une islamisation rampante de la société ?
Azali Assoumani : Tout d’abord, je tiens à souligner qu’on est dans un pays musulman d’une tolérance inégalée. On a une religion tolérante et un vivre ensemble dans la quiétude. Ensuite vous devez savoir que l’Islam en tant que religion d’État, c’est depuis la première constitution après l’indépendance. C’est dans l’esprit que l’Islam est la religion d’État mais dans l’administration, c’est autre chose. En outre, par rapport à ce qui se passe ailleurs avec l’extrémisme qui se développe, nous devons prendre les précautions nécessaires. Il nous revient de suivre les jeunes qui partent étudier et qui reviennent par la suite. Nous devons donner les moyens aux religieux de faire en sorte que cet apaisement se perpétue malgré ce phénomène d’extrémisme qui veut s’inviter. On est conscient qu’il faut éviter que le pays ne bascule dans l’extrémisme.
Parlons un peu de diplomatie. Mayotte étant toujours dans le giron français, est-ce que les hommes politiques comoriens, y compris vous, souhaitent sa réintégration dans le giron comorien ?
Azali Assoumani : La question de Mayotte est unique pour tous les politiciens comoriens. Nous voulons tous son retour. Je dis souvent que le Comorien qui affirme que Mayotte n’est pas comorien n’est pas encore né. Les modalités de son retour peuvent diverger mais la conviction qu’elle doit revenir est unanime. Certains avaient utilisé les méthodes de résolution qui n’ont pas apporté des résultats depuis 1975. En ce qui me concerne, je prône le dialogue avec la France et les Mahorais. Là on reprend le dialogue avec le président Macron et j’espère que nous pourrons y arriver.
Un mot d’économie monsieur le président. Votre slogan de campagne en 2016, c’était un jeune= un emploi. Près de 65% des Comoriens ont moins de 25 ans, que dites-vous à ces milliers de jeunes gens qui n’ont que parfois, l’immigration comme ressort pour échapper aux affres du chômage ?
Azali Assoumani : Je leur dis de garder confiance. À notre arrivée en 2016, il y avait une croissance zéro et actuellement on est à 3%. La croissance, c’est d’abord les emplois en clair, des gens qui sont payés et qui consomment par la suite. En moins de trois ans, nous avons recruté plus de 2800 jeunes dans l’administration et dans les entreprises qui travaillent ici. Nous encourageons l’entreprenariat, faire en sorte que les jeunes puissent se prendre eux-mêmes en charge. Nous allons les aider.
L’énergie était également l’un de vos projets phares et pourtant le pari énergétique semble être aujourd’hui quasiment perdu. Les délestages sont persistants. Qu’entendez-vous faire pour gagner le défi de l’énergie et mettre le pays sur la rampe de l’émergence ?
Azali Assoumani : Dans ce domaine, nous avons gagné une bataille mais pas encore la guerre. On a vécu ici, 10 ans sans électricité. Il n’était pas question de délestage mais plutôt d’absence d’électricité tout simplement. À notre arrivée, l’urgence a fait qu’on a acheté des groupes qu’on a fait venir par avion. Imaginez donc le coût de cette opération. On a vu les résultats parce qu’à titre d’exemple, la croissance de zéro à 3%, c’est par rapport à l’énergie. Elle a boosté l’emploi et les entreprises.
Quant aux délestages, c’est un phénomène tout à fait normal. Ça arrive dans tous les pays du monde. On ne peut pas comparer les délestages d’aujourd’hui à l’absence de courant durant 10 ans. Je dis toutefois au responsable de la Mamwé (actuelle Sonelec), c’est qu’il faut de la communication. Les délestages surviennent pour des raisons précises par conséquent, il convient d’informer la population concernée, leur dire par exemple que de telle heure à telle heure le courant ne sera pas disponible. Ainsi, la population prend les mesures adaptées.
Pour vous rassurer, je vous dis que non seulement nous avons l’énergie actuellement mais que nous travaillons également sur l’énergie renouvelable. On a paraphé des contrats avec des pays et des sociétés pour exploiter les énergies renouvelables pour des raisons de respect du climat et de l’environnement.
Pour finir, le transfert d’argent des migrants ont un rôle clé dans le développement économique et social du pays. Quelle politique justement pour les ressortissants comoriens qui sont dans la diaspora ?
Azali Assoumani : C’est une très bonne question. J’ai dernièrement rencontré des entrepreneurs franco-comoriens à Paris pour discuter de ce sujet. Selon nos calculs, les transferts d’argent de la diaspora par an, ne sont rien d’autre que l’équivalent du budget de l’État. Nous avons un budget de 160 millions d’euros et les transferts pèsent peut-être plus. Seuls sont pris en compte les transferts comptabilisés par la banque centrale mais n’oublions pas que d’autres canaux permettent de ramener de l’argent de la diaspora dans le pays. C’est argent sert considérablement mais seulement dans un cadre purement personnel.
De notre côté, nous voulons établir un partenariat avec les Comoriens de la diaspora et faire en sorte que cet argent serve dans les investissements. C’est une manne considérable qui peut engendrer une fierté pour la diaspora qui saura qu’elle a considérablement contribué au développement du pays. Demain, ces ressortissants peuvent revenir, soit à la retraite, soit pour s’établir dans un pays paisible de leur choix.
Propos recueillis à Moroni par Mamadou Moussa Ba avec Confidentiel Afrique
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