En tant que descendant du sultan Ahmed Mugni Mku, l’un des pères fondateurs de la nation comorienne il y a plus de 200 ans, Hachim Saïd Has...
En tant que descendant du sultan Ahmed Mugni Mku, l’un des pères fondateurs de la nation comorienne il y a plus de 200 ans, Hachim Saïd Hassane est l’héritier d’une longue lignée de responsables politiques comoriens. Président de la Fondation des Comores, il était, à 45 ans, candidat à l’élection présidentielle jusqu’à ce que sa liste soit invalidée par la Cour constitutionnelle en janvier.
Le premier tour de cette élection, qui s’est déroulé le 21 février, a été entaché d’irrégularités selon la plupart des candidats. Sur vingt-cinq d’entre eux, dix-neuf ont exigé un recomptage des voix et menacé d’entraver le second tour si leur demande n’était pas entendue.
Lors de la manifestation pour demander le recomptage des voix après le premier tour de l'élection présidentielle, à Moroni le 27 février. CRÉDITS : IBRAHIM YOUSSOUF / AFP |
Mohamed Ali Soilihi, vice-président et candidat du parti au pouvoir (la Convention pour le renouveau des Comores), était arrivé en tête (17,61 %), suivi par le gouverneur de l’île de la Grande Comore Mouigni Baraka (15,09 %) et l’ancien président, le colonel Azali Assoumani (14,96 %). Ils sont tous les trois qualifiés pour le second tour qui doit se tenir le 10 avril.
Pourquoi votre candidature à la présidentielle a-t-elle été invalidée ?
La Cour constitutionnelle des Comores a invalidé ma candidature parce que mon colistier, Saïd Mchaoicha, ne possède pas de carte d’électeur biométrique. Il est un fabricant de meubles et un chef d’entreprise respecté et, à ce titre, il participe à la richesse de l’archipel. Mais M. Mchaoicha est handicapé. S’il n’a pas de carte biométrique, c’est parce que son handicap le contraint à utiliser ses mains pour se déplacer ou marcher, et que ses empreintes digitales sont abîmées. On peut admettre que ce n’est quand même pas de sa faute, mais c’est pourtant l’argument qui a été avancé pour supprimer sa candidature, et la mienne de facto.
Quelle est la situation aux Comores aujourd’hui ?
L’archipel est aujourd’hui plongé dans le désespoir à cause de la volonté du pouvoir de se maintenir en place. La situation est tendue et je pense que nous allons vers une insurrection. Seule une révolution peut aujourd’hui sauver les Comores.
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La population a compris que l’élite comorienne a hypothéqué son destin. Les Comoriens n’ont ni eau, ni électricité, ni éducation… Alors ils espèrent que la clique qui s’est emparée du pouvoir il y a quinze ans va enfin partir. Le pays n’a pour l’instant pas d’avenir, aucune perspective. La situation ne peut pas durer. Si la population est descendue dans la rue, c’est pour dénoncer le trucage de ce premier tour.
Selon plusieurs observateurs, l’opération ville morte, à Moroni le 29 février, n’a pourtant été que moyennement suivie ?
Mais le grand rassemblement populaire du 27 février a été en partie empêché par les forces de l’ordre. Moroni était militarisé et il n’y avait aucune possibilité de sortir de son quartier, de quitter son village.
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La ville était quadrillée par des militaires armés jusqu’aux dents [selon l’AFP, il n’y a pas eu de blessé malgré quelques échauffourées]. Il y avait donc une volonté du pouvoir en place d’étouffer cette manifestation et ne pas laisser la population s’exprimer.
Une mission d’observation de l’Union africaine, menée par l’ancien président tunisien Mohamed Moncef Marzouki, a pourtant dit que le « scrutin s’était déroulé de manière ordonnée et paisible ».
Il n’y a pas eu mort d’hommes, mais tout le monde sait que les élections ont été truquées. Les procès-verbaux que nous possédons le prouvent. Un village, qui a boycotté le scrutin pour protester contre le manque d’eau et d’électricité, a été comptabilisé avec 1 000 votants. Les observateurs ont dit que tout s’était bien déroulé parce qu’il n’y a pas eu de violences physiques.
Certes, mais cette mission d’observation a appelé « l’ensemble des acteurs politiques à respecter les résultats de cette élection »…
C’est au pouvoir de respecter le verdict des urnes et il ne le fait pas ! La volonté populaire a été détournée et nous allons maintenant aller jusqu’au bout. Cela signifie se faire entendre, participer au recomptage des voix et réorganiser de vraies élections surveillées par une force internationale.
Dans ce contexte, le second tour, prévu le 10 avril, peut-il avoir lieu ?
Il est impossible de l’organiser car nous allons tout droit vers un tripatouillage des urnes. Nous appelons à la mobilisation de la population qui, après quarante ans d’indépendance [obtenue de la France le 6 juillet 1975], n’a toujours rien.
Les Comores n’ont aujourd’hui pas d’avenir. L’île Maurice et les Seychelles n’ont pas plus d’atouts que nous, mais ces deux Etats ont réussi à se développer car ils ont eu à cœur de le faire. Les Comores ont tout pour devenir une vitrine économique et un exemple de développement. A condition de ne pas laisser ceux qui ont tué ce pays se maintenir au pouvoir.