Expulsions illégales à Mayotte : "une atteinte aux droits des personnes"
Le défenseur des Droits Jacques Toubon a estimé jeudi que les expulsions des comoriens des autres iles par la population de Mayotte au premier semestre 2016 était "une atteinte aux droits fondamentaux des personnes".
M. Toubon a aussi mis en cause "le manque de mobilisation des pouvoirs publics" pour empêcher ces expulsions.
Pendant plusieurs semaines, entre janvier et avril, la population locale a organisé des opérations d'expulsion de leur logement de "personnes désignées comme étrangères" (en situation illégale ou pas), les accusant de tous les maux (délinquance, surpopulation hospitalière, etc.).
Le défenseur des Droits avait été saisi par des associations de ces expulsions "en raison de leur origine, par des collectifs de villageois" dans deux villages dépendants d'une commune de Mayotte, qu'il ne nomme pas.
Dans sa décision, il souligne que "ces expulsions illégales ont eu pour conséquences de priver de leurs domiciles près de 200 personnes. Les violences physiques et psychologiques décrites, et dont les images ont été retransmises par les médias, constituent une atteinte au droit fondamental des personnes à vivre en sécurité, et une atteinte à leur dignité".
Il ajoute que, selon le vice-recteur de Mayotte, "plus de 150 enfants ont été déscolarisés du fait des expulsions de la commune", alors que "tout enfant bénéficie du droit à l'éducation".
Il estime que "le manque de mobilisation des pouvoirs publics, pourtant dûment informés, au niveau local et national, a permis l'organisation et la réalisation" de ces "expulsions illégales".
"Les manifestations n'ont pas été interdites et les forces de l'ordre présentes lors de ces actions n'ont empêché ni les destructions des habitations ni les expulsions des personnes", regrette-t-il. "Il résulte de l'instruction que les moyens déployés par les pouvoirs publics au regard des enjeux et des risques d'atteintes aux biens et aux personnes ont été manifestement insuffisants".
M. Toubon "recommande au préfet de Mayotte de prévenir à l'avenir, en interdisant, et en mobilisant les forces de police et de gendarmerie nécessaires pour éviter le déroulement de l'événement", toute manifestation ou réunion qui aurait pour objectif "d'organiser l'expulsion de leur domicile des personnes en raison de leur appartenance supposée ou réelle à une origine, une ethnie, une nation, une race déterminée".
Il recommande aussi au maire de la commune concernée "de faire respecter l'ordre public sur son territoire avec le concours des autorités préfectorales le cas échéant", et il invite les maires des 16 autres communes de Mayotte à faire de même.
Avec AFP