Nous avons tous été témoin des blocages au sein du parlement et parfois entre celui-ci et l'exécutif au sujet du projet de loi sur le p...
Nous avons tous été témoin des blocages au sein du parlement et parfois entre celui-ci et l'exécutif au sujet du projet de loi sur le pétrole (maintenant loi), ses clauses sur son exploration, son développement et sa production. Un autre blocage a même eu lieu pour la ratification des deux premiers Contrats de Partage de Production (CPP) avant leurs entrées en vigueur comme le stipulait le code pétrolier. J’aimerais partager ici quelques points de vus techniques liés à la meilleure pratique dans les opérations du secteur pétrolier sans prétendre vouloir donner des leçons.
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Une nouvelle instance du pétrole a été mise en place sous la tutelle du Ministère de l’Energie depuis peu. Il serait fatal de donner à cette autorité tout le pouvoir d’accorder ou de révoquer une licence. Ce serait contre le principe de la séparation des rôles dans les activités du secteur. Il est important de distinguer les rôles des différentes institutions proposées dans le cadre de la loi. La meilleure pratique serait que les aspects politiques du pétrole soient assurés par le Ministre, sa régulation par une Autorité de Régulation, et les aspects commerciaux par une Compagnie Pétrolière Nationale qui serait mise en place.
Conférer les pouvoirs d'accorder une licence à l'autorité précitée serait de nature à affaiblir son rôle de régulateur. L'autorité ne peut effectivement vérifier la performance des conditions fixées par elle-même dans la licence. En outre, confondre le travail réglementaire avec la politique peut paralyser un rôle, alors que ces deux instances sont d’une importance égale en vue de maximiser la valeur de notre secteur pétrolier.
Il ne serait pas concevable que le Ministre seul s’asseye dans son bureau et accorde ou révoque un permis/licence d’exploration. Cela n'est pas concevable car un Ministre ne fonctionne pas en ‘’vase clos’’. Un Ministre travaille avec une équipe d'agents techniques qui conseillent sur les conditions techniques d'octroi ou de retrait de la licence.
La licence est un outil que le Ministre ou le Gouvernement utilise pour s'assurer que le pays maximise les avantages du pétrole et du gaz liés à la délimitation de la superficie de l’espace de prospection, la gestion des données, la promotion, l'utilisation de la technologie, la compétence financière de la société, les capacités techniques, les coentreprises, les programmes de travail, le respect des obligations sur le marché intérieur et à l'emploi des ressortissants. Tout ce travail qui relève du cadre de la politique devrait donc être fait par le Ministre.
Toutes ces activités ont des échéances en termes d'actions de performance, les résultats à atteindre, le type de technologie à utiliser, les normes à appliquer, le nombre de citoyens Comoriens à former et à embaucher dans le secteur, les profils de production, le recouvrement des coûts selon une formule convenue, le partage du pétrole selon la bonne formule, les règles environnementales de santé et de sécurité à respecter tel que stipulé dans la licence. C'est le travail de l’organe régulateur de pétrole. Accumuler tout le travail, y compris la détermination de l’ayant droit d’une licence, la décision des modalités de la licence et de l'analyse des capacités financières et techniques de la licence, en plus de son rôle de régulation devient une tâche énorme pour l’instance du pétrole nouvellement mise en place.
Il est nécessaire que nos institutions se crédibilisent pour qu’on leur fasse confiance à exercer les fonctions pour lesquelles elles sont prévues. À mon avis, donner au Ministre les pouvoirs d'accorder ou de révoquer un permis d’exploration ne traduit pas un simple souhait de contrôler les licences, mais c'est la meilleure pratique qui permet aux institutions de se spécialiser dans leurs rôles respectifs, de mettre en place des freins et des contrepoids, de responsabiliser et mettre en place des lignes claires de responsabilité entre les institutions. Le Parlement, d'autre part devra exercer son rôle de surveillance en exigeant que le Ministre prépare, produit et dépose périodiquement un rapport sur toutes les questions liées à l'industrie.
A noter aussi que l'octroi et la révocation d'un permis ne relève pas seulement de l'analyse des conditions techniques fixées par la licence. D'autres facteurs peuvent être pris en considération, par exemple, la politique étrangère de notre pays, les valeurs et les activités de la société, le besoin d'une participation mondiale et les coutumes du pays. Ceci est en accord avec le fait que le pétrole est une ressource stratégique et critique. Ainsi les décisions stratégiques devraient donc être laissées à l'exécutif afin que le Ministre prenne la responsabilité politique absolue.
D'autre part l'exécutif aura déjà exposé la plus grande bonne foi en énonçant la politique pétrolière et gazière du pays. Ce niveau de transparence et de reddition de comptes doit être soutenue, nourrie et démontré dans le cadre réglementaire, actuellement mis en place pour le secteur des hydrocarbures au Comores
Adinani Toahert Ahamada