Il y a quelques mois je vous avais proposé une chronique intitulé « Et si on se mettait à faire du développement économique au lieu d’en pa...
Il y a quelques mois je vous avais proposé une chronique intitulé « Et si on se mettait à faire du développement économique au lieu d’en parler » ? Je reviens sur ce thème pour mettre l’accent sur l’importance du « travail » dans la croissance, donc dans le développement économique, donc dans le progrès humain de notre société.
Avant tout, et pour une meilleure compréhension, je vous propose quelques définitions. D’où provient la croissance ? Celle-ci dépend de la mobilisation de ce qu’on appelle les facteurs de production, à savoir « le travail » et « le capital ». Travail et Capital sont les deux indispensables facteurs qui génèrent la production des biens et des services, laquelle conditionne la croissance, qui impacte le développement économique.
Je vous parle ici, pour le moment du facteur « travail », je vous parlerai de « capital » dans une prochaine chronique.
La contribution et l’efficacité du facteur travail dans la production des biens dépend de sa QUANTITE et de sa QUALITE . La quantité du travail disponible dépend du volume de la population active et de la durée du travail effectué par cette population active. Autrement dit plus la population active est grande plus il y a un potentiel de travail dans une société.
La qualité du travail dépend du niveau de qualification des travailleurs. La qualification est le fruit de l’enseignement théorique et technique que la population a acquis. Toutefois, la quantité du travail disponible n’est pertinent qu’avec le taux de l’emploi, c’est à dire la quantité de la population active qui a effectivement un emploi.
Et la qualité du travail, fonction de la qualification des travailleurs, elle même fonction du niveau d’instruction n’est pertinente que si les savoirs, savoir-faire sont effectivement mis au profit de la production des biens et des services. Sinon le savoir sans pratique et expérimentation n’est que futilité. « Wujuzi talé » disait l’autre.
J’espère qu’à travers ces acceptions mettant en exergue le rôle du travail, vous constatez comme moi l’immense problème posé à l’économie comorienne et à notre développement social et humain. Nous ne travaillons pas. Pas assez. Pas suffisamment pour produire les biens et services dont le pays a besoin. Pas assez pour produire les richesses qui supportent nos besoins actuels et de la demande de la génération suivante.
Certes, l’économie et la société comoriennes ont plusieurs problèmes et d’innombrables freins : la corruption, les routes défectueuses, l’absence d’électricité, l’illettrisme, le clientélisme, l’exode des cerveaux dans les pays attractifs etc. La liste est longue et ce sont des vrais obstacles à notre développement. Cependant, à mon avis, et en toute logique, rien ne peut fonctionner, la société ne progressera, l’économie ne décollera si « le maximum de comoriens ne travaillent pas ».
Et je ne pointe pas seulement du doigt le faible taux d’emploi que connaît le pays, car, certes, il y a un très fort taux de chômage, mais je souligne surtout « le faible volume de travail fourni par ceux qui ont la chance d’avoir un emploi.
Combien de salariés, combien de fonctionnaires font 6 ou 7 heures de travail journalier, 30 ou 35 heures hebdomadaires dans notre pays ? A vrai dire, très peu.
Combien de tonnes de poissons le pays aurait en plus pour la consommation interne ou pour l’exportation si seulement 10% des jeunes au chômage partaient pêcher et ainsi offrir quelques milliers d’heures de travail à l’économie ? ou si seulement 5% des jeunes au chômage reprenait la culture de la vanille, de l’ylang-ylang ou du girofle ?
Combien de points de croissance le pays aurait pris si l’Etat organisait un vaste plan national de remplacement des cocoteraies, des parcs de manguiers et des parcs de papayers ? Le seul remplacement des cocoteraies villéillissantes et improductives demanderait des centaines de milliers d’heures de travail pour la replantation, ce qui demanderait pour ce faire une campagne de recrutement des jeunes au chômage ou bien une dynamique de redéploiement des nombreux fonctionnaires improductifs qui circulent dans les bureaux de notre administration pléthorique et saturée.
