Accord-cadre franco-comorien: Une belle arnaque diplomatique
Accord-cadre ou feuille de route ? Ce flou sémantique cacherait-il un loup ?
Vendredi 9 novembre, le député Kamardine postait cette phrase : « Les parlementaires mahorais sont reçus au Quai d’Orsay qui vient de leur annoncer son accord pour l’élaboration d’une feuille de route en vue de rechercher les voies et moyens d’un règlement définitif du contentieux de la souveraineté française sur Mayotte ». Jargon incompréhensible où les mots perdent tout sens commun.
De quoi s’agi-t-il vraiment ? Régler un contentieux colonial ou lutter contre les trafics humains ?
En diplomatie, quand l’énoncé est flou, c’est qu’il y a un loup. S’il s’agit de parler du différend franco-comorien, les élus mahorais doivent se retirer de ce piège, car on ne peut trouver de solution à un faux problème.
Le ministère des Affaires étrangères a communiqué sur « un accord-cadre ». Quèsaco ! Définition du mot-clé : « Accord aux termes généraux servant de cadre aux transactionsultérieures conclu entre différents pouvoirs comme les syndicats et le patronat ». Exemple : L'accord-cadre prévoyait une prime annuelle pour tous les ouvriers.
Inspirés de la technique française des marchés à bons de commande, les accords-cadres ont été consacrés, en droit communautaire, par les directives « marchés publics » du 31 mars 2004 et, en droit interne, par le code des marchés publics de 2006. Dix ans après sa création, l'accord-cadre est devenu un instrument largement utilisé et considéré comme une technique de passation de marché efficace dans toute l'Europe.
Aux termes de l’article 1er du code des marchés publics, les accords-cadres sont des « contrats conclus entre [un] pouvoir adjudicateur (…) et des opérateurs économiques (…), ayant pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées ».
Si l’on s’en tient à cette définition, trois remarques s’imposent.
D’une part, le président de la République française, Emmanuel Macron, passe un contrat avec son homologue comorien, le dictateur Azali Assoumani, contrat dont la durée de vie est limitée à leurs mandats respectifs. En principe, aucun marché ne peut être conclu après cette période. L’accord peut être dénoncé par le prochain président comorien ou par un parlement comorien qui aura retrouvé toutes ses prérogatives.
D’autre part, ce contrat est un instrument de planification de la commande publique, aux formalités réduites, impliquant des opérateurs économiques publics ou privés.
Enfin, ce contrat a un prix, voire même des quantités envisagées.
On est donc ici dans le registre d’un contrat commercial dont l’objet véritable est tenu secret, placé sous le sceau de la confidentialité, ce qui explique le flou sémantique qui entoure les discussions ouvertes par le Quai d’Orsay. Dans ce contexte, tout observateur curieux doit se poser deux questions : quoi et combien ça coûte ? En d’autres termes, quel est l’objet de ce marché caché et sur quel montant porte-t-il ?
Le quoi, l’objet du marché, pourrait bien être l’exploitation des richesses pétrolières et gazières découvertes aux larges des eaux territoriales mahoraises et comoriennes, et plus généralement les richesses minières et en hydrocarbures dont regorge le bassin maritime de la zone du Mozambique.
Le combien, c’est le financement des marchés adossés à l’accord-cadre, donc le chèque que le régime dictatorial empochera si l’autocrate signe le document en cours de discussion, fin novembre.
Le fait que cet accord soit bilatéral, qu’il ait une valeur marchande, m’amène à dire que les parlementaires mahorais sont embraqués dans un marché de dupes : une arnaque, une tromperie. Je dis cela parce que la France et l’Union des Comores s’engagent dans un accord « gagnant-gagnant », par lequel les deux partenaires se préoccupent de l'intérêt de l'autre, d'une façon également favorable à son propre intérêt. Un accord où les intérêts de Mayotte, économique et commerciaux, ne figurent nulle part. Un accord où les intérêts de Mayotte, institutionnel et diplomatique, ne sont pas mentionnés.
La première conclusion qu’il faut tirer de ce flou artistique (accord-cadre et feuille de route, règlement du contentieux territorial et lutte contre l’immigration clandestine et les trafics humains) est que nos parlementaires sont de piètres négociateurs puisqu’ils n’ont rien mis dans la balance au profit du développement de Mayotte.
La deuxième conclusion tombe d’elle-même : aucun parlementaire mahorais ne doit signer un accord commercial ou diplomatique avec un Etat qui ne reconnaît pas le statut français de Mayotte, et par conséquent perpétue le contentieux franco-comorien au détriment de la sécurité et du progrès de Mayotte.
Par Zaidou Bamana
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