Macron et les kwassa-kwassa
Saint Denis de l’Ile de la Réunion, le 3 juin 2017
Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République Française
Palais de l’Elysée
55 Faubourg Saint Honoré
75008 Paris
Monsieur le Président,
En tant que Réunionnaise et fille de l'Océan Indien, française d'origine comorienne et européenne, je suis, comme beaucoup de citoyens, indignée face aux propos que vous avez tenus lors de votre visite au centre régional de surveillance et de sauvegarde atlantique d'Etel.
Ainsi, vous estimez que la mort de plusieurs milliers d'êtres humains depuis 1995 dans le cimetière marin séparant l'île de Mayotte aux autres îles de l'archipel des Comores porte à plaisanterie ?
Est-ce donc cela votre vision du drame humain qui se déroule dans ce Département Français ?
Considérez-vous le peuple comorien et les cadavres dont regorgent l'Océan Indien comme une nouvelle espèce marine à pêcher, au point d’user à son endroit un ton et des termes aussi humiliants que blessants.
J'incline à croire, Monsieur le président, qu'il ne s'agit là que d’un regrettable dérapage, une véritable maladresse plutôt que de l’expression du fond de votre pensée.
Car, je ne peux me résoudre à croire et accepter que le Président de la République Française, le Président de ma République puisse à ce point délibérément humilier tout un peuple.
Il va sans dire que des excuses claires de votre part s’imposent.
Il serait alors opportun que les propos regrettables que vous avez tenus ainsi que les excuses subséquentes, soient l’occasion de vous intéresser de très près au conflit qui, depuis de trop nombreuses années, oppose notre pays aux Comores, donnant lieu à une situation de forte tension dans l’Océan Indien et aux drames humains que vous connaissez.
Vous n’êtes pas dans l’ignorance du contexte extrêmement préoccupant qui prévalait à Mayotte durant l’année 2016, au cours de laquelle des personnes d’origine comoriennes étaient la cible d’exactions de la part de groupes érigés en « milices ».
J’avais alors par courrier, attiré l’attention de votre prédécesseur, Monsieur François HOLLANDE.
Aucune réelle suite n’a été donnée à ce courrier qui est restée lettre morte.
J’entends aujourd’hui m’adresser au jeune Président que vous êtes pour vous demander d’entendre cette supplication qui vient de La Réunion et qui n’a d’autre finalité que celle de préserver la paix entre les peuples frères de l’Océan Indien.
Sans quoi, l’irréversible risque d’être commis et ce sera trop tard car la haine aura gagné.
Rappelons-nous…le Rwanda.
Il est urgent que nous puissions avoir une vision globale puis une stratégie cohérente et concrète avec une mise en œuvre efficiente d’une coopération fraternelle, de co-développement économique, sanitaire et social.
Cette coopération se devra d’être matérialisée par un véritable plan d'investissement sur plusieurs années en impliquant obligatoirement tous les acteurs concernés.
Et si ensemble depuis Paris, mais avec la composante réunionnaise, nous nous intéressions sérieusement à cette situation dramatique qui a trop longtemps duré afin de lui trouver une véritable solution ?
Convaincue que la présente lettre retiendra toute votre attention et appellera une réaction de votre part, je vous prie, Monsieur le Président, de croire en l’expression de ma respectueuse et républicaine considération.
Mme Faouzia VITRY
Citoyenne et Elue de la République Française