L’ancien vice-président Djaffar Ahmed Said a quitté le pays lundi 3 septembre dernier pour la Tanzanie. Les langues se délient depuis ce ...
L’ancien vice-président Djaffar Ahmed Said a quitté le pays lundi 3 septembre dernier pour la Tanzanie. Les langues se délient depuis ce voyage. Certains parlent d’une fuite tandis que ses proches évoquent un voyage ordinaire. Mais qu’en est-il vraiment ? Nous cherchons à élucider cette affaire qui a conduit à l’arrestation d’agents de la PAF et de sa femme.
Personne n’ignore l’inimitié qui règne entre le désormais ancien vice-président de l’Union des Comores et le chef de l’Etat. Une inimitié devenue publique avec la sortie médiatique de Djaffar Ahmed Said, alors vice-président, critiquant avec véhémence, le processus de révision constitutionnelle qui fait disparaître les trois postes de vice-président, lui et ses deux collègues de Mohéli et d’Anjouan. Un séisme politique.
Depuis, selon des indiscrétions, Azali répétait à ses proches qu’il préférait Salami -gouverneur d’Anjouan opposant de première heure à la révision constitutionnelle- à Djaffar. Ceci montre à quel point le président de la république abhorre son colistier depuis que ce dernier a décidé de le désavouer publiquement.
Fin juillet, la justice a fait arrêter des personnes soupçonnées d’avoir planifié un coup d’Etat. Parmi elles, le petit frère de l’ancien vice-président, en même temps secrétaire général du Parti Blanc, dont le président d’honneur n’est autre que Djaffar. L’étau se resserre. Djaffar serait sur la sellette. Le procureur de la république a parlé d’un décaissement de 300 millions de francs comoriens destinés à financer l’opération qui avait visé, selon lui, le ministre de l’intérieur, le chef de l’état-major et le président de la cour suprême entre autres cibles. D’où provient l’argent ? Mystère et boule de gomme.
Dans ce laps de temps, Djaffar confiait à son cercle fermé que ce qui lui importait était le sort de son petit frère en détention. Hassani Hamadi l'aurait même contacté pour confirmer si son silence par rapport à la vie politique était dû aux supposées intimidations dont il aurait fait l’objet. Djeff, comme le surnomment ses intimes aurait assuré que « non ».
À partir du dimanche 2 septembre, une rumeur persistante circule. « Djaffar doit être arrêté dans les 24h ». La rumeur est à prendre au sérieux . Très au sérieux. Une source sécuritaire nous l’a affirmée. Djaffar est visiblement désemparé. Certains de ses plus proches, y compris ses compagnons de route, n’arrivent pas à le joindre. Ça sonne dans le vide. Le lendemain, soit lundi 3 septembre, alors il décida de partir pour la Tanzanie. Et c’est ici le clou de l’histoire. Djaffar qui est parti à bord d’un vol de la compagnie AB Aviation s’est présenté à l’aéroport de Hahaya « 15 minutes avant » le décollage vers Dar alors que généralement les passagers, du moins ordinaires, sont priés de se présenter à l’aéroport deux heures avant.
L’ancien vice-président est-il un passager ordinaire ou VIP ? À Hahaya, le soir, le personnel travaille en sous effectif. Seuls y sont ceux qui assurent la permanence. Une occasion d’éviter les regards indiscrets. Djaffar est accueilli à la salle VIP gouvernementale (il existe à Hahaya une salle VIP privée). Muni de son billet d’avion payé chez Satguru Travel, il attend confortablement la voiture qui va l’emmener directement au pied de l’avion qui décolle à 19h. Le voyage s’est passé dans de bonnes conditions.
Ce n’est que le surlendemain, soit mercredi, que les autorités ont appris la nouvelle. Pour mémoire, les éminents membres de l’opposition ont toujours eu des difficultés à voyager. Il leur est reproché de défaut de carnet de vaccination ou d'insuffisance de devises. Raison pour le moins fallacieuse mais dont la PAF s’est toujours servi pour les empêcher de quitter le territoire. Revenons sur Djaffar. Des arrestations ont lieu ce mercredi à Hahaya. D’abord des policiers. [next] Il leur est reproché d’avoir fermé les yeux sur « un homme recherché ». « Vous auriez dû m’appeler pour demander mon avis », aurait blâmé le ministre de l’intérieur dont la conseillère en communication n’a pas donné suite à notre requête quand nous l’avons contactée pour davantage d’éclaircissements.
Ces policiers qui assuraient la permanence ce soir-là, parmi lesquels Nassor Rachid et Mma Djobane, seraient originaires d’Itsandra et réputés proches de l’ancien vice-président. Mma Djobane serait même la cousine de Djaffar. Simple coïncidence ou coup monté ? Parallèlement, des hôtesses de la salle VIP ont subi le même sort. Elles sont au nombre de trois selon nos informations, et détenues au ministère de l’intérieur. Djaffar n’avait-il pas le droit d’accéder à la salle VIP ?
Nous avons cherché à le savoir . Le directeur du protocole de l’Etat n’a pas donné suite à notre demande . Néanmoins, un ancien diplomate assure que « toute ancienne haute autorité, de surcroît détentrice d’un passeport diplomatique, a le droit d’accès à la salle VIP sans autorisation de quiconque ». Mœurs diplomatiques obligent. Notons en revanche que Djaffar a utilisé son passeport ordinaire pour voyager. Ce qui ne lui enlève en rien son droit d'accès à la salle VIP selon notre interlocuteur. Aux dernières nouvelles, nous apprenons que le chef d’escale de la compagnie AB Aviation est lui aussi arrêté ce vendredi « pour être entendu en tant que témoin ». S’ensuit l’arrestation de la femme de Djaffar, quelques minutes plus tard. Force est de se demander s’il y avait eu une consigne quelconque l'interdisant de quitter le territoire.
Côté AB Aviation, la réponse est non. Une source digne de foi au sein de la direction de la Sûreté, confirme de n’avoir jamais eu connaissance de telle mesure. À l’Aimpsi non plus. Ce qui pousse à croire, logiquement, qu’il s’agit d’arrestations arbitraires. Mais aussi et surtout, cela confirme que Djaffar allait être inquiété s’il était resté au pays. D’ailleurs, le parquet s’apprêtait à rajouter son nom dans la liste de onze personnes interdites de quitter le territoire national, encore moins l’île dans laquelle elles se trouvent. Djaffar en a-t-il eu vent et s’est sauvé avant ? Ce qui est sûr, les autorités s’acharnent contre toutes les personnes qu’il a croisées sur son périple vers Dar. ©Masiwa komor
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