« La Croix » : Pourquoi parle-t-on d’« essaim de séismes » à Mayotte ? Des boissons tombées lors d’un séisme à Mayotte Didier Berti...
« La Croix » : Pourquoi parle-t-on d’« essaim de séismes » à Mayotte ?
Des boissons tombées lors d’un séisme à Mayotte |
Didier Bertil : En général, un séisme se caractérise par une forte secousse suivie de répliques. Lors d’un essaim de séismes, l’énergie est libérée dans le temps sous la forme d’une succession de chocs avec des magnitudes différentes. Une centaine de secousses se répartissent sur une période de trois semaines maximum. Ce sont des phénomènes que nous avons déjà observés dans des zones volcano-tectoniques, comme l’est africain ou dans le milieu océanique.
À Mayotte, l’essaim est exceptionnel par sa durée – nous sommes au 28e jour de crise –, par son rythme soutenu et par sa magnitude : 5,8 enregistré le 15 mai. L’épicentre est situé à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Mamoudzou, dans la croûte océanique, au fond du bassin de Somalie (à 4 000 mètres). Les autres îles des Comores ne ressentent pas la même chose car elles se situent trop loin de l’épicentre.
Comment expliquer ce phénomène ?
D. B. : Le continent africain constitue une seule plaque tectonique entre l’atlantique et l’océan indien. Cette plaque se fracture à plusieurs endroits. Dans l’Est africain, le fossé du rift se creuse depuis plusieurs millions d’années. Et toujours à l’est du continent mais au sud de l’équateur, il existe plusieurs fractures, notamment entre la côte du Mozambique et Madagascar. Hypothèse qui reste à vérifier : cette fracture provoquerait un début de cassure au niveau de l’archipel des Comores et donc de Mayotte, située entre le continent et Madagascar.
On sait peu de chose sur cette zone géographique dont l’observation est récente car la sismicité y est considérée comme modérée par les chercheurs. Une secousse de 5,8 ne se serait jamais produite sur cette île. Les événements actuels dépassent ce que la communauté scientifique pouvait imaginer et vont l’obliger à une observation plus poussée.
Peut-on imaginer une secousse plus forte ou un tsunami ?
D. B. : Un séisme ne se prévoit pas et nous sommes incapable de dire combien de temps cet essaim va durer. Nous observons heure par heure l’évolution des secousses et pouvons dire que la crise qui a débuté le 10 mai s’est intensifiée depuis le 1er juin. Cela fait une semaine que nous notons dans les relevés une secousse par jour de magnitude 5. L’essaim, très actif, risque de durer encore plusieurs jours.
Il est impossible de savoir s’il y aura des secousses plus fortes car c’est la première fois que nous observons ce genre de phénomène. Nous n’avons pas de référence dans ce domaine. En revanche, il n’y aura pas de tsunami. Il faudrait des magnitudes supérieures à 6,5 et un mouvement vertical lié à la rupture pour provoquer la formation de vagues. Ces conditions ne sont pas réunies à Mayotte.
Recueilli par Frédérique Schneider ©La croix