Je suis persuadé que l’on veut utiliser ces assises pour concocter une réforme institutionnelle sur mesure en faveur des autorités en place
Interview exclusive avec l'ancien directeur de la communication au gouvernorat de Ngazidja. Ali Mmadi a lancé une pétition en ligne contre l'organisation des assises qu'il juge politisées. La rédaction de Habarizacomores.com a voulu savoir plus et l'a reçu pour une interview exclusive.
Ali Mmadi: Il faut comprendre que dans une démocratie, la pétition est l’un des moyens légaux pour protester contre une décision de n’importe quelle autorité qui ne vous satisfait pas. C’est aussi un moyen d’exprimer son engagement par rapport à une problématique posée, mais surtout de solliciter le soutien d’un maximum de gens qui partagent votre inquiétude. Et bien, je crois que comme beaucoup de citoyens comoriens, j’ai pu exprimer dans les réseaux sociaux mon opinion sur le projet des assises sur le bilan de 42 ans d’indépendance et de la tournante. Maintenant, j’ai jugé également nécessaire de lancer cette pétition pour essayer d’amplifier la contradiction devant les organisateurs.
Alors pourquoi contre les assises ? J’ai le sentiment que le gouvernement de notre pays devient hors sol de jour en jour. C’est comme s’il était composé de gens qui viennent d’une autre planète ignorant les préoccupations majeures du peuple comorien.
Celui-ci n’a pas besoin d’assises pour faire un bilan de 30 ou 40 ans d’indépendance. Il a besoin de savoir de quoi son lendemain sera fait. Le peuple comorien n’a pas la nostalgie du passé, il n’a pas à regretter non plus ce passé. Il doit affronter avec sérénité son avenir dans un monde en pleine fluctuation. Comment va-t-on améliorer notre éducation ? Que fait-on pour lutter contre l’extrême pauvreté qui touche plus de 70% de la population de notre pays ? Quels instruments devons-nous mettre en place pour sortir du chômage les milliers des jeunes en désespoir permanent ? Voilà un certain nombre de questions auquel le gouvernement devrait répondre depuis un an. Au lieu de cela, il récupère des assises, qui, à la base étaient imaginées à la fin du premier cycle de la tournante, pour en faire un slogan, un moyen de rentrer le pays à nouveau en campagne.
Je suis persuadé que l’on veut utiliser ces assises pour concocter une réforme institutionnelle sur mesure en faveur des autorités en place. Et vu la situation actuelle de notre société profondément fracturée, je crois qu’on conduit le pays vers une nouvelle crise. Les Comores n’ont pas besoin de cela.
Avez-vous de nombre de signatures à atteindre pour cette pétition ?
Le maximum de signataires serait la meilleure des choses. Mais je sais que nous n’avons pas l’habitude de ce mode d’expression. Partant de là, je crois que quelque soit le nombre de signatures, la pétition sera adressée au président de la république. Par contre, je sens qu’il y a une très large majorité de nos concitoyens qui ne sont pas d’accord avec cette mascarade politicienne qui s’annonce, j’espère que beaucoup d’entre eux signeront cette pétition. Dommage que le manque de moyens ne permet pas de la diffuser sur papier. Vous savez très bien que beaucoup de Comoriens n’ont pas accès à Internet.
Qu’attendez-vous du chef de l’Etat après cette pétition ?
Qu’il prenne conscience des vrais problèmes du peuple comorien. L’émergence du pays qui lui est très chère ne viendra pas du bilan de 42 ans d’indépendance ni d’une réforme constitutionnelle sur mesure. Elle viendra à partir des efforts que nous déploierons pour lancer notre économie, bâtir un maximum d’infrastructures publiques et réduire la fracture sociale dans notre pays.
Je voudrais évoquer la tournante en deux mots. Comme le pensait Azali Assoumani candidat, il y a deux ans, je crois qu’elle nous permet aujourd’hui d’avoir une stabilité précaire. Du coup, il serait inintelligent de vouloir retourner à l’instabilité au lieu de chercher à la transformer en stabilité définitive. En tant que père légitime ou illégitime de cette tournante, Azali n’est pas bien placée pour la remettre en cause. Il devrait au contraire user de tout son pouvoir pour apporter les corrections indispensables qui permettraient à ce système d’apporter une stabilité définitive.
Propos recueillis par Zoubeiri