Elle aura mis dix ans. La Suisse a confisqué le passeport de l'un de ses ressortissants accusés de pédophilie dans la Grande Île. And...
Elle aura mis dix ans. La Suisse a confisqué le passeport de l'un de ses ressortissants accusés de pédophilie dans la Grande Île.
Par le correspondant du Point Afrique à Genève, Ian Hamel - Point Afrique
André Gogniat, un homme d'affaires du canton de Neuchâtel à la retraite, sévit depuis 2005 dans l'archipel des Mitsio, de petites îles sur la côte ouest de Madagascar. Généreux avec la population, il embarque des petites filles de 8 à 12 ans sur son bateau, les habille en femmes, les maquille, et s'enferme de longs moments avec elles dans sa cabine.
À la suite des plaintes des parents des victimes, de Mahamodo, le chef de l'archipel des Mitsio, soutenus par Roland Vilella, responsable local de l'ONG Pharmaciens sans frontières, André Gogniat est condamné à cinq ans de prison en 2007 pour viols et pédophilie. Mais, laissé libre, il file en Suisse. Malgré des reportages dans la presse locale et sur TF1, la justice ne bouge pas. C'est d'autant plus étonnant qu'un document émanant de la police cantonale de Neuchâtel, adressé en 1996 aux autorités de l'île Maurice, que Le Point Afrique a pu se procurer, précise que l'individu « est connu de [leurs] services pour attentat à la pudeur [sur] des enfants. Délit commis en 1987 ».
Le prédateur revient se venger
Preuve que les Suisses connaissent ses agissements depuis fort longtemps, et qu'André Gogniat a aussi eu des démêlés du côté de Port-Louis avant de se rabattre sur Madagascar. L'histoire ne s'arrête pas là. En 2012, dans la plus grande discrétion, et sans que les plaignants soient avertis, la Cour de cassation blanchit le Suisse, qui revient peu après dans l'océan Indien. Non seulement il choisit de s'installer dans la même région que ses anciennes victimes, mais il décide de se venger de ses accusateurs. Il fait condamner Mahamodo, le chef de l'archipel, et la mère d'une fillette violée pour « dénonciation mensongère ». L'affaire repasse en appel dans les prochains jours à Antsiranana (Diégo-Suarez).
Deux ans d'esclavage sexuel
À la suite d'une pétition, intitulée « Nous ne nous tairons pas », qui va recueillir plusieurs milliers de signatures, André Gogniat est finalement expulsé du pays sur ordre du ministère de l'Intérieur. Par ailleurs, l'humanitaire Roland Vilella publie sur Internet Prédateurs et Complices, un livre mettant en cause le puissant réseau qui soutiendrait le pédophile à Madagascar. Mais, cette fois, le prédateur n'est plus le bienvenu dans son pays natal. Les autorités de Neuchâtel lui confisquent son passeport et ouvrent une enquête à la suite d'une nouvelle plainte, émanant d'une jeune femme malgache de 24 ans, mère de famille, originaire des Mitsio. Alors qu'elle n'était âgée que d'une dizaine d'années, elle aurait subi, comme deux autres enfants, un véritable esclavage sexuel de la part d'André Gogniat. Un esclavage qui aurait duré deux longues années. « Une mère maquerelle, dame B., qui travaillait pour A. Gogniat, obligeait par la violence les trois enfants à se donner au Suisse, qui la rémunérait grassement pour ce travail », écrit une publication malgache.
Aux mains de la justice suisse
« Des mesures d'investigation sont en cours, car les faits, même s'ils ne sont pas récents, ne sont, semble-t-il, pas prescrits », déclare Pierre Aubert, le procureur général du canton de Neuchâtel, dans L'Express, le quotidien local. Les investigations seront menées par la justice suisse, qui a l'intention soit de faire venir la plaignante en Europe, soit d'envoyer des enquêteurs dans l'océan Indien. Des dispositions du Code pénal helvétique permettent, lorsque les faits sont particulièrement graves, de juger un Suisse dans la Confédération, même s'ils se sont produits à l'étranger. On peut toutefois se demander pourquoi la justice à croix blanche a attendu plus de dix ans pour se saisir du dossier. De son côté, André Gogniat continue d'affirmer qu'il est victime d'un complot.
Par le correspondant du Point Afrique à Genève, Ian Hamel - Point Afrique