Combien de cadres, de techniciens dans des domaines divers s’emploient à utiliser leurs savoirs et savoir-faire pour produire et ainsi apporter de la plus-value ? Un jour j’avais demandé à un statisticien expérimenté de l’éducation nationale combien le pays aura d’enfants à scolariser dans 5 ans. Il m’a regardé avec des yeux d’un extraterrestre comme si ma question était idiote ? « pffff quelle question !»
Ce haut fonctionnaire de l’administration savait bien évidemment comment calculer un taux de croissance d’une population, il est donc suffisamment qualifié pour ce travail. Seulement il n’a jamais pris la peine de faire le job. Pourtant, il va falloir, un jour que tout le pays prenne conscience que rien ne va, rien ne progresse sans le facteur travail dans l’économie et dans la société.
Penons un exemple d’un travail à la porté de nos savoirs mais que nous ne ferons pas sous prétexte que nous n’avons pas les moyens c’est à dire « les financements ». Ce travail est l’élaboration du cadastre comorien.
Sans ce dernier, il n’y aura point de fiscalité locale, donc pas d’autonomie budgétaire des communes et des Maires nouvellement élus, donc pas de véritable développement économique local. Parfois le destin et le sors d’une société tiennent à peu de choses. Il suffit de le savoir.
Pourtant, nous avons, dans notre pays une centaine de géographes, quelques urbanistes. Ensemble, ils pourraient élaborer ce cadastre indispensable à notre économie et à nos collectivités décentralisées. Je reviendrai prochainement sur le facteur « capital » car ce dernier est important pour produire. Mais a-t-on besoin d’aller chercher les financements de l’Union Européenne pour envoyer un géographe dans un village pour recenser les parcelles du foncier bâti ou non bâti ?
Pour ce grand progrès socio-économique dont les Comores modernes ont besoin, le travail d’un géographe, une rame de papier et des crayons-papier pourraient suffire pour dresser le plan d’occupation des sols d’un de nos villages. Rien d’autre que du travail, ça n’est pas rien mais très largement à nos portées si notre conscience collective admet que nous devons travailler pour améliorer notre sors.
SAID HALIFA
Paris, le 10 juillet 2015
Avant tout, et pour une meilleure compréhension, je vous propose quelques définitions. D’où provient la croissance ? Celle-ci dépend de la mobilisation de ce qu’on appelle les facteurs de production, à savoir « le travail » et « le capital ». Travail et Capital sont les deux indispensables facteurs qui génèrent la production des biens et des services, laquelle conditionne la croissance, qui impacte le développement économique.
Je vous parle ici, pour le moment du facteur « travail », je vous parlerai de « capital » dans une prochaine chronique.
La contribution et l’efficacité du facteur travail dans la production des biens dépend de sa QUANTITE et de sa QUALITE . La quantité du travail disponible dépend du volume de la population active et de la durée du travail effectué par cette population active. Autrement dit plus la population active est grande plus il y a un potentiel de travail dans une société.
La qualité du travail dépend du niveau de qualification des travailleurs. La qualification est le fruit de l’enseignement théorique et technique que la population a acquis. Toutefois, la quantité du travail disponible n’est pertinent qu’avec le taux de l’emploi, c’est à dire la quantité de la population active qui a effectivement un emploi.
Et la qualité du travail, fonction de la qualification des travailleurs, elle même fonction du niveau d’instruction n’est pertinente que si les savoirs, savoir-faire sont effectivement mis au profit de la production des biens et des services. Sinon le savoir sans pratique et expérimentation n’est que futilité. « Wujuzi talé » disait l’autre.
J’espère qu’à travers ces acceptions mettant en exergue le rôle du travail, vous constatez comme moi l’immense problème posé à l’économie comorienne et à notre développement social et humain. Nous ne travaillons pas. Pas assez. Pas suffisamment pour produire les biens et services dont le pays a besoin. Pas assez pour produire les richesses qui supportent nos besoins actuels et de la demande de la génération suivante.
