Le seigneur des ruses Mna Madi est pour une fois confronté au pragmatisme. Il hérite d'une situation très difficile qui dépasse sa forc...
Le seigneur des ruses Mna Madi est pour une fois confronté au pragmatisme. Il hérite d'une situation très difficile qui dépasse sa force incroyable de tout résoudre par la ruse. Longtemps avant qu'il ne reprenne les rênes de la communauté, ses prédécesseurs ont été tous dépassés par le problème. Ce n'est pas une mince affaire, car il s'agit de l'épineuse question de l'espace vitale. Tout a commencé au moment où la communauté voulait sceller son territoire sous le sceau d'une unique contrée. Une puissance étrangère bien connue pour sa voracité d'occupation s'est accaparée, par la force, d'une partie du uswa yezi héritée des ancêtres. Comme toute communauté qui se respecte, la nôtre a décidé de libérer son uswa yezi par tous les moyens.
Appelé communément Bilmapuzi, l'occupant a placé ses guerriers les plus armés pour bloquer toute tentative d’exfiltration par la partie spoliée. La communauté a fait appel au haut conseil des communautés pour juger l'affaire. Bilmapuzi est condamné à restituer le territoire qu'il occupe illégalement, ce qui enfreint les volontés de se battre pour la libération, étant entendu que le fait d'occuper un territoire d'autrui est en soi une déclaration de guerre. Bilmapuzi ne sait que faire des résolutions du haut conseil intercommunautaire. Il continue son occupation avec arrogance et mépris. Il plante des cultures pérennes, établit l'ordre à sa manière et massacre toute personne qui tente de rendre visite à ses proches en territoire occupé ou qui veut récupérer ses biens. Pire, il se permet de trépigner la partie libre du uswa yezi pour semer la division et le sauve qui peut.
Confrontée aux problèmes de survie, la communauté laisse le haut conseil résoudre le conflit et se préoccupe de la vie quotidienne ô combien dure à supporter. Les années passent et Bilmapuzi réussit radicalement à imposer sa loi à la communauté des communautés. Il se positionne en champion du droit partout où l'injustice s'invite et tout le monde oublie qu'il est coupable d'occupation illégale. Mais comme tout combat de libération ne peut être jamais oublié, les wavulana de la communauté sonnent le clairon de la liberté et réveille toutes celles et tous ceux qui n'acceptent pas la servilité. La lutte de libération devient l'enjeu et les meilleurs stratèges sont appelés à faire valoir leur bravoure pour en finir avec cette histoire d'occupation.
Mna Madi se propose de résoudre le problème par la seule arme qu'il dispose, la ruse. On lui fait comprendre que cela ne sert qu'à ses impropres intérêts. Il réplique que peu importe le moyen utilisé, l'essentiel est de parvenir à recouvrer le uswa yezi de nos ancêtres. Il prend la parole pour une adresse historique.
– Il s'avère que je vous ai beaucoup trompé par la ruse et j'en suis vraiment désolé. En même temps, vous avez pris conscience que si j'ai réussi à vous dépouiller de vos biens, à vous tourner en bourrique, vous peuple de vaillance, de bravoure, d'intelligence sublime, si dieu, par sa grâce, m’a confié votre destin, j’arriverai bien à ruser Bilmapusi facilement. Faites-moi confiance, vous serez surpris.
Sans grande conviction, mais à défaut de mieux, on laisse faire Mna Madi pour ramener Bilmapauzi à restituer le territoire qu’il a truandé.
Obsédé par sa sapidité insatiable de voyager, Mna Madi a tout fait pour se faire inviter chez Bilmapuzi avec tous les honneurs. La communauté a payé les frais de voyage et de séjour. Avec sa capacité redoutable de concussion, il s'est fait accompagner d'une suite de prestige composée de meilleurs troubadours, de notables distingués et d'illuminés obéissants. Ils arrivent chez Bilmapuzi qui les attendait avec fermeté.
Des festivités sont organisées à grande pompe, ce qui laisse croire à un accueil bienveillant en termes de résolution du conflit qui n'a que trop duré. Mais, les plus avertis de la délégation ont observé un certain laisser-faire qui ne présage rien de sérieux. On se laisse exciter par le luxe des palais, par la magnanimité des lieux, par le paraître imbécile au point d'oublier l'objet de cette visite apprêtée.
Après les préludes d'usage, Mna Madi a rassuré ses compagnons que le piment a bien pris. On se frotte les mains et déjà les griots concoctent leurs récits pour informer la communauté que Mna Madi va libérer le uswa yezi par ruse acerbe.
Lorsque le souverain de Bilmapuzi a reçu Mna Madi, il lui a averti que la question du uswa yezi n'est pas la priorité. Il faut tout d'abord penser à savoir cultiver la partie supposée libre du uswa yezi par les moyens appropriés qu'on va offrir exceptionnellement et incidemment. Fin de la visite.
De retour à la communauté, ceux qui sont au courant de l'esbroufe se demandent comment Mna madi va expliquer la risible solution imposée par Bilmapuzi.
Tout le monde attend la bonne nouvelle et Mna Madi se croyant le plus rusé de la terre comprend qu'il a été hâblé comme un enfant. Il n'a rien dit à la communauté, rien d'autre que croire que le uswa yezi est bien un droit indéniable et qu'il faudrait qu'un jour il soit libéré par d'autres moyens que la ruse, car Bilmapuzi est plus habile en la matière. Mais comme " yifeli sha mdru djabali", Mna Madi ne peut ne plus croire à la puissance de la ruse. Il se propose de remettre tout le uswa yezi à son tuteur Bilmapuzi en échange des quelques lingots d'or (dur) et "ala yilele" pour l'intégrité du territoire.
Aussitôt dit, aussitôt compris. La communauté descend dans la rue et grogne :
ye mfa Mna Madi tsi ya riwuwa
hariwuwa sontsi bo nanyawe
Par Dini NASSUR