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2015 était une année propice pour ce bilan puisqu'un cycle, quoiqu' incomplet, s'achevait; puisque c'était aussi la dernière année du mandat d'Ikililou. Et faut-il le rappeler, lors de la mise en place des nouvelles institutions, il avait été souligné qu'après le tour de Mwali, il fallait apprécier la faisabilité du tour de Maore sinon procéder au bilan de la Tournante. Malheureusement Ikililou a fait défaut.
Aujourd'hui nous nous trouvons au début du second mandat d'Azali, celui-là même qui avait mis en place et inauguré le système de la Tournante. Azali semble vouloir mettre le pays sur les rails du développement en revisitant les infrastructures de base électricité, eau, routes. Azali devrait soumettre au pays son plan quinquennal et fixer les orientations de l'année. Comment parvenir à ces objectifs et mobiliser les énergies du pays sans ce bilan ?
Enfin la situation du pays étant ce qu'il est : désastreuse à tout point de vue; peut-on continuer tête baissée sans se donner le temps de réfléchir, de mesurer le chemin parcouru depuis l'indépendance, d'identifier de plus près les principaux obstacles qui plombent le pays et l'empêchent de prendre son envol ?
L'armée répète en situation réelle sa parade militaire du 6 juillet, le 04 juillet à Moroni. Photo ©Toufeyli Maecha |
A mon avis la question centrale, sur laquelle nous buttons, ce sont nos relations avec la France. Un rapide survol des événements marquants de ces quarante dernières années le montrera et aiguillera vers une étude plus nourrie.
L'indépendance fut proclamée unilatéralement le 6 juillet 1975 dans un conflit ouvert entre le pouvoir comorien représenté par Ahmed Abdallah et la France. La réaction de la France fut d'organiser le coup d'Etat du 3 août 1975. Le bébé indépendance de moins d'un an subi un coup frontal qui allait paralysait sa croissance. Car Mayotte pris dès lors le large. Il faut souligner que le putsh du 03/08/1975 était double : à Moroni le pouvoir des verts était balayé comme un fétu de paille et à Maore l'administration comorienne était délogée, les fonctionnaires et les partisans de l'indépendance expulsés vers Moroni dans des embarcations de fortune.
Lorsqu'Ali Soilihi comprit qu'il a été roulé dans la farine par ses commanditaires français et ses alliés séparatistes de Maore, il était trop tard. Il se rebella en vain. Son incapacité à se lier et à mobiliser des masses soumises à l'arbitraire des "mapidunzi" le condamna. Et la France le renversa aisément en mai 1978.
De retour, Ahmed Abdallah fut encadré par les mercenaires de Bob Dénard qui travaillaient main dans la main avec l'Etat français, pouvoir de droite comme pouvoir socialiste. Tout ce qui pouvait dans l'héritage d'Ali Swalihi, jouer un rôle positif fut gommée, la corruption et le clientélisme prirent des allures de sport national sous le slogan du "Mwanahatru", la tradition (Anda) fut dévoyée et devint un instrument d'asservissement et de débauche.
Lorsque les mercenaires ne pouvaient plus tenir le pays, après l'assassinat des deux premiers Chefs de l'Etat et la déportation du troisième à la Réunion, les gouvernants français eurent recours au séparatisme. C'est que l'on avait préparé le terrain avec la sécession de Maore, et on avait bien propagé l'idée que le pouvoir était un gâteau à partager équitablement entre les îles oubliant que les pouvoirs qui se sont succédés à la tête du pays comprenaient toujours des originaires de toutes les îles, y compris Maore.
Le dernier coup d'Etat des mercenaires de Bob Denard s'était déroulé en 1995 et avait honteusement échoué. L'accalmie fut de courte durée puisqu'en 1997, le séparatisme surgit sur les devants de la scène et prit le relais de la déstabilisation du pays. Des anciens militaires français originaires de Ndzuani, avec l'appui flagrant des autorités françaises, s'emparèrent du pouvoir dans l'île et engagèrent le pays dans l'ère du séparatisme triomphant qui domine encore le pays et qui se trouve à l'origine de la Tournante qui entre autre a quasiment détruit l'idée de nation au profit de l'identité insulaire voire régionale ou même villageoise.
Depuis l'indépendance, la France déstabilise le pays. Il faut que la partie indépendante croupisse dans une misère crasse repoussante pour crédibiliser l'annexion de la partie occupée.
Bien sûr il se trouvera des gens pour considérer que depuis l'indépendance, ce sont des Comoriens qui dirigent le pays, ce serait eux les principaux responsables de ce qui nous arrive. Loin de moi l'idée de les dédouaner mais à mon avis il faut analyser un peu plus la situation. L'arbre comorien ne doit pas nous cacher la forêt française. Depuis l'origine c'est la France qui imposait ses affidés à la tête de l'Etat. Et cela jusqu'à Sambi, le seul Président à ne pas appartenir au sérail français. Mais même dans ces cas, la France ne manque pas de stratagèmes combinant judicieusement carotte et bâton, pour influencer décisivement les gouvernants comoriens. Ainsi et ainsi seulement on peut comprendre que cette France qui occupe une partie du territoire national, qui a imposé un visa mortifère de Comoriens (plus de 10 000 morts), qui malmène des Comoriens à Maore, est traitée par nos gouvernants comme un ami, le premier ami des Comores.
Lors des dernières présidentielles, on a vu la France et à sa suite l'Union Européenne soutenir ouvertement Mamadou. Azali II, va-t-il en tirer des leçons et se démarquer d'Azali I ? Rien ne permet de le croire. Dans son discours d'investiture Azali s'est référé à son dialogue avec Chirac, un pseudo dialogue néfaste qui a ouvert la porte à l'annexion de Maore. Et que penser de l'absence de réaction des autorités comoriennes face à la crise des délogés de la place de la république française à Mamoudzou, n'est-ce pas un indicateur d'une capitulation sur toute la ligne.
La dérive la plus nuisible de la Tournante est d'avoir érigée le Président en monarque absolu et d'avoir crédité l'idée fausse d'un pouvoir d'une île, "NDE YATRU" alors qu'il s'est agi jusqu'ici de pouvoir d'un clan. Azali peut poursuivre sur cette voie comme il peut vouloir changer la donne, ouvrir des vrais perspectives au pays. Si tel est le cas il lui faudra engager ce bilan rédempteur.
Idriss (05/07/2016)