Mohamed Fahar Eddine Moutui est à l’Alliance Française depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui enseignant, il a longtemps fait partie du Comité ...
Mohamed Fahar Eddine Moutui est à l’Alliance Française depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui enseignant, il a longtemps fait partie du Comité de Direction de l’Association. Portrait.
L’Alliance Française, on dirait presque que vous y êtes né !
Ah oui, j’ai toujours fréquenté l’Alliance. A Mayotte d’abord, où j’y ai fait mes premières lectures, à Anjouan ensuite. J’ai longtemps fait partie du Comité de l’Alliance, comme secrétaire adjoint, trésorier ou encore vice-président. Pendant longtemps, c’est le Comité qui menait les activités de l’Alliance, avant qu’elle se structure ainsi. Le secrétaire général était le seul permanent à faire fonctionner l’institution. Il n’y avait pas de cours à l’époque, l’Alliance était un centre culturel exclusivement, avec une bibliothèque et quelques activités théâtrales. On a notamment monté la première troupe de théâtre de l’AF. Le bâtiment s’est peu à peu étendu, mais pendant longtemps c’était vraiment tout petit !
Comment en êtes-vous venu à enseigner à l’Alliance ?
Quand les cours ont commencé, il s’agissait de cours de soutien scolaire. La directrice en poste m’a proposé de quitter le Comité pour devenir enseignant. J’étais alors professeur au lycée de Mutsamudu où j’enseignais l’anglais.
C’est à l’Alliance que vous avez commencé à enseigner le Français ?
Non, j’ai été enseignant de français dans plusieurs collèges à Anjouan, bien avant d’être à l’Alliance. J’ai enseigné l’anglais, le français et l’arabe dans ma carrière. Initialement, j’ai une formation d’enseignant « classique », puis par l’Alliance, j’ai été formé à la méthode actionnelle et communicative.
Que représente le métier d’enseignant pour vous ?
L’enseignant est un encadreur, un facilitateur qui permet aux autres de s’insérer dans la vie sociale. On aide à apprendre à apprendre. J’ai toujours aimé mon métier, ce que je fais. Mais ici, à l’Alliance, mon amour pour l’enseignement a grandit. J’ai compris mon pays ici. L’Alliance m’a aidé à comprendre comment aider mon pays, en quoi la langue et la culture peuvent nous aider, en partie, à reconstruire nos valeurs. La perte des valeurs crée des problèmes de gouvernance. C’est en enseignant, notamment aux niveaux B2 qui travaillent sur ces questions, que je m’en suis rendu compte.
Vous êtes également un fervent partisan de l’utilisation des TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement) en classe…
Internet et l’informatique en général sont très importants aujourd’hui. Si on ne maitrise pas ces technologies, on ne peut pas faire le tri des informations, il faut savoir les utiliser pour le développement. Les formations que j’ai suivies m’ont permis de m’adapter à l’environnement actuel, sans ça je serais perdu. L’Alliance est un espace de compréhension innovant, un espace d’échanges qui m’a permis de m’adapter à la modernité : j’utilise systématiquement le numérique en classe et je pousse mes élèves à se saisir de ces outils. J’essaie d’avoir des cours interactifs, je projette des montages qui donnent une correction immédiate, très visuelle.
Avez-vous une anecdote de la salle de classe à nous raconter ?
Il y en a plein, c’est une question difficile. Je suis aimé par les élèves, par les parents et parfois j’arrive à tisser des relations qui vont au-delà de l’enseignement. Ma famille s’agrandit de jour en jour ! Certains de mes élèves sont devenus ministres, sont des responsables qui parfois m’écrivent. L’Alliance est devenue une nouvelle famille.
Quelle est votre classe préférée ?
Aucune, j’aime me défier. Avant, j’aimais beaucoup les niveaux avancés, puis j’ai appris à aimer tout autant les niveaux intermédiaires, le B1 notamment, qui me permet de poser les bases nécessaires pour une réussite en B2 ou C1. Récemment, le public de l’Alliance s’est rajeuni avec le développement des cours pour les tout petits. On accompagne les élèves dès l’enfance, ils grandissent avec le FLE. Je ne comprends pas comment ils peuvent évoluer autant. En un an, les progrès sont phénoménaux.
L’essentiel ce sont les collaborateurs. Quand on a de très bons collaborateurs, on fait beaucoup de choses. Le personnel administratif de l’Alliance est très bien, il fait son travail avec amour. Et le directeur joue un rôle crucial. L’Alliance a eu des périodes difficiles et j’ai eu pitié de la directrice actuelle à son arrivée. Mais j’ai trouvé en elle une personne très solide qui a su trouver les bonnes solutions et donner une cohérence aux cours et à l’action culturelle qui pour moi sont indissociables. Célestine a créé une vraie transversalité. Aujourd’hui on a confiance, non seulement nous, personnel de l’Alliance, mais aussi notre public, la population comorienne.
L’Alliance revit et j’espère que cela continuera. Notre équipe est plus solide que jamais, les nouveaux professeurs, les stagiaires qui ont travaillé avec nous cette année ont contribué à cette dynamique. Il faut évoluer avec le monde, sinon « Viragi isto hou latza » (le virage risque de te perdre). Autrement dit, si tu n’accompagnes pas le virage en voiture, tu seras éjecté de la route.
©Alliance française de Mutsamudu