Une liberté d’ expression à géométrie variable en Union des Comores
La liberté d’expression est un des piliers de la démocratie . En Afrique , en général et aux Comores en particulier , la démocratie est dans un état de balbutiement . Le problème de la liberté d’expression doit être matière à réflexion constante . C’ est le fondement éthique du métier de journaliste , sa légitimité , sa vertu et son risque quotidien . Nous apprenons que le parquet de Moroni a condamné IBRAHIM Abdourazak alias Razida ancien cadre de COMORE –Télécom , membre du parti UPDC à une peine de dix mois d’emprisonnement dont cinq mois ferme pour délit d’opinions à l’égard des magistrats et d’un ministre de l’actuel gouvernement dans une émission radio animé par le journaliste ABDALLAH HASSANE AGWA . Ce dernier ,responsable d’une radio libre est relaxé .
Razida ©Habarizacomores |
Cette condamnation a fait l’objet des commentaires divers et contradictoires , et fait le buzz sur les réseaux sociaux . Pour ce cas précis , on a un journaliste et un cadre politique qui ont fait usage d’une idolâtrie de la liberté d’expression . Pour le journaliste, le problème est , qu’est-ce qu’il fait avec cette liberté d’expression dans l’exercice de sa profession ? Quelles responsabilités entraine ce droit pour lui ? Quelles sont les responsabilités qui lui reviennent quand on lui donne le droit de se comporter librement ? IL y a eu l’iniquité dans le verdict du parquet car le journaliste a sa part de responsabilité sur la tenue de l’émission .
Nous tenons à rappeler que dans la célèbre convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales , on dit pourtant que toute liberté peut être soumise à certaines restrictions prévues par la loi , nécessaire dans une société démocratique . L’administration intelligente et respectueuse de la liberté d’expression est un des problèmes auxquels est confronté un journaliste comme ABDALLAH HASSANE AGWA . Si pour faire de l’audience , on choisit l’obscénité , le kitsch , l’impertinence , l’ engagement « branché », cela ne s’appelle pas exercer sa liberté d’expression , mais d’abuser d’elle et finalement , cela revient à compromettre un droit dont la conquête a été perdue et a nécessité de grands sacrifices . Pour RAZIDA , en voulant défendre ses mentors , c’est à dire MAMADOU et NOURDINE BOURHANE convoqués chez les juges pour des faits relevant de leurs responsabilités politiques il a confondu la critique et l’insulte ; un cadre politique a le droit de critiquer l’action gouvernementale ou une décision de justice émise par un juge quelconque dans le cadre démocratique mais se livrer à des invectives et, des outrages à la vie privée des magistrats ou à un ministre, on abaisse la liberté d’expression ,et dénature la critique en sombrant dans l’aversion hors du cadre du débat démocratique .
Nous pensons que RAZIDA a voulu en découdre en se métamorphosant , l’insulteur qui envoie paitre les magistrats et à l’actuel ministre de la justice en se servant de l’idolâtrie de la liberté d’expression devenue une licence dangereuse et pourtant ,dans une société démocratique , la liberté de la presse est la pierre d’achoppement des combats politiques du XIX e siècle en occident , elle était précoce en Angleterre et aux Etats-Unis ; si elle est reconnue en France par la loi de 1881 qui est toujours en vigueur , mais prévoit néanmoins une série de délits de presse comme l’offense au chef de l’ Etat ou des diffamations . Dans une démocratie naissante, comme c’est le cas des Comores on ne peut pas manipuler la liberté d’expression dans une version à géométrie variable pour régler ses comptes personnels ; ce qui est fondamental , c’est la question du rapport entre la liberté et la tolérance , les uns sont pour la défense du droit de dire ce que l’on veut , même si c’est offensant , les autres estiment que la tolérance consiste à ne pas parler de choses qui peuvent heurter autrui . C’est à l’Etat , par le moyen de la loi de fixer publiquement une limitation sage de la liberté d’expression .
Mohamed IBRAHIM MIHIDJAY, professeur certifié d’histoire-géographie