Je le sais fort bien : la Cour constitutionnelle ne s’est pas encore exprimée et que le feuilleton électoral n’est donc pas encore fini. L...
Je le sais fort bien : la Cour constitutionnelle ne s’est pas encore exprimée et que le feuilleton électoral n’est donc pas encore fini. Loufti Adinane peut refuser de lire l’arrêt, il peut disparaître avec lui ou, contre toute attente, déclarer le perdant gagnant. Je sais tout cela : aux Comores, l’inimaginable ailleurs est tout simplement probable. Mais quoi qu’il en soit, certaines leçons peuvent déjà être tirées, les élections étant terminées.
Première leçon. Depuis que les gouverneurs sont élus au suffrage universel aux Comores (2002), aucun d’eux n’arrive à faire deux mandats consécutifs sauf Mohamed Ali Said à Mohéli : Ngazidja et Anjouan élisent leurs gouverneurs et les renvoient à leurs chères études aux élections suivantes.
Deuxième leçon. Aucun parti politique n’arrive à garder Beit Salam au-delà d’un mandat : la CRC a perdu la présidentielle en 2006 et l’UPDC en 2016 et Sambi n’avait pas de parti quand il était au pouvoir.
Troisième leçon. Deux hommes ont commis deux performances : Sambi et Azali. Sambi a pu accéder à Beit Salam en 2006, a fait élire Mohamed Abdoulwahab gouverneur de Ngazidja en 2007, a placé Anissi Chamsidine à Dar Nadjah en 2011, a aidé à placer Mouigni Baraka à Mrodjou et a choisi son successeur à Beit Salam. En 2015, pourtant dans l’opposition, il a obtienu plusieurs députés. En 2016, cinq ans après avoir quitté la présidence de la République, il reste un véritable faiseur (et défaiseur) de roi : il a manqué de très peu de faire qualifier Fahmi Said Ibrahim à la primaire de Ngazidja, a fait battre ses anciens amis (Anisssi et Mamadou) et a aidé Azali à redevenir président. Azali, lui, s’apprête à retrouver la résidence présidentielle dix ans jour pour jour après l’avoir cédée à Sambi !
Retour à mes pronostics. J’avais déjà écrit dans Albilad et dans ces colonnes voilà un an exactement que ni Mouigni ni Mamadou ne pourrait gagner la présidentielle de 2016 ; et que le candidat qui pourrait l’emporter serait celui qui bâtirait une large coalition. Celle-ci est née finalement avec l’alliance Azali/Sambi : pas d’étonnement qu’Azali, porté par cette dernière, soit élu président. Il serait fort souhaitable qu’elle dure pour l’intérêt du pays et pour celui de ceux qui l’ont mise en place. L’alliance Ouattara/Bédié (anciens ennemis) a permis à la Côte d’Ivoire de retrouver les chemins de la paix et du développement.
Azali, qui n’était pas le mieux parti dans la compétition présidentielle, a fait preuve d’une forte patience (dix ans à se préparer à regagner son ancien poste), d’une grande habileté (soutenir les candidats lésés à la primaire du 21 février 2016 alors qu’il était qualifié), d’un sens tactique redoutable (réunir autour de lui les candidats qui comptaient le plus) d’une intelligence hors norme (mettre son égo de côté pour négocier avec Sambi) et d’un sens aigu de la légalité (accepter le troisième tour alors qu’il s’attendait à être déclaré président).
Plusieurs chantiers attendent Azali qui ne bénéficiera d’ailleurs à juste titre d’aucun moment de grâce. Il devra dès son investiture se doter d’une équipe performante et dynamique pour faire face aux gigantesques défis de ce pays pauvre, endetté, sans infrastructures, et avec un chômage terrifiant. Mais il ne pourra pas faire l’économie d’une révision de la vie politique du pays (la vie, le fonctionnement et le financement des partis politiques par exemple) et surtout ses organes chargés d’organiser les élections. Il doit absolument épargner à la population comorienne d’une année électorale aussi cauchemardesque que 2016.
Je vais essayer de terminer sur une note positive. Quel que soit ce que pense ou veut Loutfi Adinane, il sait qu’il ne peut que confirmer les résultats proclamés par la CENI. A moins que ce vieil homme veuille signer son suicide, celui de ses collègues et celui du pays.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres et enseignant