Certes, l’économie et la société comoriennes ont plusieurs problèmes et d’innombrables freins : la corruption, les routes défectueuses, l’absence d’électricité, l’illettrisme, le clientélisme, l’exode des cerveaux dans les pays attractifs etc. La liste est longue et ce sont des vrais obstacles à notre développement. Cependant, à mon avis, et en toute logique, rien ne peut fonctionner, la société ne progressera, l’économie ne décollera si « le maximum de comoriens ne travaillent pas ».
Et je ne pointe pas seulement du doigt le faible taux d’emploi que connaît le pays, car, certes, il y a un très fort taux de chômage, mais je souligne surtout « le faible volume de travail fourni par ceux qui ont la chance d’avoir un emploi.
Combien de salariés, combien de fonctionnaires font 6 ou 7 heures de travail journalier, 30 ou 35 heures hebdomadaires dans notre pays ? A vrai dire, très peu.
Combien de tonnes de poissons le pays aurait en plus pour la consommation interne ou pour l’exportation si seulement 10% des jeunes au chômage partaient pêcher et ainsi offrir quelques milliers d’heures de travail à l’économie ? ou si seulement 5% des jeunes au chômage reprenait la culture de la vanille, de l’ylang-ylang ou du girofle ?
Combien de points de croissance le pays aurait pris si l’Etat organisait un vaste plan national de remplacement des cocoteraies, des parcs de manguiers et des parcs de papayers ? Le seul remplacement des cocoteraies villéillissantes et improductives demanderait des centaines de milliers d’heures de travail pour la replantation, ce qui demanderait pour ce faire une campagne de recrutement des jeunes au chômage ou bien une dynamique de redéploiement des nombreux fonctionnaires improductifs qui circulent dans les bureaux de notre administration pléthorique et saturée.
Combien de cadres, de techniciens dans des domaines divers s’emploient à utiliser leurs savoirs et savoir-faire pour produire et ainsi apporter de la plus-value ? Un jour j’avais demandé à un statisticien expérimenté de l’éducation nationale combien le pays aura d’enfants à scolariser dans 5 ans. Il m’a regardé avec des yeux d’un extraterrestre comme si ma question était idiote ? « pffff quelle question !»
Ce haut fonctionnaire de l’administration savait bien évidemment comment calculer un taux de croissance d’une population, il est donc suffisamment qualifié pour ce travail. Seulement il n’a jamais pris la peine de faire le job. Pourtant, il va falloir, un jour que tout le pays prenne conscience que rien ne va, rien ne progresse sans le facteur travail dans l’économie et dans la société.
Penons un exemple d’un travail à la porté de nos savoirs mais que nous ne ferons pas sous prétexte que nous n’avons pas les moyens c’est à dire « les financements ». Ce travail est l’élaboration du cadastre comorien.
Sans ce dernier, il n’y aura point de fiscalité locale, donc pas d’autonomie budgétaire des communes et des Maires nouvellement élus, donc pas de véritable développement économique local. Parfois le destin et le sors d’une société tiennent à peu de choses. Il suffit de le savoir.
Pourtant, nous avons, dans notre pays une centaine de géographes, quelques urbanistes. Ensemble, ils pourraient élaborer ce cadastre indispensable à notre économie et à nos collectivités décentralisées. Je reviendrai prochainement sur le facteur « capital » car ce dernier est important pour produire. Mais a-t-on besoin d’aller chercher les financements de l’Union Européenne pour envoyer un géographe dans un village pour recenser les parcelles du foncier bâti ou non bâti ?
Pour ce grand progrès socio-économique dont les Comores modernes ont besoin, le travail d’un géographe, une rame de papier et des crayons-papier pourraient suffire pour dresser le plan d’occupation des sols d’un de nos villages. Rien d’autre que du travail, ça n’est pas rien mais très largement à nos portées si notre conscience collective admet que nous devons travailler pour améliorer notre sors.
SAID HALIFA
Paris, le 10 juillet 2015