La question mérite d'être posée, d'autant que la réponse nous interpelle sur le destin commun des Comoriens. L'Union des Comore...
La question mérite d'être posée, d'autant que la réponse nous interpelle sur le destin commun des Comoriens. L'Union des Comores est en train de boucler une phase de la présidence tournante, initiée par les accords de Fomboni, Mohéli, signés en 2001. Une nouvelle phase va s'ouvrir, et comme à chaque fois, un nouvel espoir renait.
L'alternance du pouvoir adoptée par consensus national, et que la constitution de l'Union a consignée sous forme de présidence tournante entre les îles, a été jusqu'alors respectée. La paix sociale est là ; c'est l'aspect positif de la présidence tournante, dont le but n'est pas de régler le problème de la mauvaise gouvernance. En effet, la limitation des mandats n'est pas une garantie de bonne gouvernance. Mais le consensus national réalisé autour de l'alternance du pouvoir entre les entités autonomes que sont les îles, a exclu qu'un homme providentiel confisque le pouvoir pour l'empêcher de tourner.
Il serait dangereux de passer outre cette donnée géographique de l'insularité comorienne.
Les Comoriens, quel que soit leur niveau de culture politique, savent comment la tournante de 2016 doit se passer en Grande Comore pour les primaires et pour la suite. Et la pratique constitutionnelle consacrée dès la première tournante en 2003, ne saurait être bradée par une loi ordinaire de l'Assemblée de l'Union. Notre pays ne supportera pas les manœuvres de candidatures, en violation de la constitution et du consensus national, d'autant qu'il n'entend pas renouer avec les démons du séparatisme. Nous avons certes une cour constitutionnelle qui dira son mot ; mais il faut tirer la sonnette d'alarme et rester vigilant, face aux appétits de pouvoir des uns et des autres, lorsqu'ils ne respectent pas les règles du jeu.
Et ce n'est pas tout. Maintenant que le pays a retrouvé la tranquillité et la cohésion sociale, qu'est ce qu'on en fait, pour construire l'avenir, pour les futures générations et pour nos enfants ? Faut-il miser comme d'habitude, sur l'argent facile, sur l'exploitation du pétrole dans ce contexte de déliquescence de l'autorité de l'Etat, de corruption généralisée, et de dysfonctionnement des services publics ?
Ce serait prendre de gros risques, que d'exploiter demain le pétrole, à la manière du Nigéria. Et comme à l'accoutumée, nous allons nous en prendre aux impérialistes et néocolonialistes, en nous faisant passer pour des victimes expiatoires.
J'ai la faiblesse de penser que la lueur d'espoir peut venir de la tournante de 2016, et que les changements que les Comoriens attendent dans la réforme des politiques de développement, ne peuvent venir que de la Grande Comore, compte tenu de son hégémonie sur l'ensemble comorien : elle représente plus de la moitié du territoire national, de la population comorienne et des richesses du pays ; elle contrôle également, toutes les forces d'inertie et du conservatisme social des Comores.
Il n'est pas exclu qu'une équipe de réformateurs émerge après 2016, pour initier de meilleures conditions de travail et de création des richesses, et pour continuer le processus de décentralisation administrative ; et ce, malgré les résistances constatées, lorsqu'il s'agit de transférer aux collectivités décentralisées (gouvernorats et bientôt les communes), les moyens de gouvernement, sous contrôle de l'Etat.
Les obstacles sociologiques notamment, ne sont pas à négliger. La notabilité est soucieuse de préserver la Tradition du pays (Mila Nantsi) et la coutume structurante (Anda Na Mila). Malgré la méfiance légitime à l'égard des incertitudes du changement, la communication entre les hommes de la tradition et les jeunes, existe encore.
Il n'est pas exclu non plus, qu'à l'inverse, la nouvelle équipe au pouvoir occupe les hautes fonctions sans les exercer ; se contentant de distribuer au sein des clans et des proches, les techniques du «mangement» pour l'enrichissement personnel. J'ai toujours considéré que ceux qui agissent de la sorte, n'éprouvent aucun sentiment d'amour pour ce pays. En effet, on ne peut pas aimer son pays, en acceptant que la population manque tous les jours de l'eau et de l'électricité, et qu'elle donne le peu d'argent qu'elle a, pour des prestations des services publics non fournis ou mal fournis, qu'il s'agisse de la santé ou du système d'éducation.
Djabir Abdou
Ancien président de la Commission des lois à l'Assemblée de l'Union
Enseignant à l'Université des Comores