Déclaration de la société civile sur le dialogue inter comorien
Moins d’un mois après le début du dialogue-inter-comorien, qui avait commencé le 14 septembre 2018 sous la facilitation de l’Union africaine, le contexte politico-institutionnel ne cesse de se dégrader.
Le 2 octobre 2018, le dialogue a été suspendu suite au retrait de l’Union de l’opposition de la table des négociations au motif que ses revendications ne sont pas prises en considération par le gouvernement. Il s’agit de :
- - La participation de la société civile au dialogue en tant qu’entité autonome
- - L’implication de l’Union africaine en qualité de médiateur
- - L’absence de progrès significatif sur les mesures d’apaisement proposés par les parties au dialogue de manière consensuelle
- - Le maintien de l’immunité parlementaire de députés de l’opposition dont certains faisaient partie de la délégation de l’opposition au sein du dialogue inter-comorien
- - La persistance des mesures de démantèlement de l’autonomie des îles (confiscation des recettes des îles autonomes,)
- - La libération des prisonniers politiques
Après plusieurs jours de tractations, la participation de la société civile au dialogue inter-comorien est acquise. La société civile est reconnue comme un interlocuteur à part entière des pouvoirs publics (union et opposition) à même d’influer sur les décisions concernant l’avenir du pays.
Nous avons salué la sagesse des autorités politiques pour avoir reconnu la nécessité de donner au dialogue, un caractère inclusif. Cependant, force est de constater que la reprise des négociations, le 17 octobre 2018, s’est faite sans la délégation de l’Union de l’opposition qui soutient que les conditions et principes ci-cités, devant permettre la tenue du dialogue ne sont toujours pas respectés (les mesures d’apaisement qui constituent un préalable à la poursuite du dialogue ne sont pas mises en application ; l’immunité parlementaire des trois (3) députés de l’opposition dont deux (2) qui faisaient partie de la délégation de l’Union de l’opposition a été levée le 3 octobre 2018 ; les représentants de la mouvance présidentielle refusent d’engager une médiation de l’Union africaine, ce qui exclut toute possibilité de poursuivre le dialogue).
Malgré l’absence de l’Union de l’opposition dont les partis représentent plus de 60% des électeurs comoriens, la délégation de la mouvance présidentielle persiste à poursuivre les discussions avec d’autres partis qui se réclament de l’opposition mais n’ayant pas été présents au début du processus. Une attitude qui remet en cause le format des négociations mis en place avec la facilitation de l’Union africaine et détourne le caractère inclusif du dialogue.
La situation conflictuelle qui a prévalu ces derniers jours à Anjouan nous interpelle. Les affrontements entre l’armée et les insurgés font état de morts et de plusieurs blessés graves. La présence d’armes aux mains de civils remet en cause la cohésion sociale et la paix dans le pays.
Il est urgent d’établir les faits et d’y remédier de manière indépendante afin de rétablir la vérité sur les responsabilités des auteurs des exactions dans l’île, avant que la situation ne dégénère et ne débouche sur une crise séparatiste comme nous l’avons vécue en 1997.
Face à tout cela, la société civile que nous représentons, recommande en urgence les mesures suivantes :
- Sur la question d’Anjouan : établir une commission d’enquête indépendante composée des autorités comoriennes, de la SADEC, de l’ONU et de l’Union Africaine pour déterminer les responsabilités des évènements criminels d’Anjouan.
- Suspendre le dialogue inter-comorien en vue de trouver une solution pérenne à la participation de l’Union de l’opposition.
- Appelle l’Union de l’opposition et la mouvance présidentielle à dépasser leurs clivages politiques dans l’intérêt supérieur de la nation.
- Appelle les parties au dialogue à clarifier les mesures d’apaisement et vérifier leurs mises en œuvre.
- Exige l’indépendance de l’organe du dialogue, afin qu’elle soit pleinement souveraine dans sa prise de décision et qu’elle n’ait de recours autre que ses membres.
- Réitère la nécessité d’avoir dans le dialogue, un médiateur international et réclame un cadre de résolution de la crise institutionnelle avec tous les acteurs (opposition, gouvernement, gouvernorats des îles, société civile) avec la participation d’une médiation internationale
- Demande le maintien et le respect des institutions légales des îles autonomes issues de l’expression populaire, qui font partie du cadre politique de tout dialogue constructif concernant l’avenir de la Nation.
Egalement, nous
8. Réclamons un retour à l’ordre constitutionnel d’avant le 12 avril 2018.
9. Prônons la mise en place d’un cadre de concertation pour définir le contenu du projet de réforme constitutionnelle.
10. Demandons un audit du fichier électoral qui soit fait de manière transparente.
11. Exigeons la suspension de toute initiative de modifications intempestives du cadre législatif avant la fin du dialogue.
Moroni, le 25 octobre 2018
Les organisations de la société civile signataires :
Le Collectif de la 3ème Voie
Confédération des travailleurs comoriens
MOJA
M’DA
Réseau Amani
Ngo Shawo
CAJC
Fédération Comorienne des Droits de l’Homme
Usukani Wa Masiwa
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